LA MENACE
DU COMMUNAUTARISME

avril 2008

Le communautarisme est si peu dans nos moeurs françaises, que ce terme attendit la fin des années 90 pour apparaître dans le dictionnaire. Il se définit comme une tendance, importée des États-Unis, à mettre " l'accent sur la fonction sociale des organisations communautaires (ethniques, religieuses, sexuelles etc...) " ou comme " une conception faisant prévaloir l'organisation de la société en communautés sur l'exigence d'assimilation des individus selon des règles et un modèle équivalent pour tous ". En clair, le communautarisme c'est l'éclatement de la Nation en ensembles cultivant des identités différentes de la majorité, pour revendiquer des droits particuliers satisfaisant leur volonté de marginalisation. Certains États sont conçus selon cette architecture parce que l'Histoire, les circonstances ou la tradition l'imposaient. Nous pensons au Liban, dans une moindre mesure à la Grande-Bretagne et aux États-Unis. S'il est dans ces pays un moindre mal, ses faiblesses et sa dangerosité n'en apparaissent pas moins. Au Liban, cela se passe de commentaires. Aux Etats-Unis, nous en voyons les effets pervers dans l'apparition de quartiers et de sectes à dominante ethnique ou religieuse. Quant à la Grande-Bretagne, au mois de février, le " Royal United Services Institute " déclarait qu'empêchant la constitution de ghettos musulmans, le pays réduirait sa vulnérabilité aux attaques terroristes.

Quand on parle communautarisme, en France, on pense généralement aux musulmans. Il est vrai, ils représentent une population de 6 millions d'individus. Avec raison, le nombre inquiète car sa progression signifierait la remise en question de l'identité française, largement façonnée au cours des siècles par le christianisme.

Certains musulmans développent des comportements communautaristes. Parmi les signes les plus visibles, nous pensons au port du voile, à la demande de carré musulman dans les cimetières ou aux exigences présentées en matière de refus de la mixité dans les lieux d'enseignement ou dans les piscines.

Ce communautarisme passe par la religion or, aujourd'hui, 49% des musulmans ne vont jamais à la mosquée (1), seulement 10 à 15% pratiquent régulièrement leurs rites. Encore, sur ces derniers, tous ne participent pas à une démarche communautariste.

Tous les ans, l'UOIF (Union des Organisations islamiques de France) organise un colloque au Bourget. Sous le nom d'UOIF se cache l'enseigne des Frères musulmans (2) en France. Au Bourget, à chaque manifestation, ils comptent une centaine de milliers de visiteurs sur quatre jours. Le chiffre ne laisse pas indifférent, certes, mais ne représente que 1,5% de la population musulmane de France. Encore beaucoup viennent-ils pour visiter les stands commerciaux dressés à des fins purement mercantiles.

En outre, l'UOIF, nous semble-t-il utile de rappeler, doit beaucoup de son succès à sa reconnaissance officielle par Nicolas Sarkozy. En 2003, ce dernier, alors ministre de l'Intérieur et des cultes dans le gouvernement de Raffarin, crée le CFCM (Conseil français du culte musulman). Cette institution est censée servir de courroie de transmission entre l'autorité politique et les croyants de religion musulmane. Dans le fond, il s'agit d'instrumentaliser le CFCM pour contrôler le culte musulman. Mais, intégrant l'UOIF et la FNMF, autre organisation islamiste, au CFCM, Sarkozy donne au renard autorité sur le poulailler. Est-ce innocent ?

Il faut être prudent en matière d'islamisme, générateur de communautarisme musulman, car le germe est là. Néanmoins, les plus graves problèmes auxquels nous nous voyons actuellement confrontés émanant de certaines populations migrantes d'origine africaine, sont liés à la délinquance des jeunes. Ce phénomène n'a rien à voir avec le communautarisme et, dessus, l'islamisme n'a qu'un effet marginal (3),

Il est en revanche un autre communautarisme dont personne n'ose dire mot, celui d'une partie des juifs de ce pays.

Nous avons bien dit une partie, des juifs de ce pays, présente des revendications similaires à celles des islamistes. Les exemples ne manquent pas. Comme en d'autres villes des musulmanes, des femmes de religion hébraïque ont bénéficié un temps de créneaux horaires réservés à leur usage à la piscine de Lille-Sud et, le lundi matin, à celle de la Victoire de Strasbourg.

Il y a aussi le port ostensible de la kippah (4), imposé à la vue de tous, avec les mêmes intentions symboliques que le voile islamique. Enfin, n'oublions pas les demandes de dispenses, pour les jeunes juifs, quand un examen tombe le samedi, jour du " chabbat ", ou comme les musulmans, encore, la demande de cimetières séparés. Sur ce dernier point, pour les mahométans comme pour les juifs, nous sommes blessés qu'ils aillent jusqu'à considérer nos ossements indignes de côtoyer les leurs dans le trépas. En France, chrétiens et athées n'ont jamais poussé jusque-là leur différend idéologique.

Mais il y a plus grave. Depuis plus d'un an, siège dans les murs du Consistoire (5) de Paris un " beth din ". En d'autres termes, une cour d'arbitrage rabbinique rendant ses jugements conformément à la " halakhah ", la loi juive.

