BOMBAY,
LE RISQUE TERRORISTE

Réponse à Bernard-Henri Lévy

décembre 2008

Dans Le Point du 4 décembre, Bernard-Henri Lévy commentait à sa manière les récents événements de Bombay. Avant toute enquête, il attribuait le financement et la responsabilité des attaques à des organisations pakistanaises. Il conviendrait pourtant d'attendre avant de se prononcer. Passant à la conclusion de Lévy, nous avons ressenti une froide inquiétude nous envahir. Parlant du Président pakistanais, Asif Ali Zardari, il disait : "Le problème, hélas, le dépasse. Il n'a , pas plus que son prédécesseur, les moyens de briser les reins de l'armée du crime pakistanaise ni, encore moins, les liens qui la rattachent à la face sombre de son administration. Et il y a là un défi, le plus effrayant de l'époque, dont il était temps que prenne conscience, au-delà même de la région, la communauté internationale toute entière". On entend un appel à la force contre le Pakistan, le faisant passer de la position d'allié, certes parfois retors, à celle d'ennemi irréductible. Que Lévy nous le pardonne mais nous voyons dans ses mots un risque de crime contre l'humanité en gestation. Mise au point...

 

Le 29 novembre 2008, après quatre jours d'affrontements, les forces de sécurité indiennes mettaient fin à une offensive terroriste islamiste au coeur de Bombay (Monbai). Bilan, au moins 195 morts, dont 26 étrangers, et 295 blessés.

L'opération visait, semble-t-il, une dizaine de cibles, dont deux hôtels de luxe et un centre communautaire juif. D'un bout à l'autre, on peut la qualifier de spectaculaire, suicidaire et techniquement très bien préparée. Reste à s'interroger sur les causes profondes de ces attaques.

Certes, l'islam porte en lui une part de violence, sacrée au regard de ses adeptes. Certes, encore, au cours des dernières années, on a vu le texte coranique servir d'alibi aux pires atrocités. Mais l'arbre islamique ne doit pas cacher la forêt des autres causes.

Le XXème siècle a vu la montée en puissance du terrorisme. D'abord avec les anarchistes en Europe, dans la Palestine sous mandat il émanait des Arabes mais surtout des Juifs, quand ces derniers allaient jusqu'à assassiner leurs protecteurs britanniques pour obtenir d'eux la création de l'État d'Israël. Puis vinrent le FLN algérien, les actions de l'OLP, protégée par l'URSS, les attaques couvertes par l'Iran et la naissance du HAMAS.

Au gré des cibles et de la nationalité des victimes, les terroristes ont toujours trouvé des apologistes pour leur accorder une légitimité. Apparaissant dans le courant des années 90, la faction de Ben Laden et de ses suiveurs s'installait dans une continuité qui ne devait pas tout à l'islam.

A ce premier constat, s'ajoute l'existence d'un environnement médiatique et ludique de plus en plus brutal. A longueur de soirées, nos écrans de télévision et les jeux interactifs, projettent des images d'une agressivité inouïe. Ils abaissent les frontières entre la fiction et le réel dans les cerveaux d'enfants et d'adolescents encore immatures et, se répandant aux quatre coins d'un univers mondialisé, banalisent chaque jour un peu plus la violence.

Enfin, il faut stigmatiser une scène politique internationale sur laquelle l'injustice, et le cynisme se côtoient, disputant le premier rôle à l'hypocrisie. Du mensonge proféré pour attaquer l'Irak de Saddam Hussein, au silence dans lequel on enferme le martyr palestinien, il y a tant à dire que ces quelques lignes ne sauraient suffire.

Contentons-nous d'observer, qu'il monte des pays musulmans une vague de colère dont, en Occident, on évalue mal l'importance. La politique d'Israël s'en avère le motif principal, celle des États-Unis tient la place collatérale.

En Inde et dans sa périphérie, ces raisons de haïr s'associent à celles que génèrent les menées de New Delhi. Grand par la taille, ce pays se révèle méprisant à l'égard de ses minorités, chrétiennes, comme on l'a vu au cours des récents massacres perpétrés contre elles, mais aussi musulmanes. Or, les disciples de Mahomet forment en Inde 14% de la population, soit 160 millions d'individus. Ils vivent aussi mal le rejet dont ils sont victimes, que l'alliance stratégique conclue entre Israël et leur pays. On comprend qu'ils soient une proie facile pour les recruteurs de l'islamo-terrorisme.

Certes, le voisin pakistanais n'est pas innocent en matière d'émergence d'organisations radicales. Mais l'Inde devrait voir la poutre dans son oeil et pas seulement la paille dans celui de l'autre. Elle devrait aussi se demander si, d'aventure, l'opération de Bombay ne serait pas télécommandée par quelques esprits pervers pour la pousser à la guerre contre le Pakistan. Nous livrons aussi cette réflexion à la grande intelligence de Bernard-Henry Lévy.

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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