8 juin 2006, au cours d'une conférence de presse, Nouri Al-Maliki, Premier ministre irakien, annonce que " Zarqaoui a été éliminé. " Il s'agit d'Abou Moussab Al-Zaqaoui, de son vrai nom Ahmad Fadil Nazzal Al-Khalayleh, sujet jordanien par la naissance Lire: Qui est Zarqaoui ? Depuis fin décembre 2004, il avait été intronisé chef d'Al Qaïda en Irak, si l'on en croit un communiqué d'Oussama Ben Laden. Il a été tué dans un raid aérien américain contre une maison située à 8 kilomètres au nord de Baaqouba, où il avait été signalé par des renseignements. Soldat américain, brandissant l'image de Zarqaoui mort |
Il s'était vu accéder à la célébrité le 4 février 2004. Le " New York Times " avait alors publier la traduction d'une lettre en arabe trouvée dans une maison en Irak. Cette lettre n'était pas signée. Pourtant, étrangement, les autorités américaines l'attribuèrent avec insistance à Zarqaoui. On lisait : "... Si nous frappons les chiites sur les plans religieux, politique et militaire... si nous réussissons à les attirer dans l'arène de la guerre de religion, la proximité de la mort réveillera les sunnites inconscients... " A peine un mois plus tard, en pleine fête chiite de l'Achoura, neuf attentats éclataient dans la ville sainte de Karbala. Quatre autres ensanglantaient les mosquées chiites de la capitale. A partir de ce moment, les Américains attribuèrent systématiquement les attentats perpétrés en Irak à Zarqaoui. Les analystes proches de leurs vues le disaient à la tête de 5000 combattants. On s'étonne. Le 9 janvier 2005, le cheikh Zafer Sobhi Al Obeidi, un notable religieux de Falloujah, nous répondait : " Qui est ce Zarqaoui ? Moi, un Irakien habitant Falloujah, je ne sais pas qui il est... " Plus étrange encore. Le 11 octobre 2005, les Américains révélaient une nouvelle lettre qui aurait été adressée par Ayman Al-Zawahiri, numéro deux d'Al Qaïda, à Zarqaoui. Nous en avions fait l'analyse pour conclure que ce document était un faux. Fin avril 2006, enfin, une cassette vidéo était diffusée sur Internet et par la chaîne arabe Al Jazeera. On voyait Zarqaoui tirant au fusil mitrailleur en plein désert. Gras, l'air balourd, il n'avait rien du guerrier aux aguets que l'on s'imaginait. Le décalage entre les images et la réalité allait se confirmer quelques jours plus tard. A la suite du montage de la vidéo, des images avaient été abandonnées, puis retrouvées par les troupes d'occupation. Peu flatteuses, elles montraient Zarqaoui confronté à un incident de tir. La main d'un tiers apparaissait alors pour débloquer l'arme et remettre la culasse en position de tir. Rambo descendait de son piédestal. (voir vidéo ci contre) Nous ne sommes pas les seuls à nous poser des questions sur le rôle véritable de Zarqaoui. Le 10 avril 2006, sous la signature de Thomas E. Ricks, on lisait dans le " Washington Post : " " L'appareil militaire américain mène une opération de propagande afin de magnifier le rôle du chef d'Al Qaïda en Irak... L'un des buts de cette campagne est de créer un différent au sein de l'insurrection en amplifiant la portée des actions terroristes et du rôle des étrangers, disent les officiers familiers de ce programme. " Jusqu'où a été l'utilisation de Zarqaoui par les Américains ? Y a-t-il eu manipulations, voire plus ? On a compris que, mettant un terme aux tristes exploits de Zarqaoui, les Américains montrent qu'ils n'ont plus " besoin " de lui. On s'interroge néanmoins sur la manière dont il a été éliminé. Quelques heures après l'attaque, Donald Rumsfeld dit les officiers chargés de l'opération " arrivés à la conclusion qu'ils ne pourraient pas vraiment aller sur le terrain sans prendre le risque qu'il (Zarqaoui) ne s'échappe. Aussi ont-il eu recours à une attaque aérienne sur la demeure où il se trouvait en réunion... " (Dépêche AFP). Résultat, deux F-16 ont largué deux bombes de 250 kilos sur le site. On peut se demander pourquoi les Américains n'ont pas fait l'effort de capturer Zarqaoui vivant. Il était une source d'informations appréciable. A moins que sa mort n'évite des révélations gênantes. Autre point d'interrogation, le général Bill Caldwell, porte parole de la force multinationale en Irak, a précisé qu'une femme et un enfant figuraient parmi les victimes. Rumsfeld a affirmé : " Nous savions que l'on pouvait toucher cette cible sans causer de dommages collatéraux sur des civils irakiens dans la zone... " (Dépêche AFP). |
Scène d'un attentat à Bagdad en mars 2004 Image tirée de la vidéo de Zarqaoui diffusée en avril 2006
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Tout plaidait donc pour un encerclement avec des troupes à pied : la quête de renseignements comme le respect des vies civiles. Sauf, peut-être, la raison d'Etat. |
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