La Syrie face à sa crise
Propagande et manigance

octobre 2012

La Syrie d’Agnès-Mariam
de La Croix

En France, on connaît le nom de cette religieuse palestinienne, dont la famille s’est réfugiée au Liban en 1948, à travers ses commentaires sur le conflit syrien, pays où elle s’est établie depuis 17 ans. Le 14 septembre dernier, elle a accordé une interview à Radio Notre-Dame qui nous a interloqué.

Elle accuse en effet la presse catholique française de l’avoir réduite au rôle de complice du régime syrien. « J’ai dû prendre la fuite » affirme-t-elle « à cause de la presse catholique française ». Toujours selon elle, l’opposition avait décidé de l’enlever.

Néanmoins, quelques phrases plus loin, pour bien prouver son indépendance à l’égard du pouvoir de Damas, elle déclare que son monastère a été bombardé par un hélicoptère de l’armée. On ne sait plus dès lors qui elle fuyait, de l’opposition armée ou de la vindicte du régime.

Néanmoins, jusque-là, puisqu’elle soutient défendre une résolution pacifique du conflit, on peut la croire s’étant fait des ennemis dans les deux camps.

Étrangement, cependant, au cours de son interview, elle ne prononce qu’une critique modérée contre le régime syrien qu’elle gratifie de « manière totalitaire ». Elle préfère diriger ses nombreux coups contre la rébellion ou pour accuser la presse française d’avoir « falsifié » les faits. Encore son discours apparaît-il peu agressif en comparaison de ce qu’elle écrivait dans un article publié en août 2011 et répercuté sur plusieurs sites Internet.

A cette époque, faut-il le noter, la rébellion armée était quasi inexistante en Syrie. En revanche, l’armée et les milices au service du régime tiraient contre des manifestants désarmés. Or, soeur Agnès Mariam de La Croix ne disait mot de ces attaques. Mieux, elle parlait des quelques éléments armés comme d’une force importante qui correspond mieux à ce qu’ils représentent en gros depuis décembre 2011, après les nombreuses désertions et, disons-le, les renforts d’étrangers jihadistes.

« Aujourd’hui, écrit-elle (en août 2011), il ne fait aucun doute que l’opposition s’est muée en divers endroits en une insurrection armée qui commet des atrocités contre la population civile et contre les forces de l’ordre ». Sporadiques, les premiers affrontements armés avaient commencé en juin 2011. Les premiers attentats terroristes se dérouleront pour leur part le 23 décembre à Damas.

« L’insurrection armée en Syrie est une tumeur inoculée », insiste-elle, alors qu’en deux lignes elle réduit la conduite du pouvoir à ces mots : « Je n’exonère pas le régime de ses responsabilités éthiques pour avoir été totalitaire et oppressif avec les dissidents ou pour avoir laissé proliférer la corruption et le clientélisme ». Des fautes vénielles au regard des atrocités commises par ce même régime.

La très bonne soeur va plus loin. Elle déclare : « Le Cheikh Al Qardaoui n’a pas mâché ses mots, invitant les musulmans à s’insurger contre les « infidèles », y inclus par la force des armes, des fatouas ont permis aux musulmans de verser le sang des « infidèles », les Kuffar (musulmans modérés, alaouites et chrétiens), de violer leurs femmes et de kidnapper leurs enfants ».

Nous sommes-là dans le domaine du mensonge. Qardaoui est la référence religieuse qui s’exprime sur Al-Jazeera, la chaîne du Qatar. Nous suivons ses propos. Or, à aucun moment il n’a lancé ce genre d’appel. Certes, c’est un Frère musulman, et à ce titre un adversaire de nos valeurs, mais c’est aussi un fin politique. Sur sa chaîne on défend même la coexistence entre musulmans et chrétiens de Syrie. Le contraire serait étonnant de la part du Qatar.

Difficile dans ces conditions de prendre soeur Agnès-Mariam de La Croix pour une honnête femme qui n’a pas pris parti pour le régime.

