QUI EST ZARQAOUI?

Lundi 24 janvier 2005, à six jours des élections en Irak, Abou Moussab Al Zarqaoui (Zarkaoui) revendiquait un nouvel attentat-suicide commis cette fois contre le siège du parti de Iyad Allaoui, le Premier ministre intérimaire.

 Dans un enregistrement audio mis en ligne la veille sur Internet, le second en une semaine, Al Zarqaoui rejetait le processus électoral, contraire, selon lui, à la loi islamique. Il déclarait y voir " un piège abominable, destiné à assurer le contrôle du pays aux " rafidha,"" appellation péjorative désignant la majorité chiite.

Qui est ce Al Zarqaoui, auteur de dizaines de meurtres menés contre des civils et de décapitations d'otages enregistrées sur cassettes vidéo ? 

De son vrai nom Ahmad Fadel Nazzal Al-Khalayleh, il est né à Zarqa, en Jordanie, en octobre 1966. Ceux qui l'ont connu dans son adolescence parlent d'un jeune homme au tempérament vif, porté sur l'alcool et jouant du couteau. A 22 ans, il part au Pakistan et entre en relation avec le fondateur, jordanien comme lui, d'un groupe extrémiste, " Al Tawhid wal Hijra Al Mouwahadine. " En 1994, à son retour au pays, il est condamné à quinze ans de prison. Il en sortira bénéficiant d'une amnistie générale en mai 1999. C'est tout ce que l'on sait de lui avec certitude.

Son nom va brusquement faire la une des médias en Irak.

C'était au printemps 2004. Le 2 mars, jour de l'Achoura, grande fête religieuse chiite, neuf attentats éclatent dans la cité sainte de Karbala en plein pèlerinage. Quatre autres visent une mosquée chiite de Bagdad. Bilan: 182 morts et 556 blessés.

Étrangement, une lettre diffusée pour partie dans le " New York Times " du 4 février 2004 prophétisait ce carnage en affirmant : " ... si nous frappons les chiites sur les plans religieux, politique et militaire... si nous réussissons à les attirer dans l'arène de la guerre de religion, la proximité de la mort réveillera les sunnites inconscients... "

Plus étrange encore, les autorités américaines en Irak se font elles-mêmes les zélés diffuseurs du message. Elles affirment avoir trouvé le document, par hasard, dans une cache d'Al Qaïda à Bagdad. Il n'est pas signé et pourtant, elles l'attribuent sans hésiter à Al Zarqaoui. Beaucoup de coïncidences !

Détail d'importance, à l'époque Al Zarqaoui n'appartient pas à Al Qaïda mais à une structure concurrente, toute aussi dangereuse cependant, Tawhid wal Jihad.

Depuis, les services américains lui attribuent la plupart des attentats commis en Irak. Ils affirment qu'il organiserait des réseaux en Europe. Le 12 janvier dernier, au Centre d'Accueil de la Presse Etrangère, à Paris, Roland Jacquard et Atmane Tazaghart * le décrivaient à la tête de 5000 combattants. Un chiffre, selon nous, démesuré.

Notable de premier plan à Falloujah, le cheikh Zafer Sobhi Al Obeidi nous a déclaré le 9 janvier : " Qui est ce Zarqaoui? Moi, un Irakien habitant Falloujah, je ne sais pas qui il est. S'il existait vraiment, ou s'il avait l'importance que lui accordent les Américains, ils l'auraient arrêté. Ils ont capturé Saddam Hussein, ils ne pourraient pas s'emparer d'Al Zarqaoui? (...) Je constate, ajoute Al Obeidi, qu'après avoir détruit Falloujah, où ils disaient qu'il se cachait, les Américains ont brusquement déclaré le croire à Mossoul avant de s'en prendre à cette ville ! "
Dans cette affaire, à des fins de manipulation de l'opinion, on devine la volonté d'exagérer l'importance d'Al Zarqaoui.

Et là, on voit le burlesque côtoyant l'horreur. Le 27 décembre 2004, sur une cassette audio partiellement diffusée par la télévision satellitaire Al Jazeera, si l'on en croit les experts en matière de reconnaissance de voix, Oussama Ben Laden aurait dit : " Je compte parmi les meilleurs l'émir des moujahidine, le noble frère Abou Moussaab Al-Zarqaoui... Sachez que le frère Abou Moussaab Al-Zarqaoui est l'émir de l'organisation d'Al Qaïda dans le pays de Mésopotamie... "

En d'autres termes, Ben Laden intégrait Zarqaoui dans les rangs d'Al Qaïda. Pourquoi ? Il faut savoir. A travers les cassettes vidéo ou audio semblant émaner raisonnablement de Ben Laden, on comprend celui-ci dépendant de l'information des chaînes satellitaires arabes. Pour des raisons de sécurité, il est de toute évidence coupé du monde. Conclusion, abusé par la propagande, il a, croyons-nous, surévalué l'importance d'Al Zarqaoui.

L'information est une arme de guerre. Nous le savions. Mais la mondialisation des medias fait des salles de rédaction une nouvelle zone de conflit. La presse n'a jamais été moins sûre...

 

 

 

 

 

Al Zarqaoui: Photo prise durant d'une assemblée avec ses compagnons à Peshawar 1991.
 

 

 

Irak: attentat lors de l'Achoura, mars 2004

 

 

 

Photo de l'otage britannique égorgé par le Tawhid wal jihad qui prit plus tard le nom de "Qaedat al jihad fi bilad ar Rafidayn" (Al Qaeda en Irak)

 

 

 

 

 

 

Cheikh Sobhi Al Obeidi, chef religieux à Falloujah

 

 

Oussama Ben Laden tel
apparu dans sa dernière
cassette vidéo en octobre 2004

Liens utiles:

 

*" Ben Laden, la destruction programmée de l'Occident. " Roland Jacquard et Atmane Tazaghart. Editions Picollec.

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