Séparation de lÉglise et de lÉtat |
Les attentats des 7 et 8 janvier ont relancé la question sur la laïcité. Cette conception de la relation État-religion est élevée aujourdhui au rang de principe intouchable. Elle est pourtant née dans la violence et était loin dêtre acceptée par tous à ses débuts. Détail piquant, il nexiste pas de loi sur la laïcité, mais une loi sur la « Séparation de lÉglise et de lÉtat », adoptée le 9 décembre 1905. |
Depuis 1801, les relations entre lÉglise catholique et lÉtat étaient régies par le Concordat, un traité signé sous le Premier consul Bonaparte avec le Vatican. Le Concordat reconnaît la prépondérance du catholicisme en France mais laisse à lÉtat le privilège de nommer les évêques tout en lui imposant de verser un salaire aux prêtres. Ces dispositions déplaisent profondément aux anti-cléricaux quen particulier, la place prise par lenseignement catholique insupporte. Au XIXe siècle, la troisième République sinscrit dans cette ligne anti-cléricale. En juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau, alors président du Conseil, fait voter la loi de 1901 sur les associations. Déjà, il met le doigt sur la relation entre lÉtat et le catholicisme. Alors que la législation accorde un régime de liberté aux associations, elle restreint celle des congrégations religieuses qui doivent déposer une demande dautorisation. Une loi doit alors être votée pour chaque congrégation, annulable par simple décret présidentiel. Une précarité maximum. Ce nest pas assez pour les anticléricaux. En 1902, Émile Combes décroche la présidence du Conseil. On le surnomme « le petit père Combes » car, ancien séminariste devenu athée, il nourrit une haine féroce contre le catholicisme. Dans lapplication, il durcit la loi sur les associations en refusant toutes les demandes dautorisation des congrégations. Waldeck-Rousseau va jusquà lui reprocher davoir fait dune loi de contrôle une loi dexclusion. Des religieux et des religieuses sont expulsés de leurs couvents manu militari. Par milliers des religieux catholiques fuient vers la Belgique ou lEspagne. Combes va jusquà décréter la fermeture de 3000 écoles catholiques dirigées par des congrégations. Il donne dix ans à 12 000 autres pour disparaître. En effet, lécole publique ne peut pas encore se substituer à lécole catholique. Le jeune Charles De Gaulle, pour continuer ses études, passera la frontière belge avec dautres enfants. Furieux, le Pape Pie X rompt ses relations diplomatiques avec la France et adresse une lettre de protestation aux chancelleries européennes. Combes procède à son tour au blocage des relations avec le Vatican. Éclate alors laffaire dite « des fiches », quand on découvre que le ministre de la Guerre utilise des réseaux franc-maçons pour dresser la liste des officiers de convictions catholiques afin de bloquer leur avancement. Cest un peu trop. Déstabilisé, Combes est contraint à la démission, laissant la place à Ferdinand Buisson. Cependant, faute de canaux déchange avec le Vatican, le Concordat devient inapplicable. Le gouvernement décide alors la séparation de lÉglise et de lÉtat. Un paradoxe puisque cela va occasionner la perte du contrôle de lÉglise de France par lÉtat. Mais aveuglé par sa haine de la catholicité, le pouvoir est dans une position de rejet dune partie de la Nation. Encore la ligne sest-elle quelque peu assouplie avec le départ de Combes. Buisson et son rapporteur, Aristide Briand, préparent une loi un peu moins rigide que celle envisagée par leur prédécesseur. Elle est promulguée le 9 décembre 1905. Linventaire des biens mobiliers et immobiliers de lÉglise, pour confiscation, se fait dans un climat de contestation et de violence. En particulier dans louest du pays. Il y a des morts. En revanche, lapplication de la loi se fait très souple à légard des juifs et des protestants qui restent pratiquement partout propriétaires de leurs biens. La franc-maçonnerie a exercé son influence dans ce sens et, faut-il savoir, Buisson est protestant. La guerre de 1914 venant là-dessus,
on a dautres chats à fouetter. Puis les relations
diplomatiques sont renouées avec le Vatican et, en 1924,
lÉtat concède la création dassociations
diocésaines sous lautorité des évêques.
Les diocèses daujourdhui. Mais nous conservons
la trace de cette haine générée par les
anti-cléricaux dont Charlie Hebdo sest fait le porteur. Jean Isnard |
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