LE PIÈGE AFGHAN

avril 2007

Conduite par l'Otan et autorisée par les Nations unies depuis le 20 décembre 2001, l'ISAF (International Security Assistance Force) a pour mission d'assurer la sécurité de l'Afghanistan avec le soutien de l'armée locale.

Depuis 2005, c'est l'escalade. Les attaques des Taliban ont augmenté en nombre. Par rapport aux années précédentes, on a compté deux fois plus de morts dans les rangs de l'ISAF, passant de 52, en 2004, à 99 et 98 en 2005 et 2006.

35000 hommes de 37 pays forment cette force, dont la France avec 1900 soldats. Pour 2007, nous déplorons la perte de neuf d'entre eux.


Le 9 mars, le Bundestag approuvait l'envoi de six avions de reconnaissance par l'Allemagne pour muscler les capacités de renseignement de l'ISAF dans le sud de l'Afghanistan. Fin février, les Britanniques annonçaient à leur tour l'envoi d'environ un millier d'hommes en renfort. Est-ce la bonne solution ?

Au XIXème siècle, Londres avait renoncé à occuper l'Afghanistan, préférant verser des subsides au roi pour s'assurer de sa neutralité bienveillante(1). Dans les années 80, les Soviétiques, avec une présence de 150 000 hommes, finirent par vider les lieux, non défaits, mais conscients de l'impossibilité de se maintenir dans le pays par la force.

Par nos contacts, nous avons appris la situation inquiétante. Les troupes de l'ISAF ne sont en sécurité nulle part, sinon dans les périmètres fortifiés des grandes villes et dans l'enceinte de leurs postes. La plus grande partie du pays échappe à leur contrôle, quand les Taliban tiennent la montagne où ils circulent librement.

L'ISAF s'est enfermée dans la même logique qu'autrefois les Soviétiques, quand ils croyaient un déploiement de force suffisant pour asseoir un gouvernement qui leur soit acquis.

Auprès de la population, les Taliban se sont rebâti une légitimité en jouant des frustrations nationalistes causées par l'occupation. Nous avons pu avoir connaissance de leur organigramme. Son aspect sommaire est à l'image de la frugalité de leur guérilla, en même temps que le secret de leur force.

Mollah Omar en occupe le sommet, assisté par les deux vice-Présidents du défunt " Émirat " d'Afghanistan. Autrefois parrain de guerre de Ben Laden, Jallaluddine Haqani fait fonction de chef d'état-major avec, à ses côtés, les mollahs Dadullah et Barader.

Mollah Dadullah

Viennent ensuite les noms de huit " gouverneurs militaires, " chacun en charge de trois provinces où ils ont exercé des fonctions administratives par le passé. Sous leurs ordres, nous avons répertorié 26 commandants dont l'affectation change au gré des mouvements décidés par la hiérarchie. Il faut voir là la volonté de cette dernière d'éviter la constitution de féodalités échappant à leur autorité.

Tous les cadres des Taliban sont issus du gouvernement déchu et de son administration. Ce sont pour la plupart des mollahs. On retrouve d'anciens ministres et leurs assistants faisant aujourd'hui le coup de feu contre l'ISAF.

En marge de cette structure pyramidale, les Taliban ont une cellule de communication rattachée à Mollah Omar. Son principal porte-parole s'appelle Abdul Haiy Azzam, autrefois au consulat des Taliban à Quetta (Pakistan). Sous ses ordres, trois personnes sont chacune responsable d'un tiers du pays. Cette cellule transmet des messages à la presse internationale par satellite et utilise des émetteurs radio FM portant à une quarantaine de kilomètres.

Outre la manne générée par la production d'opium, et servant à financer l'effort de guerre, les Taliban reçoivent, semble-t-il, des aides des Russes.

D'après l'un de nos contacts, un officier russe a rencontré Mollah Omar dans le Helmand (sud de l'Afghanistan). Il aurait dit: " En échange de l'aide que nous vous apportons, nous ne vous demandons qu'une chose : faites souffrir les Américains autant que vous nous avez fait souffrir. " Une autre source signale des déplacements de Barader, l'un des adjoints de Mollah Omar, au Turkménistan et en Ouzbékistan pour rencontrer les Russes.

Il faut prendre ces informations avec précaution. Il est néanmoins dans l'intérêt des Russes de voir partir les Américains d'Asie centrale, région qu'ils considèrent depuis des siècles comme leur zone d'expansion naturelle.

Il faut ajouter à cela des informations parlant de relations occultes entre les Taliban et 17 des gouverneurs nommés par le Président Karzaï sur une trentaine en place.

On mesure là la précarité de la position de l'ISAF et le danger, pour l'Occident, de rester plutôt que de passer la main aux Afghans. Certes en obtenant la garantie que le pays ne servira pas à nouveau de sanctuaire à des opérations terroristes dirigée contre nous.

 

Alain Chevalérias

 

Note

(1) Voir : Histoire de la zone Tribale

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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