COUP DE SANG
À BEYROUTH
La Syrie derrière le rideau

30 janvier 2008

Le dimanche 27 janvier 2008 dans l'après-midi, des émeutes éclatent à Chiyah, quartier chiite de Beyrouth. Prétexte évoqué, les coupures d'électricité. Des dizaines de voitures sont incendiées, des magasins saccagés. Arrivant à la hauteur de de l'église Mar Mikhaël, les manifestants s'approchent d'un véhicule blindé de l'armée. Ils tentent de désarmer les soldats. Ceux-ci appliquent les consignes de sécurité et tirent en l'air. Selon des témoins, des coups de feu partent alors de la foule. Les soldats ripostent. Huit hommes sont tués. Outre trois " civils ", quatre militants du Hezbollah et un d'Amal, l'autre mouvement chiite. Deux jours plus tard, un neuvième mourra des suites de ses blessures.

En force, l'armée réagit sans attendre. Les manifestants tentent une incursion dans le quartier chrétien d'Aïn el Remmaneh. Drapeau du Hezbollah en tête, hurlant des insultes contre certains chefs de la majorité chrétienne, ils pénètrent dans le secteur des minoteries.

Les affrontements vont durer plusieurs heures.Tout aurait pu dégénérer mais les forces de sécurité parviennent à circonscrire la violence.

Dans la soirée, Amine Gemayel, ancien Président de la République, invite au calme. D'autres responsables chrétiens contactent leurs partisans sur le terrain pour les appeler à garder leur sang-froid.

On a vu un homme d'Amal exortant ses camarades à la modération. Le Hezbollah lui-même aurait demandé à ses troupes de modérer le jeu. La question se pose : les patrons du " Parti de Dieu " ont-ils joué les pompiers-incendiaires ou sont-ils tout simplement débordés par leurs troupes ?

Hassan Nasrallah chef du HezbollahPhoto Hassan Nasrallah menaçant

Les circonstances sembleraient plaider en faveur de la première hypothèse. Car, simultanément, dans plusieurs régions du Liban à prédominance chiite, comme Baalbeck et Nabatiyeh, des manifestants s'emparaient de la rue.

De plus, les coupures d'électricité, comme prétexte à la violence, apparaissent comme une mauvaise excuse. D'abord parce qu'elles sont le quotidien de tous les Libanais et touchent toutes les régions sans privilèges d'appartenance communautaire. Qu'ensuite, les quartiers chiites sont connus pour leur mauvaise volonté à payer les factures d'électricité.

Le lendemain, sortant du cabinet du Premier ministre, Samir Geagea, chef du parti chrétien des Forces libanaises, saluait l'action de l'armée. Pour lui, les événements de la veille prouvaient que l' " on cherche à répandre l'anarchie " dans le pays, confiait-il aux journalistes. Sans erreur possible, ce " on " désigne le Hezbollah. En amont, les donneurs d'ordres étrangers.

A cet égard, Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, a eu des propos évocateurs. Le 28 janvier, au lendemain des émeutes à Beyrouth, il rencontrait plusieurs ministres arabes au Caire, pour faire le point de ses démarches en faveur de la résolution du contentieux politique libanais. En clair, le blocage par l'opposition, principalement par le Hezbollah, de l'élection d'un nouveau Président de la République.

Bachar el Assad

Des indiscrétions ont permis de savoir ce qui s'était dit au Caire. Ayant rencontré le Président syrien, Bachar Al-Assad, Moussa a confessé : " J'ai trouvé que le Président syrien avait un agenda très différent de celui de ses alliés libanais. Il a donné la priorité absolue à l'interruption du processus de mise en place d'un tribunal international " pour juger les coupables de l'assassinat de Rafic Hariri.

Et Moussa d'ajouter : le Président Bachar " n'a accordé aucune importance au problème de vacance du pouvoir " à la tête de la magistrature suprême libanaise. Enfin, le patron de la Ligue arabe faisait porter la responsabilité du pourrissement de la situation au Liban à la Syrie et à l'Iran.

Ses propos jettent une lumière crue sur les événements du 27 janvier décrits plus haut. Piégé par Damas, le Hezbollah verrait sa marge de manoeuvre de plus en plus étroite. Quant à la Syrie, elle serait prête à provoquer une nouvelle guerre civile au Liban, dans le seul souci d'empêcher la création d'un tribunal international qui désignerait les coupables de l'assassinat d'Hariri.

Feu Rafic Hariri

Comment, dès lors, douter de la culpabilité du régime syrien dans ce crime ? Il faut surtout se demander si la communauté des pays arabes aura la force d'empêcher Damas de commettre l'irréparable.

 

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le Terrorisme Depuis le 11 Septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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