La Syrie dAgnès-Mariam
de La Croix
En France, on connaît le nom
de cette religieuse palestinienne, dont la famille sest
réfugiée au Liban en 1948, à travers ses
commentaires sur le conflit syrien, pays où elle sest
établie depuis 17 ans. Le 14 septembre dernier, elle a
accordé une interview à Radio Notre-Dame qui nous
a interloqué.
Elle accuse en effet la presse catholique
française de lavoir réduite au rôle
de complice du régime syrien. « Jai dû
prendre la fuite » affirme-t-elle « à
cause de la presse catholique française ». Toujours
selon elle, lopposition avait décidé de lenlever.
Néanmoins, quelques phrases
plus loin, pour bien prouver son indépendance à
légard du pouvoir de Damas, elle déclare
que son monastère a été bombardé
par un hélicoptère de larmée. On ne
sait plus dès lors qui elle fuyait, de lopposition
armée ou de la vindicte du régime.
Néanmoins, jusque-là,
puisquelle soutient défendre une résolution
pacifique du conflit, on peut la croire sétant fait
des ennemis dans les deux camps.
Étrangement, cependant, au cours
de son interview, elle ne prononce quune critique modérée
contre le régime syrien quelle gratifie de «
manière totalitaire ». Elle préfère
diriger ses nombreux coups contre la rébellion ou pour
accuser la presse française davoir « falsifié
» les faits. Encore son discours apparaît-il peu
agressif en comparaison de ce quelle écrivait dans
un article publié en août 2011 et répercuté
sur plusieurs sites Internet.
A cette époque, faut-il le noter,
la rébellion armée était quasi inexistante
en Syrie. En revanche, larmée et les milices
au service du régime tiraient contre des manifestants
désarmés. Or, soeur Agnès Mariam de La Croix
ne disait mot de ces attaques. Mieux, elle parlait des quelques
éléments armés comme dune force importante
qui correspond mieux à ce quils représentent
en gros depuis décembre 2011, après les
nombreuses désertions et, disons-le, les renforts détrangers
jihadistes.
« Aujourdhui, écrit-elle
(en août 2011), il ne fait aucun doute que lopposition
sest muée en divers endroits en une insurrection
armée qui commet des atrocités contre la population
civile et contre les forces de lordre ». Sporadiques,
les premiers affrontements armés avaient commencé
en juin 2011. Les premiers attentats terroristes se dérouleront
pour leur part le 23 décembre à Damas.
« Linsurrection armée
en Syrie est une tumeur inoculée », insiste-elle,
alors quen deux lignes elle réduit la conduite du
pouvoir à ces mots : « Je nexonère
pas le régime de ses responsabilités éthiques
pour avoir été totalitaire et oppressif avec les
dissidents ou pour avoir laissé proliférer la corruption
et le clientélisme ». Des fautes vénielles
au regard des atrocités commises par ce même régime.
La très bonne soeur va plus
loin. Elle déclare : « Le Cheikh Al Qardaoui
na pas mâché ses mots, invitant les musulmans
à sinsurger contre les « infidèles
», y inclus par la force des armes, des fatouas ont
permis aux musulmans de verser le sang des « infidèles
», les Kuffar (musulmans modérés, alaouites
et chrétiens), de violer leurs femmes et de kidnapper
leurs enfants ».
Nous sommes-là dans le domaine
du mensonge. Qardaoui est la référence religieuse
qui sexprime sur Al-Jazeera, la chaîne du Qatar.
Nous suivons ses propos. Or, à aucun moment il na
lancé ce genre dappel. Certes, cest un Frère
musulman, et à ce titre un adversaire de nos valeurs,
mais cest aussi un fin politique. Sur sa chaîne on
défend même la coexistence entre musulmans et chrétiens
de Syrie. Le contraire serait étonnant de la part du Qatar.
Difficile dans ces conditions de
prendre soeur Agnès-Mariam de La Croix pour une honnête
femme qui na pas pris parti pour le régime.
