LA SYRIE...
sur la route du pétrole

novembre 2013

La crise syrienne énerve les acteurs locaux. D’abord les deux pays qui voudraient la guerre à outrance : l’Arabie Saoudite et Israël qui, le 30 octobre, a lancé en toute illégalité une cinquième attaque aérienne contre la Syrie. Comment comprendre si nous ne connaissons pas les objectifs des différents intervenants ?

Israël et l’Arabie Saoudite
sont certes en opposition sur le dossier palestinien. Ces deux pays ont cependant en commun de nourrir une même haine contre l’Iran. L’État hébreu parce que Téhéran, avec le Hezbollah et hier le Hamas palestinien, le menace jusque sur son territoire. Riyad, en raison du conflit sunnite-chiite et de la concurrence l’opposant à l’Iran pour le contrôle religieux du monde musulman.

L’Iran, pour sa part, outre ses ambitions religieuses, cherche à constituer le camp politique le plus vaste possible. Ce camp à forte coloration chiite ne rejette pas d’autres composantes. Par exemple les partisans du chrétien libanais Michel Aoun, un moment le Hamas palestinien, pourtant sunnite, au nom de la lutte commune contre Israël, et les alaouites de Syrie, en dépit de leur distance des croyances de l’islam.

Aujourd’hui, c’est un « arc irano-chiite » qui a été constitué par Téhéran : il inclut la Syrie, le Liban grâce au Hezbollah et l’Irak, résultat de l’intervention déstabilisatrice des États-Unis dans ce pays. Il faut ajouter en périphérie l’Afghanistan, où l’Iran instrumentalise la minorité chiite mais aussi un réseau sunnite ( Voir « Subversion iranienne en Afghanistan »).

Dans ce dispositif, la Syrie tient une place importante en raison de sa position géographique : qu’elle vienne à tomber aux mains de la majorité sunnite et Téhéran se verrait coupé du Liban et d’un moyen d’exercer une pression sur le nord d’Israël. Ceci explique l’importance de l’engagement iranien aux côtés du régime des Assad.

La Russie joue un rôle plus ambigu. Point d’idéologie ou de sentiments dans son approche, mais seulement la défense de ses intérêts stratégiques. D’abord elle jouit de facilités portuaires pour sa flotte de guerre dans le port de Tartous, en pays alaouite. Elle ne veut pas perdre cet avantage. Ensuite, l’Arabie Saoudite, devenue ennemie du régime syrien, soutient des organisations islamistes, porteuses d’idées salafistes, actives en Russie et dans l’ancienne URSS périphérique. Moscou n’ira cependant pas jusqu’au casus belli, se contentant de fournir des armes, grassement payées, et un soutien diplomatique.

La Qatar, pays sunnite proche des Frères musulmans, n’a pas de puissance militaire. Or, d’une part, il craint la force armée iranienne et d’autre part il cherche à étendre son influence en s’appuyant
sur les mouvements islamistes sunnites. Il ira jusqu’au bout de la guerre en Syrie, mais seulement à coups de dollars.

Reste la Turquie. Pays habité par 15 à 25% d’alévis, une autre mutation de l’islam proche des alaouites de Syrie, le pouvoir y est aux mains des sunnites et naturellement anti-chiite. Autant la peur d’une contagion du conflit syrien parmi les alévis que la méfiance de l’Iran ont suffi à faire du pays la principale plate-forme de soutien au soulèvement anti-Assad.

Finalement, sur cet échiquier, l’Occident pèse peu. D’abord parce qu’il est économiquement asphyxié. Or les guerres coûtent cher. Ensuite parce que le jeu, assez complexe, échappe à la compréhension d’une opinion qui ne voit pas la raison d’une intervention militaire.

Pouvons-nous pourtant nous offrir le luxe de rester inactifs ?
Si le conflit s’étendait, faut-il savoir, se transformant en guerre ouverte entre l’Iran et l’Arabie Saoudite soutenue par ses alliés, le Golfe arabo-persique serait inaccessible pour nos bateaux. Or la moitié du pétrole que nous consommons passe par cette voie.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
Lire aussi: La guerre civile en Syrie et la tension sunnito-chiite redessinent les systèmes d’alliances

 

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