EST-ELLE FINIE ? » Denis Gorteau
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juillet 2009
Nous devons
à Denis Gorteau une brillante analyse sur les causes et
les conséquences de la guerre en Irak *.
Professeur
dHistoire, il remonte dans le passé, analyse lensemble
géopolitique arabe et la genèse des mouvements
islamistes. Puis, sans concessions à légard
des États-Unis, il décrit le processus daccaparement
des ressources pétrolières de lIrak. Il termine
son ouvrage en plaçant ce pays et ses voisins au coeur
des enjeux politiques et, principalement des besoins en énergie.
« Le XXIème siècle, dit-il, sera sans
doute le siècle qui verra saffronter les puissances
chinoise et états-unienne ». Il rejoint en cela
la pensée du général
Pierre-Marie Gallois. Sur ce plan, il évoque limportance
des réseaux constitués par la diaspora chinoise,
300 millions dindividus présents à la fois
dans les pays développés, en Asie du Sud-Est et,
aujourdhui, jusquen Afrique. Une masse de manoeuvre
prête à jouer son rôle en faveur de la métropole.
Parfois, au détour dun paragraphe, Gorteau va un
peu loin. Sil a raison destimer lislamisme
radical, dans sa version terroriste, un phénomène
marginal parmi les musulmans, il va un peu vite quand il voit
dans la paix l « une des valeurs les plus fondamentales
de lislam ». Cest oublier quune quarantaine
de versets du Coran exhortent les « croyants »
à la guerre pour leur foi. La religion de Mahomet est
aussi, certes pas seulement, mais aussi, une religion de guerre.
Le livre de Gorteau nen reste pas moins un document solide,
étayé de faits avérés, dont la lecture
apporte une meilleure compréhension de lensemble
musulman, du Maroc au Koweït, sans oublier lespace
iranien. Nous reprenons ici quelques lignes concernant lappropriation
du pétrole irakien par les Américains. (...) Inspirée par des organisations américaines proches des néo-conservateurs (NDLR : de Washington), une commission de quinze membres (dont la liste na jamais été rendue publique) sest prononcée pour un système dit de « Production Sharing Agreement » (PSA) (2). Le principe en est le suivant : lÉtat irakien sassocie à une grande compagnie pétrolière pour un contrat. Il laisse la compagnie avancer les frais dexploitation et se paie par une simple taxe. Sur le papier, ce système est simple et peu coûteux pour lIrak, qui bénéficie ainsi dune rente de situation. Mais, dans les détails, les PSA posent de gros problèmes. En effet, en déléguant lexploitation du pétrole, le pays évite peut-être de gérer un secteur complexe, mais nen retire que des bénéfices très limités. Une fois le PSA signé, la compagnie signataire disposerait entièrement du pétrole exploité, qui nappartiendrait plus à lÉtat (Le premier « gouvernement » irakien avait même songé à vendre, non pas le pétrole, mais les nappes souterraines !) Les projets avancés par les Irakiens proches des Américains sont les plus avantageux du monde pour les majors du pétrole : les contrats PSA seraient non modifiables, évitant toute amélioration de la rémunération de lÉtat. De plus, le gouvernement cèderait bel et bien sa souveraineté sur la production pétrolière dès la signature du contrat. Favorisant encore davantage les compagnies pétrolières, une clause dite de « stabilisation » prévoit que lÉtat irakien renonce à toute intervention légale dans lexploitation pétrolière. Ainsi les compagnies pourraient-elles employer qui elles souhaitent et ceci sans même se préoccuper de lenvironnement. Ce modèle est celui appliqué dans les « zones grises », ces espaces sans lois ni pouvoir légitime où les multinationales montent des sociétés-écrans afin dexploiter les matières premières avec de la main-doeuvre immigrée sous-payée, des cadres occidentaux fidèles et une nuée de mercenaires pour sécuriser les sites (lexploitation des diamants en Sierra- Leone fut gérée de cette manière pendant la guerre civile). En cas de litiges, les PSA seraient discutés par les juridictions internationales et non par les tribunaux irakiens. Or, depuis que lIrak est devenu un État fédéral, il existe une opposition entre régions autonomes et gouvernement central. Qui décidera ? Qui partagera les maigres bénéfices de cette rente ? En tout cas, le Parlement est dores et déjà écarté de la question (...) Ces PSA seraient signés pour une durée de 25 ans, ce qui donne une longue période dexploitation aux compagnies étrangères. Quand celles-ci reversent seulement 10% de la valeur du brut à Bagdad, si la production atteint les 5 millions de barils par jour, les réserves irakiennes sépuiseront en... 25 ans. Un hasard ? Les grandes compagnies pétrolières américaines, faut-il le rappeler, sont déjà les grandes bénéficiaires de la guerre en Irak. Les PSA, qui sappliqueraient si lIrak devait rester un satellite des États-Unis, feraient logiquement la part belle aux amis de George W. Bush (...) Pour le moment, la loi sur le pétrole nest pas encore définitivement passée. Syndicats, organisations populaires et nationalistes ont évité cet abandon majeur et inédit de souveraineté. Mais, dans les faits, les Américains gèrent déjà le brut, ce qui ralentit encore toute évacuation militaire ».
(1) « La guerre en Irak est-elle
finie ? », Denis Gorteau, Yvelinedition, 272 pages,
20. Du même auteur: A mort l'Irak |
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