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La Syrie cherche à
entraîner le Liban dans la guerre
Le 9 août 2012, Michel Samaha,
ancien ministre libanais de lInformation, était
arrêté par les FSI (Forces de sécurité
intérieures) dans son village natal à Jouar. Sans
attendre, il était accusé davoir transporté
des explosifs depuis Damas pour organiser une campagne dattentats
à la demande du pouvoir syrien.
Michel Samaha
nest pas nimporte qui. Ancien membre des Kataëb,
le parti chrétien le plus important dans les années
70, il a été élu député des
grecs-catholiques (1) en
1992 mais sest définitivement aligné sur
les courants pro-syriens dès 2002. Il a été
par ailleurs ministre à trois reprises. Le 9 août
sonnait la fin de sa carrière.
Deux jours plus tôt, un certain
Milad Kfoury entrait en contact avec les FSI. Affolé,
il raconta une histoire incroyable : en échange de 170.000
$ Samaha lui aurait proposé de commettre une série
dattentats dans la région du Akkar, où
cohabitent des alaouites (2) et
des sunnites, afin de susciter des affrontements entre ces derniers
et les chiites.
Equipé dune caméra
miniaturisée fournie par les FSI, Kfoury se rend
alors au rendez-vous fixé par Samaha chez lui. Lancien
ministre lui remet des explosifs dans le parking de sa résidence
dAchrafieh (3). Deux
jours plus tard, au moment de son arrestation, les 170 000 $
promis son retrouvés dans lappartement de Samaha.
Confrontés aux prises de vues
effectuées avec la caméra, Samaha, passe aux aveux.
Le 7 août, il était à Damas. Il a rencontré
le général Ali Mamlouk, un responsable des services
de renseignement syriens. Cest lui qui la commandité.
Mieux, au moment de son arrestation, Samaha laissera même
tomber : «
Cétait un ordre de Bachar
», le Président syrien.
Ce nest pas tout. Dans la même
journée du 7 août, lui aussi à Damas, Jamil
Sayyed a voyagé, au moins au retour dans la voiture
de Samaha. Jusquà maintenant, aucune charge na
été retenue contre lui. Disons quau mieux,
il na pas eu de chance ! Cet ancien militaire et ancien
directeur de la Sûreté générale, un
service de sécurité, est aussi un proche des Syriens.
Il est soupçonné davoir participé
à lorganisation de lassassinat de Rafic
Hariri le 14 février 2005.
Cette affaire semble faire partie dune
opération plus vaste. Au mois de mai, éclataient
des affrontements armés dans Tripoli (nord du Liban).
Ils reprenaient au mois daoût entre sunnites et alaouites.
Au mois de juillet, des tracts semant la discorde entre communautés
avait été distribués dans les églises
par des agents syriens.
Dautre part, à la frontière
syro-libanaise, les incidents sont de plus en plus fréquents.
Des villages libanais sunnites sont fréquemment bombardés
par larmée syrienne quand ceux des alaouites sont
épargnés.
Pendant lété, une
autre affaire a tenu le Liban en émoi. Une bande
mafieuse de la banlieue sud de Beyrouth proche du Hezbollah
a kidnappé des étrangers, dont plusieurs Syriens.
Le 17 août, lors dune conférence de presse,
Samir Geagea, le chef des Forces libanaises (4), accusait le pouvoir syrien dêtre
linstigateur de ces opérations pour se venger de
larrestation de Samaha.
Il faut une volonté peu commune
aux Libanais pour ne pas tomber dans le piège de la guerre.
- Notes
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- (1) Orthodoxes revenus à Rome.
(2) Les alaouites, de la même confession que les principaux
dirigeants syriens, sont considérés comme chiites.
(3) Quartier chrétien de Beyrouth.
(4) Principal parti chrétien, aujourdhui dans lopposition.
Le général Michel Aoun, dirige une autre formation
chrétienne. Cette dernière, en perte de vitesse,
est alliée au Hezbollah qui est associé à
lactuel gouvernement.
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