Pour se convaincre de l'existence perdurant à travers les siècles d'une volonté communautariste chez certains juifs, il suffit de lire " Les juifs et la Révolution française " (6). L'auteur, Michaël Bar-Zvi (7) y livre une charge contre la manière dont les Français ont accordé le statut de citoyens aux juifs, pour la première fois au monde, au lendemain de la Révolution.

Il rappelle les propos du comte de Clermont-Tonnerre, député à l'Assemblée constituante, le 23 décembre 1789 : " Il faut tout refuser aux juifs comme nation, et accorder tout aux juifs comme individus. Il faut qu'ils ne fassent dans l'État ni un corps politique ni un ordre ; il faut qu'il soient individuellement citoyens ". Si les massacres commis par la Révolution nous dégoûtent, nous avons, en revanche, la faiblesse de voir dans ces mots une belle formule dont l'esprit de justice nous convient.

Il n'en est pas de même de Bar-Zvi. Il s'agit " d'un marché, dit-il, que l'on soumet à la nation juive : se dissoudre en tant que peuple pour survivre en tant qu'individu ". Il précise ses vues un peu plus loin en parlant de la situation aux Pays-Bas : " En Hollande, les juifs bénéficiaient d'une autonomie, dont le sens était bien plus profond que l'émancipation à la française. Cette autonomie leur permettait notamment de conserver leurs traditions, en disposant de tribunaux et d'écoles ". La situation présentée comme idéale par Bar-Zvi ressemble trait pour trait au communautarisme défini dans notre introduction.

Au passage, on remarque la référence " aux tribunaux " juifs, ces " beth din " réinstitués en France dans la plus grande des discrétions, comme nous l'avons vu plus haut.

Dans l'opinion, contrairement au communautarisme des musulmans, celui des juifs n'est que rarement présenté comme menaçant pour la société. Il y a à cela trois raisons. D'une part les Israélites ne représentent qu'un pour cent de la population et, par conséquent, leur nombre n'apparaît par comme une menace dans l'imaginaire collectif. D'autre part, rompus aux us et coutumes de notre société, leurs différences se font moins perceptibles dans la vie quotidienne. Enfin, la peur de l'accusation d'antisémitisme suffit à faire taire la plupart de ceux qui s'interrogent sur la légalité de ce communautarisme.

Pourquoi, dès lors, évoquer ce sujet ? Parce que le communautarisme ne saurait se limiter aux juifs s'il continue de se développer.

A la réflexion deux causes nous apparaissent. Nous appellerons la première l'effet de contagion. En effet, comment refuser à d'autres ce que nous aurons toléré pour les juifs ? Aux mahométans, en particulier, dont la conception de la religion est très proche de celle des Israélites (8).

La seconde pourrait être d'ordre politique. Comme chacun sait, le CRIF fédère les institutions juives de France. On peut le considérer comme l'alter ego politique du Consistoire, pour sa part de nature religieuse. Or, ce même CRIF s'investit dans le soutien à des organisations à vocation communautariste. Nous pensons au CRAN (9), qui pose, avec agressivité, au représentant des gens de race noire. Nous pensons aussi à la réunion organisée par le CRIF, le 10 mars dernier (2008), avec le CIFOA (Club d'Initiative des Français d'Origine Asiatique).

Pourquoi cette empathie pour des structures communautaristes apparemment éloignées des préoccupations de la communauté juive ? Nous ne voyons qu'une explication : seuls à vouloir arracher un statut communautaire à la France, les juifs partisans de ce changement risqueraient de se retrouver isolés, trop faibles donc face à une opinion publique hostile au communautarisme. S'associer à des groupes ethniques ou religieux revendicateurs, voire susciter leur apparition, permettrait au CRIF de s'intégrer dans un front plus large, sous prétexte de défendre les " droits des minorités ".

En matière de communautarisme, estimons-nous, il n'existe que deux choix : tous les accepter ou, d'un même élan, tous les refuser. En laisser prospérer un seul, sous prétexte de sa supposée innocuité, nous conduirait à accorder un droit de cité à tous les autres. Voilà pourquoi nous sommes aussi sévères à l'égard du communautarisme juif. Non par animosité à l'égard d'une partie du peuple français mais pour nous protéger d'une atteinte à notre tradition et à nos institutions.


Alain Chevalérias

 

Notes

(1) Sondage CSA-La Vie réalisé en 2006.
(2) Créés en Egypte en 1928, les Frères musulmans sont une organisation islamiste sectaire qui cherche à imposer la loi coranique. Voir " Origine des Frères musulmans "
(3) Nous devons sans doute ajouter qu'au cours des années 90, des éléments , instrumentalisant des versets guerriers du Coran, ont parfois justifié leurs agressions au nom du jihad. Alain Chevalérias a rédigé un article sur ce sujet, " Le réservoir des banlieues ", en 1996 pour " Spectacle du Monde ".
(4) Kippah, calotte portée par les juifs pieux.
(5) Institution communautaire religieuse juive établie par Napoléon en 1808.
(6) Chapitre du " Livre noir de la Révolution française ", publié aux éditions du Cerf sous la direction de Renaud Escande.
(7) Michaël Bar-Zvi est né en France en 1950. Il s'est installé en Israël en 1975 où il est devenu professeur de philosophie à l'institut Levinsky de Tel-Aviv.
(8) Voir à ce propos " Islam et judaïsme ".
(9) Voir à ce propos " Le Lobby des Noirs ".

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Lire aussi: Le communautarime en Grande-Bretagne
 
 
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