ET UN CONFLIT |
juin 2012
Le 12 avril, les forces armées du Soudan du Sud entraient dans lagglomération de Heglig, à sa frontière avec le Soudan du Nord et sur le territoire de ce dernier. Le Nord ne pouvait pas sincliner. Cette ville, revendiquée par le Sud, est le centre du dispositif dexploitation du principal champ pétrolier. Le 23 avril, le Président du Nord, Omar Al-Bachir annonçait la reprise des lieux et la mort de 1200 soldats sudistes dans les combats. Lanimosité entre les deux frères ennemis remonte à loin. Le Nord, islamisé, est formé dune population métissée par les Arabes. Pendant des siècles, il a considéré les habitants du Sud, animistes et chrétiens, comme une réserve desclaves. En 1898, à la suite de la victoire de général Herbert Kitchener, la région devint un condominium anglo-égyptien et loccupant inscrivit le Nord et le Sud dans un même État, le Soudan. Précédant dun an lindépendance, proclamée en 1956, la tension entre les deux populations fut déjà à lorigine dune première guerre civile qui dura 17 ans. Si les accords dAddis-Abeba ramenèrent la paix, en 1983 le Nord ayant décrété linstauration de la loi islamique dans tout le pays, les Sudistes se soulevèrent derechef. Il fallut attendre 2005, pour quun nouvel accord de paix débouchât six ans plus tard sur un référendum consacrant lindépendance du Sud. Des différends subsistaient néanmoins, les frontières nayant pas été délimitées et le partage des ressources pétrolières restant une pomme de discorde. Résultat, dabord circonscrit au niveau dun conflit de basse intensité, les hostilités reprirent par lintermédiaire de groupes armés soutenus par le Nord et par le Sud contre le territoire de leur voisin. Avec loccupation dHeglig, puis la bataille qui a suivi, on assiste à la montée en force du conflit. Ce constat apparaît dautant plus inquiétant que dautres puissances sestiment concernées et en premier lieu les États-Unis. Depuis
le début des années 90 Washington reproche à
Khartoum, la capitale du Nord, sa proximité avec les réseaux
jihadistes. Oussama
Ben Laden lui-même bénéficiait de lhospitalité
complice du régime en place sous Omar Al-Bachir. Dans
le même temps, les Américains nont pas cessé
de soutenir la rébellion sudiste et, même, dencourager
à la sécession. Le prétexte invoqué
reposait sur lintolérance de Khartoum à légard
des chrétiens du Sud.
Cet argument reposait sur des faits, mais on ne peut ignorer des motivations plus mercantiles : outre le pétrole, le sous-sol du sud contient du cuivre, du chrome, du zinc, du tungstène, de largent et de lor. Mais, dépourvu dun accès à la mer, le Soudan du Sud ne peut exporter ses richesses que par le Kenya. Or ce pays, avec lOuganda et le Rwanda, sert de point dappui aux États-Unis pour contrôler lAfrique de lEst. Un oléoduc est déjà en projet pour relier le Sud Soudan à la côte kenyane, sur lOcéan indien. De son côté, la Chine est partie prenante dans la région. Elle détient 40% des actions de la GNPOC, la compagnie qui exploite le pétrole. Le 23 avril, le ministère des Affaires étrangères de Pékin a déclaré : « Les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises au Soudan doivent être protégés ». Derrière le conflit ancestral entre le Nord et le Sud sen cache un autre, celui de grandes puissances pour le contrôle des matières premières. Il ne faut pas être dupe. Alain Chevalérias |
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