COMME LES AUTRES |
mars 2009
Alain Chevalérias a passé une quinzaine de jours au Pakistan et aux Émirats au début du mois de février. Il a rencontré un Taliban dorigine pakistanaise, qui sest rendu en Afghanistan pour combattre. Écoutant ce dernier, on comprend mieux à quelle logique de guerre sont confrontées les forces occidentales en Afghanistan. |
« Je suis né à Péchin, au Baloutchistan pakistanais (1) aux environs de 1986. Jappartiens à la tribu des Agha. Mon oncle, Commandant Agha Jan, de la même région que moi, a rejoint les Taliban pendant les combats contre lalliance du Nord dAhmad Shah Massoud (2) dans les années 90. Tout le monde le considère comme un héros, dans la lignée de ceux qui ont combattu les Soviétiques. Il était déjà aux côtés de Mollah Mohammad Omar Moujahid (3), vers 1994. Pendant les combats dans le nord, du côté de Takhar, il y avait une position très difficile à prendre. Ct Agha Jan a attaqué avec ses hommes. 22 ont été tués, 28 blessés. Il est sorti, seul, indemne de lattaque. Ahmad Shah Massoud lui a offert de cesser le combat. Il a refusé, disant quil se battrait jusquau bout de ses forces. Il est remonté seul à lassaut et il a emporté la position. A partir de juin 2001, il stationnait à Kunduz avec un effectif de 8000 Taliban. Après le 11 septembre 2001, ces derniers ont conclu un accord avec Rachid Dostom (4), qui leur a promis la vie sauve sils rendaient leurs armes. Dostom les a alors enfermé dans des containeurs, du côté de Shibirghan, et les a fait bombarder par son artillerie. Quelques-uns ont survécu, dont Ct Agha Jan, mon oncle. Ils ont alors été libérés en échange de rançons. Quand Ct Agha Jan est rentré chez lui, à Péchin, il était très affaibli et il lui a fallu huit mois avant de recouvrer la santé. Ses forces revenues, sans attendre, il a commencé à faire de la propagande en faveur de la reprise de la guerre. « Maintenant, cest le vrai jihad qui commence », disait-il. Au début de lannée 2003, il est retourné à Kandahar, dans le district de Marouf (5). Continuant ses appels au jihad, il se déplaçait de village en village. Un an plus tard, à la tête dun groupe de combattants, il attaquait un convoi américain. Huit soldats ennemis étaient tués. Pour se venger les forces de la coalition ont arrêté des hommes du village voisin. Ils les ont frappés, torturés et enchaînés à leur tanks, en chemises et en pantalons dans le froid de lhiver. Après ce traitement, les villageois étaient définitivement acquis aux moujahidine (Taliban) et ont soutenu mon oncle. Ct Agha Jan a alors monté une grosse opération dans le secteur de Wam, détruisant 26 véhicules de larmée afghane, trois tanks américains et tuant 32 soldats. Seulement quatre blindés ont pu rejoindre Kandahar. Ct Agha Jan sest alors installé dans la région de Panchwai, cest là quil est mort au cours dune attaque dhélicoptères américains. Son corps a été transporté jusquà Péchin où les habitants chérissent sa mémoire. Pour ma part, à lépoque du jihad de mon oncle, jétudiais. Jai dabord fréquenté lécole du gouvernement, puis lécole religieuse de Péchin. Après quoi, jai passé huit ans à la madrasa Jamia Benaouri Town à Karachi. Jai terminé mes études à Dar Ul Ulum Haqania, à Akora Khatak, dont je suis sorti avec le titre de maoulewi (mollah). Jaurais pu être enseignant, mais je me sentais attiré par un autre destin. Je voulais marcher sur les traces de mon oncle. En février 2008, avec trois amis, je suis parti de Péchin pour lAfghanistan à pied. De guide en guide, bénéficiant de la protection de la population, nous sommes finalement arrivés dans le secteur de Marouf. Nous avons demandé où étaient les moujahidine. Dans un village, un homme nous a répondu : « Il y a deux jours, les Taliban, avec leur chef Mollah Atta Jan, sont passés chez moi ». Dindication en indication, nous avons suivi leurs traces et les avons rejoint deux jours plus tard dans une mosquée du secteur du Canal. Certains priaient, dautres nettoyaient leurs armes pendant que leurs camarades montaient la garde. Je leur ai dit, « Je suis le cousin du Ct Agha Jan ». Ils ont répondu, « Nous sommes tous les élèves de Ct Agha Jan ». Jétais arrivé chez les miens ».
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