CARTE POSTALE
DU LIBAN

août 2007


" Le docteur est venu, s'est penché sur le malade et a dit ne rien pouvoir faire. Puis il s'est lavé les mains et a demandé le prix de ses honoraires ".

En quelques mots ironiques un Beyrouthin résumait la visite de Bernard Kouchner au Liban et la rencontre organisée à La Celle Saint-Cloud pour réconcilier les partis.

Tout le monde voudrait voir guérir le Pays du Cèdre, mais personne ne veut faire les opérations nécessaires :

1/ Couper le cordon ombilical entre l'Iran et le Hezbollah.
2/ Exercer une forte pression sur la Syrie pour l'empêcher de nuire au Liban.
3/
Obliger Israël à respecter la souveraineté de son voisin.
4/
Renvoyer les Palestiniens d'où ils viennent, sinon les déplacer ailleurs.

Dans la région chrétienne, nous avons entendu des parents ne voyant d'avenir pour leurs enfants qu'à l'étranger. Seuls les villages chrétiens du Sud ou de la Montagne résistent : on passe des diplômes à Beyrouth et l'on revient au pays pour cultiver la terre.

Dans la capitale, nous avons senti l'omniprésence du Hezbollah. En plein coeur de la ville, place Riyad Al-Solh, depuis le mois de décembre dernier, des jeunes gens, payés par le parti, sont venus des villages chiites pour occuper les lieux.

Par le moyen de ce sit-in, les séides de Téhéran comptent obtenir le privilège légal d'une minorité de blocage au gouvernement, pour s'opposer à ses décisions.

Traverser le campement des manifestants ou interviewer leurs responsables est impossible sans une autorisation du Hezbollah. En dépit de nos demandes réitérées, cinq jours plus tard, nous n'avions toujours pas de réponse.

Cette implantation sauvage a eu des effets destructeurs sur l'économie. Le quartier, ruiné par la guerre civile, avait été rénové à grands frais sous Hariri. Investi par les restaurants et les boutiques, il était devenu un pôle d'émergence de la fragile économie libanaise. Mieux, quand on voyait s'y côtoyer le voile des musulmanes pratiquantes et la décontraction vestimentaire des chrétiennes, on sentait le Liban se refondre dans ses diversités.

Hélas ! Les manifestants du Hezbollah ont chassé clients et convivialité. Les restaurants ont remisé les chaises sur les tables et les boutiques ont fermé. L'attaque d'Israël, en juillet 2006, avait grièvement blessé l'économie libanaise. La paix revenue, le Hezbollah a continué de la détruire. Comme si ces deux entités, pourtant ennemies, travaillaient au même ouvrage, l'assassinat du Liban.

Mais il faut monter au Nord, pour voir le visage que le Liban pourrait reprendre.

A Tripoli, la ville, se reconstruisant, s'étend sur la campagne et se modernise. La vie semble normale. Pourtant, à quelques kilomètres, la guerre fait rage. Le camp palestinien de Nahr Al Bared est pilonné par l'armée libanaise.

A gauche de l'autoroute côtière, on voit s'élever au loin les nuages de poussière soulevés par l'impact des obus. A droite, dans les vergers, les pièces de l'armée libanaise sont dissimulées par les arbres. Entre les deux, les automobiles circulent comme si de rien n'était.

C'est ce visage du Liban, entre guerre et insouciance qui fait le plus peur. Parce qu'il rappelle la banalisation de la violence à une autre époque.

 

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le Terrorisme Depuis le 11 Septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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