La Syrie cherche à entraîner le Liban dans la guerre

Le 9 août 2012, Michel Samaha, ancien ministre libanais de l’Information, était arrêté par les FSI (Forces de sécurité intérieures) dans son village natal à Jouar. Sans attendre, il était accusé d’avoir transporté des explosifs depuis Damas pour organiser une campagne d’attentats à la demande du pouvoir syrien.

Michel Samaha n’est pas n’importe qui. Ancien membre des Kataëb, le parti chrétien le plus important dans les années 70, il a été élu député des grecs-catholiques (1) en 1992 mais s’est définitivement aligné sur les courants pro-syriens dès 2002. Il a été par ailleurs ministre à trois reprises. Le 9 août sonnait la fin de sa carrière.

Deux jours plus tôt, un certain Milad Kfoury entrait en contact avec les FSI. Affolé, il raconta une histoire incroyable : en échange de 170.000 $ Samaha lui aurait proposé de commettre une série d’attentats dans la région du Akkar, où cohabitent des alaouites (2) et des sunnites, afin de susciter des affrontements entre ces derniers et les chiites.

Equipé d’une caméra miniaturisée fournie par les FSI, Kfoury se rend alors au rendez-vous fixé par Samaha chez lui. L’ancien ministre lui remet des explosifs dans le parking de sa résidence d’Achrafieh (3). Deux jours plus tard, au moment de son arrestation, les 170 000 $ promis son retrouvés dans l’appartement de Samaha.

Confrontés aux prises de vues effectuées avec la caméra, Samaha, passe aux aveux. Le 7 août, il était à Damas. Il a rencontré le général Ali Mamlouk, un responsable des services de renseignement syriens. C’est lui qui l’a commandité. Mieux, au moment de son arrestation, Samaha laissera même tomber : « C’était un ordre de Bachar », le Président syrien.

Ce n’est pas tout. Dans la même journée du 7 août, lui aussi à Damas, Jamil Sayyed a voyagé, au moins au retour dans la voiture de Samaha. Jusqu’à maintenant, aucune charge n’a été retenue contre lui. Disons qu’au mieux, il n’a pas eu de chance ! Cet ancien militaire et ancien directeur de la Sûreté générale, un service de sécurité, est aussi un proche des Syriens. Il est soupçonné d’avoir participé à l’organisation de l’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005.

Cette affaire semble faire partie d’une opération plus vaste. Au mois de mai, éclataient des affrontements armés dans Tripoli (nord du Liban). Ils reprenaient au mois d’août entre sunnites et alaouites. Au mois de juillet, des tracts semant la discorde entre communautés avait été distribués dans les églises par des agents syriens.

D’autre part, à la frontière syro-libanaise, les incidents sont de plus en plus fréquents. Des villages libanais sunnites sont fréquemment bombardés par l’armée syrienne quand ceux des alaouites sont épargnés.

Pendant l’été, une autre affaire a tenu le Liban en émoi. Une bande mafieuse de la banlieue sud de Beyrouth proche du Hezbollah a kidnappé des étrangers, dont plusieurs Syriens. Le 17 août, lors d’une conférence de presse, Samir Geagea, le chef des Forces libanaises (4), accusait le pouvoir syrien d’être l’instigateur de ces opérations pour se venger de l’arrestation de Samaha.

Il faut une volonté peu commune aux Libanais pour ne pas tomber dans le piège de la guerre.

Notes
 
(1) Orthodoxes revenus à Rome.
(2) Les alaouites, de la même confession que les principaux dirigeants syriens, sont considérés comme chiites.
(3) Quartier chrétien de Beyrouth.
(4) Principal parti chrétien, aujourd’hui dans l’opposition. Le général Michel Aoun, dirige une autre formation chrétienne. Cette dernière, en perte de vitesse, est alliée au Hezbollah qui est associé à l’actuel gouvernement.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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