HISTOIRE
L’INVASION
DE L’AFGHANISTAN
PAR LES RUSSES

décembre 2016
En décembre 1979, les troupes soviétiques entraient en Afghanistan sortant, pour la première fois depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des frontières du Pacte de Varsovie. Les affrontements qui suivirent ont libéré la pulsion jihadiste dont les prolongements se manifestent aujourd’hui sur le continent européen. En tant que journaliste, Alain Chevalérias a effectué cinq voyages en Afghanistan à cette époque, totalisant ainsi près de trois ans dans les maquis, en particulier dans la région de Mazar-i-Sharif.

Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1979, deux divisions de l’armée de l’air soviétique débarquaient à Kaboul. Moscou affirmait intervenir à la demande du gouvernement afghan. Pourtant, les spetsnaz (1) s’emparaient du palais et exécutaient le Président en titre, Hafizullah Amin, un communiste qui avait cessé de plaire au Kremlin. Ils le remplaçaient par Babrak Karmal, un autre communiste qui, en délicatesse avec Amin, vivait en exil en Union Soviétique.

Dans le même temps, deux colonnes blindées pénètrent à partir de l’URSS sur le territoire afghan. Les Soviétiques ne parviennent pas à contrôler les campagnes. Déjà existante, de plus dopée par l’invasion, une forte insurrection anti-communiste leur répond.

Pauvre en moyens, divisée et mal encadrée, ce que l’on va appeler la résistance afghane jouit néanmoins de trois atouts 1/ la rusticité de sa population 2/ le soutien du Pakistan et surtout des États-Unis 3/ une religion, l’islam, qui leur donne un cadre idéologique.

L’aide américaine est d’autant plus efficace qu’elle a été préparée depuis longtemps. Washington a toujours craint une subversion communiste dirigée contre ses alliés de la région, dont le Pakistan. Dans ce but, non loin de Peshawar (2), en 1957, un centre d’entraînement à la guérilla a été créé par la CIA avec l’aide de l’ISI (3) afin d’y former des volontaires des pays asiatiques (4)

À nos yeux, les Américains ont alors raison de soutenir la résistance afghane, ne serait-ce que pour assurer la sécurité du Golfe arabo-persique, qui baigne les côtes du Pakistan et par où transite la moitié de nos approvisionnements en pétrole. Mais ils vont trop loin.

Au moins dès 1983, la CIA fait appel à des islamistes arabes proches des Frères musulmans (5) pour venir combattre en Afghanistan. Sans qu’il y ait une collaboration véritable, Oussama Ben Laden, alors un jeune homme, va prospérer dans ce milieu des Arabes d’Afghanistan. À Washington, on compte ainsi faire de la cause afghane la cause de tous les musulmans.

Côté soviétique, l’occupation s’avère coûteuse en hommes tués, en moyens détruits et handicape Moscou sur la scène internationale. De plus, rien n’y fait et en dépit des bombardements, 80% du territoire afghan reste sous le contrôle de la résistance.

Stinger, missile anti-aérienPuis, en 1985, les Américains commencent à livrer des missiles anti-aériens Stinger (photo ci-contre). C’est un coup fatal porté aux Soviétiques qui perdent la suprématie aérienne, jusque-là leur principal atout. Résultat, au Kremlin, Michaël Gorbatchev va entamer le retrait de ses troupes à partir de février 1988.

Le régime communiste ne tombe qu’en 1992 sous les assauts des hommes du commandant Massoud. Les Américains se satisfont de ce succès et abandonnent l’Afghanistan à son sort. Quant aux Arabes invités au conflit, Washington croit qu’ils vont retourner à une vie paisible. Mais ils ont désormais le goût du sang dans la bouche. Le goût du sang et une idéologie.

C’est une grave erreur de les avoir laissés en Afghanistan. En effet, dans les maquis, dès 1985, nous les avons entendus projeter de poursuivre « le jihad » contre l’Occident et ses alliés après la victoire contre les Soviétiques. Aujourd’hui, nous payons aussi la légèreté des Américains.


Alain Chevalérias

Notes

(1) Commandos de l’armée soviétique et aujourd’hui russe.
(2) Ville du nord-ouest du Pakistan qui deviendra la base politique de la résistance afghane et le lieu de rencontre avec la presse.
(3) Service de renseignement pakistanais.
(4) Nous avons interviewé le 27 mai 2007 le général
Mirza Aslam Baig. Ancien patron de l’armée pakistanaise, il nous a raconté avoir servi dans ce centre en temps que jeune officier.
(5) Confrérie islamiste née en Egypte en 1929. Prônant la prise du pouvoir par le processus électoral, elle n’en a pas moins inspiré la plupart des structures islamistes, y compris les plus radicales.
Voir :Origine des Frères Muslmans

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