LE CHANTAGE GREC

juillet 2015

Le 5 juillet, les Grecs votaient à la demande d’Alexis Tsipras, le Premier ministre. L’affaire reposait sur un malentendu : hors des frontières du pays, on croyait que les Grecs allaient s’exprimer sur leur volonté de rester dans l’Europe ou de la quitter.

En réalité, on leur demandait : « Faut-il accepter le plan d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) lors de l’Eurogroup du 25 juin, qui est composé de deux parties : « Réformes pour la poursuite du programme en cours et plus loin » et « Analyse préliminaire de l’acceptabilité de la dette » ».

On le voit, du jargon d’eurocrate. Tsipras a bien appris la leçon. Peut-être 10% des Grecs ont-ils pu comprendre la question. Encore, pour y répondre, auraient-ils dû lire les textes concernés.

En fait, derrière cette formulation absconde, se cachait une question autrement plus claire : « acceptez-vous la poursuite des restrictions exigées par l’Union européenne, la BCE et le FMI ? » Problème, et c’est là que le chat se mord la queue, avec ou sans le programme de l’Europe, la Grèce est en crise économique. Plus comique encore, seule l’Europe peut limiter la casse en intervenant financièrement.

Tsipras le sait bien, sinon, il aurait largué les amarres qui relient la péninsule grecque à l’Europe depuis longtemps. Alors, le 5 juillet, il avait pris la précaution d’ajouter un avertissement en filigrane. « Si vous voter oui, avait-il dit, je démissionne ». Avec habileté il avait transformé le referendum en plébiscite. Aussi, ayant obtenu 61,31% de « non », il en ressortait renforcé face aux instances internationales. Ce qu’il cherchait et rien d’autre.

En fait, dans la crise grecque, nous allons de date butoir en date butoir.

Celle fixée au 30 juin, concernait une aide de 7,2 milliards d’euros pour permettre à la Grèce de faire face à ses obligations immédiates. En échange, elle devait s’imposer de nouvelles restrictions. C’était avant que Tsipras ne donne un coup de pied dans la table de jeu en appelant les Grecs à s’exprimer en referendum.

Ironie du sort, si l’on peut dire, ces 7,2 milliards d’euros ne suffisent même pas aux Grecs confrontés aux urgences : 1,6 milliards à verser au FMI et 6,7 milliards à la Banque centrale européenne, pour le service de la dette, et près de 2 milliards par mois pour couvrir les salaires des fonctionnaires. En gros plus de 12 milliards d’euros pour arriver à la fin du mois de juillet.

La Grèce vit sous perfusion. En mars 2010, elle a déjà reçu une aide de 110 milliards d’euros. Puis une seconde de 140 milliards en février 2012, accompagnée d’un effacement d’une partie de sa dette de 107 milliards en mars 2013. En échange, le FMI, la Banque mondiale et l’Union européenne exigent toujours plus de restrictions. Or, fruit de ses carences administratives ajoutées à l’effondrement de son PIB de 25% entre 2008 et 2013, les recettes fiscales des Hellènes sont pratiquement nulles.

On ne tond pas un oeuf. Les taxes s’étant multipliées et les salaires ou les retraites ayant chuté de 30 à 60% en fonction des secteurs, les Grecs sombrent dans la misère. C’est la raison de l’élection de Tsipras, à la tête d’une alliance de gauchistes et d’écologistes en janvier 2015. Il n’a manqué la majorité absolue à la chambre que de deux sièges. En fait, il ne faut pas s’y tromper : Tsipras est un opportuniste. Pour capter le pouvoir, il a promis aux Grecs de rétablir la situation économique sans maintenir l’austérité inhumaine, il est vrai, à laquelle ils sont soumis.

Au pied du mur, il ne lui reste plus qu’à jouer le chantage de la sortie de la Grèce de l’Europe pour obtenir des aides de cette dernière. Problème pour lui, le « Grexit », terme désignant la sortie du pays de l’Union, est désormais envisagé comme une possibilité par les responsables européens. Un défaut de paiement d’Athènes, sa faillite déclarée en somme, pourrait servir de prétexte.

L’Allemagne est la plus en faveur de ce choix. Il faut dire, Tsipras n’a pas épargné Berlin : en février, croyant sans doute faire céder les Allemands, il a évoqué « l’obligation morale et historique » des Grecs de leur réclamer des indemnités de guerre... pour une occupation qui se déroulait 70 ans plus tôt !

Il faut se demander comment on en est arrivé là !
Tout a commencé avec l’entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001. L’Europe était prête à tout pour cela et a versé des subventions à foison à Athènes. Surtout, pour une commission de 300 millions de dollars, la banque américaine Goldman Sachs a tronqué les comptes du pays. Ainsi, quand en 2000 ce dernier annonçait un déficit public de 2%, il était en réalité de 4,1%, l’année suivante non pas de 1,4%, mais de 3,7%. Pire, en 2004, de 5,3% et non pas comme proclamé de 1,2%.

Les Grecs ont cru pouvoir vivre sur le même pied que les pays du nord de l’Europe. Représentant 32% des salariés du pays, les fonctionnaires gagnaient plus que dans le privé et bénéficiaient d’un 13ème et même d’un 14ème mois de salaire. Pour remplir les caisses, Goldman Sachs invitait les Grecs à emprunter.

Mais on ne peut vivre éternellement au-dessus de ses moyens. En décembre 2009, les agences de cotation financière américaines, quasiment les seules sur ce créneau, sifflaient la fin de la récréation. La Grèce était appelée à payer ses dettes...

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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