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Daech, ou lÉtat islamique, est né en Irak en 2006 de la fusion de plusieurs groupes jihadistes dont Al-Qaïda. À partir de 2013, il étendit son pouvoir jusquà la Syrie, installant sa « capitale » dans le nord de ce pays, à Raqqa, sur lEuphrate. Depuis, il a pris ses distances dAl Qaïda, allant jusquà combattre en Syrie une organisation jihadiste concurrente, Al-Nosra, qui après avoir déclaré son allégeance à Al-Qaïda tendrait elle-même à sen dégager. Très tôt, on avait détecté une forte présence danciens officiers de Saddam Hussein au sein de Daech. Nous avions dabord attribué ce phénomène à lalliance des tribus sunnites irakiennes à cette organisation par dépit suite à loffensive américaine de 2003, les hommes de Saddam étant autrefois recrutés dans les mêmes ethnies. Il semble que la collusion entre les « saddamistes » et les jihadistes de Daech soit plus profonde que nous le pensions. On pourrait alors parler de récupération et dinstrumentalisation des jihadistes par les danciens officiers de Saddam pour se venger. Nous devons les informations permettant davancer cette thèse à des documents découverts à Tal Rifaat, à une trentaine de km au nord dAlep (Syrie). Rachetés par lhebdomadaire allemand « Der Spiegel », ils constituaient les archives dun certain Haji Bakr, ancien colonel dans larmée de Saddam Hussein
Certains lappelaient « le Maître de lombre ». Avec raison : il sinstalla dans une maison discrète de Tal Rifaat, sans apparat, sans protection particulière, se fondant ainsi dans la population, avec sa femme pour seule compagnie. Là, il sactiva à recruter des agents, créant un réseau selon une méthode précise. Pour ce faire, il faisait dabord ouvrir un centre de prédication religieuse dans lagglomération où il voulait simplanter. Les éléments radicalisables étaient alors repérés et formés aux techniques de renseignement. Ces recrues avaient la mission de ficher la population pour détecter les familles riches et puissantes, leurs sources de revenus, établir la liste de leurs membres et détecter leurs faiblesses, en particulier leur activités illégales au regard de la loi islamique afin de les faire chanter. Plus quune structure islamique, cest un service de renseignement de type totalitaire quHaji Bakr mettait en place. Dans chaque province, il nommait un émir, (2) sous ses ordres un commandant en charge dune brigade exécutant les assassinats et les enlèvements et assurant les communications, le codage. Surtout, un émir avait la fonction de surveiller les autres émirs, comme le dit Der Spiegel : « Au cas où ils ne feraient pas bien leur travail ». Haji Bakr, le colonel Samir comme il se faisait appeler, navait rien dun religieux. Lidéologie islamiste ne lintéressait pas. On na même pas retrouvé un Coran dans son antre. Il nétait quun technicien de la guerre subversive. Autre particularité, pour combattre et former larmée à proprement parler, il ne comptait pas sur les Syriens, encore moins les Irakiens. Cest aux extrémistes étrangers quil fit appel. Plus facilement fanatisables, ces derniers nétaient pas rebutés par les pires exactions contre des populations avec lesquelles ils navaient aucun lien. Ils étaient ainsi de meilleurs instruments de terreur. Une fois les réseaux de renseignement mis en place, quelques hommes de Daech entraient dans les villes les moins tenues par les autorités de Damas. Au début, ils procédaient sans violence. Puis comme à Raqqa en mars 2013, ils faisaient élire un conseil de la ville constitué de notables volontaires. Ils lançaient un mouvement pour les femmes, un autre pour les jeunes. Ils appelaient les gens à sorganiser pour défendre leurs droits. Une société ouverte et « démocratique » semblait se mettre en place. Cela permettait à Haji Bakr et ses sbires didentifier les meneurs et les opposants potentiels. Alors, la chape de plomb tombait. Les uns après les autres, les opposants potentiels disparaissaient. Toujours masqués, les hommes de Daech nettoyaient la ville. Ainsi plusieurs régions aujourdhui sous le contrôle du groupe terroriste sont-elles tombées sans combat. (1) Zarqaoui
était affilié à Al-Qaïda et combattait
en Irak. Il
a été tué en juin 2006 dans un bombardement
américain ciblé. |
contre Daech remise en question Dans la nuit du 15 au 16 mai, un commando héliporté américain a attaqué un bâtiment occupé par des administratifs de Daech à côté dAl-Mayadin, sur le site pétrolier dOmar, dans lest de la Syrie. Il sagit de la principale région productrice de pétrole de Syrie. Les Américains voulaient de toute évidence porter un coup à la principale source denrichissement de Daech en Syrie, lor noir. La Maison Blanche a affirmé avoir tué plusieurs hommes de Daech, dont un certain Abu Sayyaf, un Tunisien quelle présente comme un haut responsable de lorganisation, en charge pour sa part des finances et de la vente du pétrole. Les Américains disent aussi avoir capturé sa femme, appelée Oum Sayyaf, et délivré une femme yezidie réduite à lesclavage. Nos correspondants en Syrie disent ces informations très exagérées. Ils affirment quAbou Sayyaf est un opérationnel du terrain sans responsabilités significatives. Dautre part, toujours selon nos sources, sa femme na pas été capturée. Elle réside en effet à Al-Mayadin, où vivait normalement son mari, mais qui était de permanence sur son lieu de travail la nuit de lattaque. Cette opération est la première avec intervention dhommes au sol depuis le début de loffensive lancée par Washington et ses alliés dans la région. Il semble que les Américains soient loin davoir atteint les objectifs escomptés leurs renseignements étant erronés. Dun côté on ne peut que se réjouir de voir les États-Unis simpliquer dans la lutte contre Daech, qui ne peut se faire sans eux. De lautre, on se doit de les inviter, le plus amicalement du monde, à mieux gérer leurs sources dinformations. |
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