HISTOIRE

DU PAYS DES CÈDRES

L'entité libanaise est née de la Phénicie, d'une étroite bande côtière dominée par une chaîne montagneuse.

Vers 2700 av. J.C., des nomades sémites déferlent sur l'ensemble du Moyen-Orient, surgissant de l'ensemble désertique syro-arabe. Ils sont de langue amorite, groupe linguistique auquel appartient l'hébreu.

En Phénicie, ils s'imposent aux indigènes en se mêlant à eux. Néanmoins, en dépit d'une culture commune, les Phéniciens ne jouissent d'aucune unité politique. Certes, des cités sont nées mais elles n'étendent leur influence que sur des criques coupées les unes des autres par des barrières rocheuses. Elles vivent en particulier de l'exportation du cèdre, dont les forêts couvrent la montagne. Surtout, elles bâtissent des flottes importantes, support de leur commerce et outil de leur expansion à travers le bassin méditerranéen.

Vers 1300 av. J.C., de la Phénicie part une invention révolutionnaire: l'alphabet. Il se répand en s'adaptant à travers le monde connu, en Grèce, en Israël etc...

Mais à partir du XIIème siècle av. J.C., une nouvelle vague de tribus déferle du désert, les nomades de langue araméenne. Eux aussi sont sémites mais ils parlent un langage qui, avec le temps, s'est différencié de celui des Amorites. A leur tour ils s'imposent avec leur idiome à tout le Moyen-Orient. Puis, ils adoptent l'alphabet phénicien. Si bien qu'au VIème siècle, conquérant la Mésopotamie, les Perses feront de l'araméen et de son alphabet la langue et l'écriture de leur empire.

La Phénicie est trop petite et trop peu peuplée pour résister aux empires qui se constituent à ses portes. Elle subit la loi des Assyriens, des Égyptiens, des Babyloniens, puis des Perses. Parfois les Phéniciens se révoltent, contre l'Égypte par exemple, ou quand ils résistent au blocus de Nabuchodonosor, roi de Babylone. Le plus souvent ils préfèrent temporiser. Face aux Perses, en particulier, auxquels ils vont jusqu'à offrir leur flotte, constituant ainsi le fleuron de la marine de guerre de ces derniers.

Mais, très vite, va s'instaurer un comportement dual face à l'occupation. Les populations des cités, sur le littoral, préfèrent la soumission et l'adoption des coutumes de l'envahisseur. Face aux Grecs, ils s'hellénisent puis s'intègrent sans difficulté à l'Empire romain. Quand les Arabes arriveront, porteurs de l'islam, au milieu du VIIème siècle ap. J.C., ils prendront leur langue et, pour une partie d'entre eux, se convertiront. Marchands avant tout, ils privilégient leurs intérêts, préférant la négociation à l'affrontement.

Par contre, les populations des montagnes, protégées par leurs redoutes rocheuses, préfèrent la résistance. Au cours des temps, se retrouvent là ceux qui refusent l'assimilation. Comme, à partir du VIème siècle, les maronites, chrétiens chassés de la plaine syrienne de l'Oronte par leurs coreligionnaires jacobites. Ou, au XIème, les druzes, fuyant la répression musulmane.

Se constitue ainsi au Liban un patchwork d'identités religieuses, mêlant toutes les gammes de l'islam et du christianisme. Souvent, l'esprit de tolérance des cités, où tout le monde cohabite, l'emporte. Parfois, celui de la montagne s'impose. Comme en 1860 quand, sous l'Empire ottoman, les druzes massacrent plusieurs milliers de villageois chrétiens et provoquent une intervention militaire française.

Dès le XVIème siècle, pourtant, on commence à assister à l'émergence d'un nationalisme transcendant les particularismes religieux. Ainsi, de 1585 à 1635, Fakhr Al-Din (Fakhreddine), l'émir des druzes, parvient à fédérer les différentes communautés et, défiant le pouvoir ottoman, à créer un État unifié. L'expérience sera renouvelée sous Bachir Chihab II, de 1788 à 1840.

Puis survient la défaite turque. En 1920, la France reçoit mandat sur le Liban. Elle modernise aussi le pays, développe ses communications et réduit ainsi l'isolement des populations de la montagne. Fin 1945, cependant, elle évacue le pays.

Le passage a-t-il été trop rapide de l'organisation communautaire à un État moderne ? Certes provoquée par le détonateur palestinien, la guerre civile de 1975 pourrait néanmoins le prouver.

Reste, que dans ce pays, si la culture de la côte semble promettre aux occupants un séjour facile, celle de la montagne leur fait souvent regretter leur erreur. Les Israéliens et les Syriens en ont fait l'amère expérience. Aux Libanais de trouver aujourd'hui le point d'équilibre entre ces deux cultures. Entre l'indispensable tolérance et le goût de l'indépendance nationale. L'esprit de Fakhr Al-Din (Fakhreddine ou Fakhr el Din) en somme.


Alain Chevalérias

 

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