Interview du gouverneur de Balkh Atta Mohammad Noor |
juillet 2008
Le 10 juin 2008, nous avons interviewé Atta Mohammad Noor (Atta Muhamad Noor) à Mazar-i-Sharif. Il occupe les fonctions de gouverneur de la province de Balkh, au nord de l'Afghanistan. Cette dernière coupe la plaine qui s'étend de l'Iran au Tadjikistan. Elle est à la fois exposée aux risques d'infiltration des Taliban et aux tentatives de prise de contrôle politique de l'Iran.
Alain Chevalérias : Depuis quand êtes-vous à la tête de la province de Balkh ? : Atta Mohammad Noor : Depuis bientôt quatre ans puisque je suis en poste depuis l'été 2004. A.C : Quelle position occupiez-vous auparavant ? A.M.N. : Je commandais le 7ème corps d'armée depuis la chute des Taliban contre lesquels j'étais jusque là en résistance. A.C : On parle de corruption concernant les aides versées par les pays étrangers en Afghanistan. Qui en est la cause? A.M.N. : Ce ne sont pas les Afghans qui reçoivent ces aides. La plus grosse partie est en effet perçue par des entreprises et des sociétés étrangères sous contrats. Seuls les cadres et les employés de celles-ci peuvent détourner l'argent. Quand certains disent que la corruption règne en Afghanistan, je réponds qu'elle est aussi répandue ailleurs. A.C : Avez-vous détecté des tentatives d'infiltration des Taliban ? A.M.N. : Les Taliban sont partout en Afghanistan, mais surtout dans les grandes villes et les provinces du sud et de l'est. Heureusement, il existe un sentiment anti-Taliban très fort dans la population (1). Dans le Nord, chaque fois que les Taliban ont essayé d'organiser des attaques, ils ont été arrêtés. A.C : Avez-vous été victime de tentatives d'attaques par les Taliban, dans la province de Balkh ? A.M.N. : Nous avons effectué plusieurs arrestations dont un groupe de cinq personnes. Il avait caché des explosifs et des munitions. Une vingtaine de jours avant ces arrestations, nous avions pris sur le fait deux kamikazes à bord d'une voiture piégée à l'explosif. A.C : Faites-vous partie du Jabah-e-Milli (2) ? A.M.N. : Non, car ce parti n'a pas pour objectif de résoudre les problèmes de l'Afghanistan. Son action politique, fluctuant selon les circonstances, n'est dictée que par le désir d'accéder aux postes de pouvoir. Ce parti n'a pas d'idéologie et l'on y voit des gens de tendances diverses : d'anciens moujahidine (3) et des communistes ou des hommes de Rachid Dostom (4). Jamais je ne prendrai place à une table pareille. A.C : La présence militaire occidentale est-elle nécessaire en Afghanistan ? A.M.N. : Oui, parce que le pays a besoin de se reconstruire, d'établir la sécurité et d'installer la démocratie. Aussi, dans le cadre instauré par les Nations unies, sous leur surveillance et conformément aux engagements internationaux, cette présence est indispensable. A.C : Cette occupation ne vous inquiète-t-elle pas ? A.M.N. : En Afghanistan, nous avons besoin de tout. La stabilité est précaire, l'économie n'est pas encore solide et nous n'avons même pas commencé à exploiter nos ressources minières. En outre, l'armée est encore en cours de constitution, comme notre police, et nos frontières ne sont pas sécurisées. Un départ brusqué des forces étrangères ne serait pas seulement dangereux pour l'Afghanistan mais pour le monde entier. Ce serait renouveler l'erreur commise après le départ des Soviétiques. Les États-Unis et l'Europe nous ont alors laissé tomber. Ils ont payé cher l'isolement auquel nous avons été abandonnés (5).
(1) Les Taliban sont Pachtouns, une ethnie
peu représentée dans le nord. Dans le sud et l'est,
au contraire, une grosse partie de la population soutient les
Taliban.
|
www.recherches-sur-le-terrorisme.com |