Israël se prépare
à intervenir en Syrie

juillet 2015

Le quotidien israélien « Haaretz » a fait une révélation : l’État hébreu a demandé aux États-Unis de venir en aide aux villages druzes situés dans la partie du Golan dépendante du contrôle de la Syrie.

Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, et Moshe Ya’alon, le ministre de la Défense, ont fait cette étrange requête auprès du général Martin Dempsey, chef d’état major de l’armée américaine, lors de sa visite en Israël les 8 et 9 juin derniers.

Cet intérêt d’Israël pour des Druzes de Syrie s’explique par la convergence d’éléments complexes.

Tout d’abord, il faut savoir la communauté druze d’Israël ayant massivement rallié l’État hébreu. Jusqu’à demander que ses jeunes gens fassent le service militaire comme les citoyens juifs. Ceci quand les Arabes de nationalité israélienne n’y sont pas astreints. De nombreux Druzes servent même dans les unités d’élite, en particulier dans les gardes frontières.

Cependant, lors de la guerre de 1967, Israël s’emparait de l’ouest du Golan et, le 17 décembre 1981, la Knesset (le Parlement israélien) annexait unilatéralement ce territoire .

Or, faut-il savoir, dans le Golan contrôlé par Israël, vit une forte population druze. En 1970, l’État hébreu a offert à celle-ci la citoyenneté israélienne. Refusant l’occupation du Golan par Israël, les Druzes de cette région ont massivement refusé et continuent de se considérer Syriens. Seuls 10% de la communauté druze a cédé.

À cela s’ajoute les attaques subies dans le contexte de la guerre civile par les Druzes en Syrie. Ces derniers ont en effet, pour le plus grand nombre, décidé de rallier le régime syrien. Car les Druzes appartenant à une secte très distante de l’islam, les radicaux islamistes les considèrent comme des apostats et menacent de les exécuter (1).

Comme pour établir le bien fondé de ces craintes, le 10 juin une unité d’Al- Nosra, groupe jihadiste syrien inféodé à Al Qaïda, tuait une vingtaine d’habitants druzes du village de Qalb Al-Lozeh, dans le nord du pays à une dizaine de km de la frontière turque. Certes, le commandement du mouvement a condamné la tuerie et promis de punir les responsables. On peut en douter. De plus le mal est fait.

Premier point : Pour les Israéliens, apparaître comme les défenseurs des Druzes peut faciliter le ralliement de leurs coreligionnaires du Golan.

Second point : Plusieurs villages druzes se trouvent dans le Golan syrien, de l’autre côté de la frontière dessinée par Israël. Sous prétexte d’intervenir pour la protection des Druzes de cette région, les Israéliens pourraient ainsi prendre le contrôle de celle-ci. Ils peuvent même espérer repousser un peu plus leurs frontières aux dépens de la Syrie.

Troisième point : Cette hypothèse apparaît d’autant plus probable à la lumière de nos articles passés. Comme le savent nos lecteurs, les Israéliens ont noué une solide relation avec les Kurdes d’Irak, principalement le clan Barzani (3). Or, cette relation est commandée par l’intérêt de l’État hébreu pour l’eau, et surtout le pétrole, sous la main des Kurdes. Encore faut-il acheminer ces précieux liquides jusqu’à Israël en construisant des pipelines. Imagine-t-on ces derniers traversant sans problèmes des régions arabes ? Il faut là se pencher sur les cartes. Prenant l’itinéraire le plus court et partant du Kurdistan irakien pour pénétrer le territoire syrien, les pipelines, longeraient d’abord la frontière irakienne puis jordanienne.


La Syrie, avec au sud-ouest le Golan et As-Suweyda, au nord-est la frontière avec le Kurdistan irakien

Ils traverseraient alors un secteur désertique et facile à surveiller. Quand on arrive sur les premières régions à forte densité de population, en revanche, dans la région d’As-Suweyda, on tombe sur une concentration de villages druzes permettant d’établir la jonction avec ceux du Golan.

On ne peut que saluer la détermination des Israéliens à conduire leurs projets stratégiques. On est cependant aussi en droit de se demander si cela irait dans le sens des intérêts de la région et du reste du monde.

Les Druzes de Syrie, s’alignant sur ceux d’Israël, et s’alliant à celui-ci, passeraient pour des traîtres aux yeux des autres Arabes. Ils deviendraient des victimes expiatoires. Quant aux Israéliens, pour tout le Moyen-Orient, ils seraient confortés dans leur rôle d’accapareurs de terres arabes avec l’autorisation de fait de l’Occident. Laissant faire, nous renforcerons le sentiment d’injustice chez les Arabes et faciliterons le travail des recruteurs de Daech et autres mouvements jihadistes. Finalement, c’est contre Israël que se retournera la manipulation, dopant la colère des Arabes et des musulmans qu’il engendre contre lui.

Notes


(1) Le druzisme est né au Caire au début du Xe siècle dans le contexte de l’islam chiite sous l’Empire fatimide. C’est une religion syncrétiste qui rassemble des éléments de l’islam, du christianisme et des religions indiennes.
(3) Sur la politique d’Israël à l’égard des Kurdes, lire : « Visées israéliennes sur le Kurdistan », « Kurdes et Israéliens, des relations discrètes », « Le Kurdistan israélien »

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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