Laffaire est passée quasiment sous
silence en France. Elle est pourtant dimportance en même
temps que révélatrice des rapports de forces dans
la région.
Le 26 mars, lançant loffensive
dune coalition arabo-sunnite contre les Houthis du Yémen
voir ci-dessous), lArabie Saoudite annonçait
la participation du Pakistan. Cela allait de soit, le
Pakistan dépendant économiquement de lArabie
Saoudite et sa fourniture à celle-ci de militaires représentant
une autre source de revenus.
Mais le 10 avril, le Parlement
pakistanais rejetait la demande de participation formulée
par lArabie Saoudite et appelait le gouvernement
à rester neutre.
À lanalyse, on comprend
la réaction du Parlement dIslamabad.
La population pakistanaise, certes à majorité
sunnite, est cependant chiite à 30%. De plus, cette
minorité est idéologiquement pénétrée
par lIran voisin. Sengageant contre les Houthis
du Yémen soutenus par Téhéran,
le Pakistan
risque quune nouvelle campagne de terrorisme, chiite cette
fois, ne sabatte sur lui.
De plus, on sait le Pakistan intégré dans un projet
économique chinois, Pékin envisageant lacheminement
du gaz iranien par le territoire pakistanais. Or Islamabad
dépend aussi beaucoup de Pékin. Autrement
dit, sauf à payer très cher laide du Pakistan,
lArabie Saoudite devra sen passer.
Ce nest pas sans conséquences. Dans le cas dune confrontation directe
avec lIran, le Pakistan était, avec lÉgypte,
un pays potentiellement pourvoyeur de troupes. Aussi, le rapport
de forces entre la coalition menée par lArabie Saoudite
et lIran nest-il plus le même sans le Pakistan
.
Les Saoudiens sen vont en guerre
au Yémen
Le
26 mars, on apprenait que, dans la nuit, les avions dune
coalition avaient attaqué la rébellion des Houthis
au Yémen.
LArabie Saoudite apparaissait comme le chef de file de lintervention.
Cette dernière répondait à la prise de la
capitale, Sanaa, par les Houthis et à la destitution du
Président en place.
Il faut savoir les Houthis des
rebelles chiites zaydites (*).
Sur le plan du dogme, ils apparaissent éloignés
de la principale branche du chiisme, celui pratiqué en
Iran, mais sont néanmoins soutenus par Téhéran,
qui multiplie ses points dancrage politico-religieux dans
les pays à majorité sunnite comme le Yémen.
On comprend dès lors que la
coalition soit formée de pays sunnites, tous arabes à
lexception du Pakistan, pour sa part très
lié militairement et économiquement à lArabie
Saoudite. Si la participation des pays du Golfe arabo-persique
(Qatar, EAU, Bahreïn, Koweït) et de lÉgypte
nest pas une surprise, celles du Maroc, lointain
pays du Maghreb, ou de la Jordanie, en générale
prudente, et du Soudan, sont plus inattendues.
Elles prouvent que
les menées de Téhéran ont beaucoup
élargi le cercle de ses ennemis. Dès lors, peut-on
craindre, dans limmédiat, une guerre frontale entre
les pays arabes et lIran ?
À elle seule, lArabie Saoudite dispose dun
budget militaire de 30 milliards de dollars par an, et
est passée à 57 milliards pour 2015,
quand lIran se contente de 9 milliards de dollars.
Les Émirats à eux seuls, disposent de 16
milliards.
Sur le plan du nombre
dhommes, certes lIran apparaît en bonne
place avec 755 000 soldats mais lArabie Saoudite,
le Pakistan et lÉgypte peuvent mettre
ensemble un million et demi de troupes en ligne. En clair,
lIran ne fait pas le poids ! Téhéran
ne se fait pas dillusions et, dans les jours suivant le
début de lintervention arabe, a fait dire par ses
diplomates qu « il ny a pas de solution
autre que politique à la crise yéménite
».
Côté saoudien, on ne se
montre pas plus emporté. Sans attendre, le roi Salmane
déclarait, dans une dépêche de lagence
officielle SPA, les autorités saoudiennes prêtes
à rencontrer les représentants « des partis
politiques yéménites attachés à la
sécurité et à la stabilité de leur
pays ». Il ajoutait vouloir la préservation
de la légalité, cest à dire le retour
du Président de la République chassé par
les Houthis et, comme condition du dialogue, réclamait
le désarmement des milices.
À y réfléchir,
il se pourrait que les Saoudiens aient joué un coup de
maître. Attaquant les Houthis, ils facilitent un
retour à la légalité en même temps
quils donnent un signal fort à lIran, au Yémen,
certes, mais aussi en Syrie et en Irak. Ils montrent que la guerre
contre Daech (lÉtat islamique) ne doit pas
servir de prétexte à Téhéran pour
prendre le contrôle de la région.
Mais, réclamant en condition
de dialogue le désarmement des milices, cest à
dire sans doute des Houthis, mais aussi de Daech et de lAQPA
(Al-Qaïda dans la Péninsule arabe), lArabie
Saoudite rappelle sa nouvelle détermination contre ses
autres adversaires dans la région, fussent-ils un peu
ses enfants, les jihadistes.
Note
* On sait
les chiites donnant à leurs chefs suprêmes le titre
dimam. En 713, à la mort du 4ème imam, les
Zaydites ont refusé son successeur et se sont donné
leur propre leader, créant une nouvelle branche du chiisme.
Menace voilée de lIran
contre lArabie Saoudite
IRIB, la Radio Télévision
iranienne, a publié un article des plus troublants. On lit : « Lest
saoudien, où habite une majorité de Chiites saoudiens
et de Saoudiens dorigine yéménite, ressemble
selon les témoins à une véritable poudrière...
Cest là quest extraite entre 50 et 70% de
la totalité de la production pétrolière
saoudienne... » Et dexpliquer : « La
minorité chiite, quelle a toujours maltraitée
(et) les Yéménites (...) ont plus dune raison
de vouloir mettre le feu à ces puits... Le roi Salman
(dArabie) a-t-il pensé à tous ces risques
quand il a donné lordre dattaquer jeudi ?»
le 26 mars dernier.
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