DE LA FAMINE DU MONT LIBAN |
Pendant la Première Guerre mondiale, de 1916 à 1918 une effroyable famine a touché les régions chrétiennes du Jbeil et du Kesrouan au Liban. Un tiers de la population est mort, un autre tiers est parvenu à fuir, seul le dernier tiers parvenant à survivre sur la terre de ses ancêtres. Fin novembre 2016, le département dhistoire du collège de Jamhour (Liban) a organisé une exposition à partir darchives sur ce sujet. Retour sur une guerre au cours de laquelle deux alliances saffrontaient : dun côté principalement la Grande-Bretagne et la France, de lautre les pays germaniques et lEmpire ottoman dont faisait partie tout le Moyen-Orient, inclus la Syrie et le Liban... |
Tout a commencé par les réquisitions systématiques des troupes ottomanes qui, manquant dapprovisionnements, cherchaient à se nourrir. Certes, cétait la guerre, mais les chrétiens, plus méprisés par la soldatesque que dautres populations de lEmpire, se voyaient dépouillés jusquà ne plus rien avoir pour se sustenter. Du blé aurait pu venir de pays neutres par bateau, mais au large des côtes libanaises, la marine britannique montait la garde, imposant un blocus impitoyable. Encore nétait-ce pas assez aux yeux du destin. Plusieurs invasions de sauterelles sabattirent sur le pays réduisant à rien le tapis végétal. Sur les corps affaiblis, la typhoïde, le choléra et la tuberculose eurent vite prise ajoutant les épidémies à la faim. Le clergé chrétien du Liban fut le premier à se mobiliser. Il parvint à faire parvenir des appels à laide en direction de la France. Celle-ci était linterlocuteur des Turcs pour la défense des chrétiens dOrient. Mais la guerre avait rompu les relations diplomatiques et la Sublime Porte navait pas doreille pour les lamentations. Une mère qui a succombé à la famine laissant derrière elle ses deux enfants agonisants. En juin 1916, on annonçait déjà 80 000 morts du fait de la famine. Un groupe de pression se forma alors au sein du Parlement français. On caressa lidée de faire parvenir des bateaux neutres, espagnols et américains, pour approvisionner le Liban. Mais dun côté, les Turcs sy opposaient niant la précarité de la situation. De lautre, les Britanniques ne voulaient pas laisser passer les bateaux craignant que larmée ottomane ne semparât de la nourriture pour son propre compte. Résultat, si une commission américano-turque parvint à se constituer, elle ne permit quà un seul bateau daccoster à Beyrouth en décembre 1916.
Paris accepta et, début 1917, ouvrit une ligne de crédit dun million de francs. À partir du mois davril, des équipes de nageurs se relayèrent de Rouad à la côte pour transporter largent. Le supérieur des moines baladites, des religieux maronites, en accusait réception. Aux yeux des autorités ottomanes,ce dernier pouvait en effet justifier de la détention de grosses sommes dargent en les faisant passer pour le fruit de terres vendues par son ordre. 24 000 livres sterling parvinrent ainsi au Liban au rythme de 4 000 livres par mois. Si à partir doctobre 1918, les Français, ayant pris le contrôle militaire de la côte, purent entrer en contact direct avec la population, le problème nétait pas résolu pour autant. Les Britanniques maintenaient lembargo et laccès à lintérieur de la Syrie nétait toujours pas ouvert. Un bateau anglais livra 100 tonnes de céréales, quand il en fallait 2 000 par mois. Cest la France encore qui intervint sur lordre de Clemenceau multipliant les livraisons de grain.
Jean Isnard |
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