Comment le Djihad est arrivé en EuropeJürgen Elsässer
Editions Xenia |
Comme l'indique Jean-Pierre Chevènement dans sa courte préface, ce livre, du journaliste allemand Jürgen Elsässer, nous permet de mieux saisir l'importance d'un outil particulier de l'expansionnisme américain : le terrorisme islamiste sunnite. Après l'aide massive fournie aux islamistes contre les Soviétiques en Afghanistan, les services américains ont préservé leurs relations avec les gens de cette mouvance. Aussi, quand l'administration Clinton décide de soutenir l'éclatement de la Yougoslavie, la machine islamiste se met en place pour aider des " volontaires " à aller combattre les Serbes. Dans ce conflit, les réseaux saoudiens et l'argent de Ben Laden ne sont pas les seuls à aider les Bosniaques. Opportunistes, les Américains laissent Turcs et Iraniens s'introduire dans les filières. Il serait cependant faux de voir là une " prime à l'islamisme " offerte par les Etats-Unis. La Maison Blanche est dans une autre logique : elle se sert d'éléments islamistes pour parasiter la Yougoslavie de Milosevic, jugée trop proche de Moscou, par conséquent gênante pour l'extension de l'OTAN et de l'Union Européenne, comme d'une passerelle vers le mondialisation. Elsässer nous plonge dans le chaudron balkanique, dans lequel puissances européennes et américaine choisissant leur camp, deviennent indirectement des fauteurs de guerre et les complices implicites des atrocités qui vont avec. Trafics d'armes, soutien aux islamistes, entraînement des armées locales par des mercenaires, tout est bon. Du moins le croit-on, car Ben Laden, en finançant la formation et l'armement d'unités de l'armée bosniaque, se donne un lieu et des moyens pour entraîner ses jihadistes. Certes la Bosnie d'Izetbegovic n'est pas l'Afghanistan des Talibans. Néanmoins, beaucoup de terroristes, que l'on retrouvera en Algérie ou en France, seront passés par ce pays. On peut même dire que, jusqu'à un certain point, les attentats du 11 septembre, voire ceux de Madrid et de Londres, ont une connection avec les réseaux islamistes actifs en Bosnie quelques années plus tôt. Elsässer fait ensuite le lien
entre la politique américaine en Tchéchénie,
où des activistes à la solde de la CIA se sont
rendus pour observer les groupes jihadistes en guerre ouverte
avec les Russes. Un Américain converti à l'islam,
un certain Collins, a du reste publié un livre dans lequel
il raconte ses faits d'armes contre les Russes aux côtés
des islamistes tchétchènes. Il va jusqu'à
révéler avoir travaillé pour la CIA. On fait la même analyse avec les attentats de Londres, en juillet 2005. La personnalité des kamikazes colle mal avec celle de candidats au " martyre ". Là aussi on se demande pourquoi des fumeurs de haschisch et des amateurs de bières auraient voulu mourir et acheté des billets aller et retour pour se rendre de leur résidence à Londres. Terminant son livre sur une analyse historique approfondie, mais en évitant le piège de l'islamophobie, Elsässer ne nous donne cependant pas toutes les clefs des relations cachées entre les services américains et les milieux terroristes. Un jour, pressent-il, les rideaux de fumée se dissiperont et l'Histoire jugera. Néanmoins, il apparaît de manière indiscutable que Washington instrumentalise toujours les gangs islamistes dont la naissance, dans les années 80, lui est largement imputable sous prétexte de lutter contre le communisme. Comme lors de la lutte contre les maffias italiennes, les gouvernements des Etats-Unis s'acharnent sur des seconds couteaux, par exemple Zacharias Moussaoui. Ils considèrent néanmoins ces actions, peu flatteuses pour leur image, un atout indispensable dans leur jeu politique. Pour mémoire, rappelons aux lecteurs que pendant la guerre, des mafieux d'origine italienne, embastillés dans les années 30, furent sortis de prison pour préparer le débarquement américain en Italie et lutter contre la police de Mussolini. Plus tard, ils reprirent du service contre les Communistes d'Europe de l'ouest. Peu importe la couleur du chat... tant qu'il attrape les souris. Denis Gorteau |
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