Dans le « Wall Street Journal »,
Robert Zoellick, ancien président de la Banque mondiale
et associé aux cercles mondialistes, a déclaré
: « Est-ce que quelqu’un peut vraiment croire que
la Syrie peut être à nouveau réunie et revivifiée
grâce à des élections démocratiques
? » (1)
Plus haut, il qualifiait les efforts
de John Kerry, patron des Affaires étrangères
américaines, pour mettre un terme à la guerre à
travers la diplomatie, « de bien intentionnés
». Tout en diagnostiquant qu’il « ne parviendrait
pas à accomplir ce qu’il attend ».
Dans l’article, Zoellick
fait le constat des lignes conflictuel-les qui traversent le
Moyen-Orient pour en déduire que la Syrie,
selon lui, ne sera jamais restaurée en tant qu’État.
C’est s’incliner devant la logique du désordre
et accepter des prédateurs qu’ils fassent main basse
sur ce pays mais aussi toute la région. Du reste, l’ancien
patron de la Banque mondiale va jusqu’à admettre
comme un fait accompli, et incontournable, l’extension de
Daech « au Yémen, à la Libye, à
l’Afghanistan et à l’Afrique ».
Pas un mot dans le discours de Zoellick
pour inviter son pays et le reste de l’Occident à
contrer la barbarie, mais aussi les appétits démesurés
de l’Iran. Tout juste propose-t-il un vague plan
humanitaire.
Mais pourquoi ce
quasi abandon de la Syrie aux démons de la guerre ? Que l’article ait été accompagné
d’une photo de la rencontre des présidents des principales
organisations juives américaines n’est pas innocent.
Cette image apparaît même comme une clé.
Si la Syrie ne retrouve pas
l’unité étatique, elle restera éclatée
en zones d’influence. La
Turquie, bien sûr, en prendra un morceau, l’Iran
et/ou la Russie, domineront dans la zone tenue par
Bachar Al Assad mais, surtout, Israël, comme
nous l’avons déjà dit, s’emparera de
la zone druze, dans le sud (2).
La colère musulmane serait alors
dopée par cet abandon du peuple syrien et ce nouveau cadeau
fait à Israël. Daech renforcerait son
pouvoir de nuisance sur le reste du monde et apparaîtrait
comme le seul adversaire sérieux de Assad aux yeux
de beaucoup de jeunes musulmans.
Enfin, par contagion, l’éclatement
de la Syrie risquerait de se propager à d’autres
pays du Moyen-Orient. Le résultat ne serait pas moins
de guerre, mais plus de guerres dans une situation encore plus
difficile à gérer pour nous qu’aujourd’hui.
Notes
- (1) Dans le « Wall Street Journal
» du 5 novembre 2015.
(2) Lire « Israël se prépare à
intervenir en Syrie ».
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Syrie: la paix
en trompe-l'oeil
Le 18 décembre,
les 15 membres du Conseil de sécurité des Nations
Unies ont voté à l’unanimité un texte
de compromis pour sortir du conflit syrien. On se congratule,
mais qu’en est-il dans le fond ?
D’abord,
comme en convient tout le monde, ce n’est pas encore la
paix. John Kerry, pour les États-Unis, a admis qu’une
autre réunion était prévue pour parvenir
à un cessez-le-feu.
Cependant, on ne parle d’une fin des combats qu’entre
le gouvernement de Damas et l’opposition armée dite
modérée. La résolution ne concerne pas les
organisations jihadistes, comme Daech (l’État islamique)
et Al-Nosra (affilié à Al-Qaïda). Sur ce plan
nous approuvons. En effet, un groupe terroriste recourrant à
des méthodes criminelles et non à des procédés
de guerre, n’est pas intégrable dans une société
normale. Il doit être vaincu militairement et démantelé.
Aucune discussion n’est donc possible avec lui concernant
son avenir.
Mais comment vaincre un groupe terroriste ? Le spectacle de l’horreur
qu’il projette donne une image surévaluée
de sa force aux yeux des populations agressées. En fait,
les terroristes sont peu nombreux. Certes, ils restent difficiles
à cibler car ils se cachent. Pouvant surgir en tous lieux,
ils donnent l’impression d’être partout.
Pourtant, que tout le monde se coalise contre eux, comme cela
tend à se passer en ce qui concerne Daech aujourd’hui,
et la disproportion des forces deviendra telle qu’en quelques
mois les groupes terroristes se retrouveront exsangues. Ne restera
plus qu’à éliminer des cellules réduites
à la survie. Tous les pays l’ont bien compris. Les
Russes et Bachar Al-Assad, le Président syrien, jouent
de cela. En gros, ils nous disent : « Contre les groupes
terroristes, vous avez besoin de nous. Pressez donc ceux que
vous appelez les modérés, la rébellion non-jihadiste,
à rejoindre nos forces contre Daech...» C’est
là que se cache le piège. Si Bachar Al-Assad reste
en place, grâce à nous et aux Russes, il appartiendra
au camp de la victoire. Après coup, il deviendra inexpugnable.
Reprenant des usages que lui et sa famille n’ont jamais
abandonnés, il truquera les élections, fera emprisonner,
torturer ou exécuter ses opposants et organisera à
nouveau des attaques terroristes pour tenter d’imposer ses
volontés à ses voisins. Comme il le fait au Liban.
Le pire, dans tout cela, sera de demander à une population
qui s’est rebellée contre les excès des Assad
de se soumettre à leur loi comme si de rien n’était.
Voilà la paille dans l’accord. Car personne, parmi
ceux qui refusent Daech et Bachar Al-Assad avec la même
détermination, ne peut humainement accepter de se battre
contre le premier en se mettant au service du second.
Alors faut-il renoncer à tout accord ? Non, puisqu’il
apparaît la seule solution pour écraser Daech et
Al-Nosra. En revanche, il convient d’insister et d’obtenir
le limogeage de Bachar et de ses principaux associés dans
le système de terreur qu’il a ordonné à
la suite de son père Hafez.
Alors, les rebelles favorables à une solution démocratique
pourront rejoindre, non le régime, mais les institutions
du pays. Ils pourront même se mettre en ordre de bataille,
au sein d’une armée syrienne reconstituée,
pour combattre les groupes jihadistes. Pour obtenir une telle
évolution, il faut néanmoins l’accord des
Russes. Pour cela leur reconnaître, dans la région,
une part d’influence. Faute de quoi, Daech va continuer
de nuire...
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