NE TUEZ PAS LE SOLDAT MOUSHARRAF

février 2007

Le 15 janvier 2007, Mohammad Hanif affirmait sur une cassette vidéo distribuée par Kaboul, que Mollah Omar, chef des Taliban, résidait à Quetta, au Pakistan, sous la protection de l'ISI, les services de renseignement pakistanais.

Mohammad Hanif était l'un des porte-parole des Taliban. On voit mal pourquoi Mollah Omar se cacherait à Quetta quand les montagnes afghanes lui offrent un refuge bien plus sûr.

Cette information était néanmoins suivie des critiques de Nicolas Burns, le 27 janvier. Numéro deux des Affaires étrangères aux Etats-Unis, il reprochait au Pakistan de ne pas en faire assez contre Al Qaïda. Lui faisant écho, on entendait Hamid Karzaï, le Président afghan, déclarer: " Les enfants afghans tués par les terroristes viennent de l'autre côté de la frontière, " du Pakistan en clair.

A Islamabad on entend une autre chanson. Le 2 février, le Président Pervez Mousharraf (Musharraf)donnait une conférence de presse. Pendant près de deux heures, il a répondu aux accusations portées contre son gouvernement. Quand le Pakistan a installé un millier de postes militaires pour surveiller la frontière afghane, de l'autre côté, on n'en compterait qu'une centaine. En outre, pour cette zone sensible, le Pakistan a mobilisé 80 000 hommes, presque trois fois plus que l'Alliance sur l'ensemble du territoire afghan.

Le Président pakistanais évoque aussi une nouveauté, l'utilisation de cartes biométriques, créées à l'initiative d'Islamabad, pour identifier les milliers d'Afghans qui entrent chaque jour au Pakistan par le poste de Chaman. Reste 2500 kilomètres de frontières, pour la moitié montagneuses, coupées de milliers de passages, que seuls peuvent franchir des chevaux, voire des hommes à pied.

Les militaires pakistanais ont proposé d'installer des champs de mines. Les institutions internationales se sont insurgées. Ils ont alors offert de construire une barrière de sécurité. Le gouvernement de Kaboul s'y oppose au nom du libre passage des individus, les mêmes tribus pachtounes se trouvant des deux côtés de la ligne de démarcation.

Les autorités pakistanaises ont des raisons de manifester leur désappointement. D'autant plus qu'elles ont déjà beaucoup donné. Fin 2001, quand les forces de l'alliance attaquaient Tora Bora, l'armée d'Islamabad se positionnait dans la zone tribale, région frontière côté pakistanais, pour intercepter les gens d'Al Qaïda.

A première vue, l'affaire ressemble à un service rendu entre alliés. C'est ignorer la réalité du terrain. La zone tribale a été instituée par les Britanniques, quand ils occupaient le sous-continent indien. En échange de la coopération des tribus pachtounes pour assurer la protection de la frontière, Londres avait laissé à ces dernières le droit de s'auto administrer. Dans les faits, l'armée ne pouvait pas stationner dans la zone tribale, dite FATA.

En 2001, l'entrée de l'armée pakistanaise dans celle-ci donnait un coup de canif au contrat. Aussi, depuis, la situation n'a cessé de se détériorer, allant jusqu'à des batailles rangées entre les forces armées et les tribus.

De plus, le pays se voit première cible des attentats. En douze jours, à compter du 26 janvier, six attaques ont éclaté. La dernière à Islamabad, à 20 heures, à notre arrivée à l'aéroport, le 6 février. Sous nos yeux, un terroriste s'est donné la mort sur le parking au moment où les policiers se saisissaient de lui.

On comprend l'amertume de Mousharraf face aux critiques de ses alliés. Néanmoins, le Pakistan ne porte-t-il pas une part de responsabilité dans les événements ? Difficile de répondre avec certitude. Certes minoritaire, une partie de la population s'est laissé gagner par l'intégrisme religieux. En outre, sans faire l'amalgame, l'identité du pays est musulmane.

Résultat, quand son alliance avec les Américains insupporte le plus grand nombre, pour éviter une vague de mécontentement, Mousharraf doit ménager la chèvre et le choux. Peut-être, au cours des dernières années, le pouvoir a-t-il parfois fermé les yeux sur les menées de groupes intégristes afghans ou pakistanais afin de se garder d'un clash.


Mais, pour nous, l'Occident devrait se montrer prudent. A trop demander à son allié pakistanais, il risque de provoquer sa chute. Or, qu'un régime islamiste s'installe dans le pays, avec une éventuelle intervention de l'Inde, c'est toute la région qui s'embraserait. S'il vous plaît, ne tuez pas le soldat Mousharraf !



Alain Chevalérias

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Photo d'un véhicule de l'armée pakistanaise détruit lors d'affrontements au Waziristan.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Dans son message du 30 janvier 2006, Zawahiri, numéro 2 d'Al Qaïda, s'en prend une fois de plus à Moucharraf.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Guerrier pachtoune de la zone tribale.
Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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