Certes, indispensable
est l'ensemble de l'appareil militaire de la France, mais dans
les circonstances présentes le déploiement de fantassins,
la surveillance du ciel et des océans peuvent être
contournés par les auteurs des attentats, leurs méfaits
exigeant d'autres moyens que la force des armes, ceux des services
de renseignement, le travail des sans uniforme, celui des hommes
de l'ombre. |
Selon une déclaration
récente de M. Sarkozy, " il n'y aurait aucune
explication au terrorisme ". En réalité,
si rien ne l'excuse il est relativement aisé d'en discerner
les vraies causes. Comme toute entreprise humaine il résulte
de la convergence de divers motifs. En l'occurrence, les principaux
mobiles sont d'ordre politique, religieux, social, économique.
Avec les seuls moyens dont il dispose, l'Islam intolérant
mène le combat contre un Occident belliqueux, prédateur
et impie.
Les évènements internationaux ont réuni
les conditions de l'affrontement. Et cela au cours des années
1990 (démantèlement du mur de Berlin neutralisé
à la fin de l'année précédente) et
1991 (fin de l'Union Soviétique en décembre).
|
Ce fut le cas de la Déclaration
islamique d'Alija Izetbégovic publiée
à Sarajevo, en 1990. Aujourd'hui le texte prend toute
sa signification alors qu'à l'époque de sa publication,
sauf à Belgrade, la Déclaration passait pour l'uvre
d'un respectable philosophe isolé. En voici quelques extraits
:
-
. "
Un monde de 700 millions d'hommes, qui possède d'énormes
ressources naturelles, occupe une toute première place
géographiquement, est, de surcroît, l'héritier
d'une colossale tradition culturelle et politique et qui est
le porteur de la pensée vivante islamique, ne peut rester
dans une position de mercenaire ".
" Nous voulons la réalisation de l'Islam dans tous
les domaines de la vie privée des particuliers, dans la
famille et dans la société, par la renaissance
de la pensée religieuse islamique et la création
d'une communauté Islamique unique, du Maroc à l'Indonésie
".
" Le Musulman ne peut que mourir au nom d'Allah et pour
la gloire de l'Islam, ou bien déserter le champ de bataille
".
" La plus brève définition de l'ordre islamique
le définit comme l'unité de la foi et de la loi..
" et
plus loin
" Le Musulman, en général, n'existe pas
en tant qu'individu ".
" S'il veut vivre et demeurer Musulman il doit créer
un milieu, une communauté, un ordre. Il doit transformer
le monde, ou alors c'est lui-même qui sera transformé
". Izetbegovic prêchait la révolte et la guerre.
" Nous sommes asservis : à un moment, en 1919, il
n'existait aucun pays musulman indépendant, une situation
sans exemple dans le passé "
Or, poursuivait-il " l'Islam exclut clairement le droit
et la possibilité de la mise en uvre d'une idéologie
étrangère sur son territoire. Il n'y a donc pas
de principe de gouvernement laïque et l'Etat doit être
l'expression et le soutien des concepts moraux de la religion
d'où l'impossibilité du lien entre l'Islam et d'autres
systèmes non islamiques ".
" Nous devons être, alors, tout d'abord, des prédicateurs
et ensuite des soldats. Nos moyens sont l'exemple, le livre,
la parole.
A quel moment la force accompagnera-t-elle ces moyens ? Le mouvement
islamique doit et peut prendre le pouvoir dès qu'il est
normalement et numériquement fort à tel point qu'il
puisse, non seulement détruire le pouvoir existant, mais
aussi construire le nouveau pouvoir islamique ".
C'est ce personnage qui fut soutenu par Washington, Berlin,
Londres et Paris pour démanteler la Yougoslavie, créer
une grande Albanie musulmane et, avec la Bosnie-Herzegovine,
un second Etat musulman dans les Balkans. Les futurs fidèles
d'Oussama ben Laden viendront s'y entraîner au combat contre la Chrétienté
en guerroyant contre les Serbes.
|
Pour le Père Borrmans,
professeur à l'Institut pontifical d'Etudes Arabes, commentant
l'activité des Frères
musulmans,
" il est nécessaire à
l'Islam d'avoir un ordre public, il est donc nécessaire
d'user de la force, le jihäd est indispensable à
l'Islam puisque sans lui l'Islam ne survivrait pas ". Les
attentats de Londres ont révélé l'importance
de l'enseignement dispensé au Pakistan. Celui-ci est à
rapprocher des propos du général
Hamid Gul, chef des Services de renseignement de ce pays
de 1988 à 1991 :
le Pakistan a été
créé pour incarner une vision de l'Islam directement
issue du Coran et de la Sunna, seul programme politique valable
". Le Pakistan est le premier pays musulman à
détenir l'arme nucléaire.
En Irak, et dans une certaine mesure en Syrie sa rivale, le parti
Baath avait tenté de projeter l'Islam dans le " modernisme
" en s'inspirant d'un certain socialisme démocratique
à l'occidentale. La difficile gestion d'une population
ignorant tout de la démocratie avait conduit au recours
à l'autoritarisme de Saddam Hussein dépassant ses
prédécesseurs en matière d'arbitraire, la
quête de puissance et d'indépendance ne laissant
guère de place à la démocratie.
*
* *
|
Donc, au cours des " années
charnières ", le monde s'agence différemment
et l'idée islamique en tire avantage.
Avec la dislocation de l'Union Soviétique, l'économie
planifiée fait place à l'économie de marché
qui, partout, s'impose comme une réalité ou comme
un objectif. Réunifiée l'Allemagne mit aussitôt
les Balkans à feu et à sang, faisant sauter le
verrou serbe sur une des routes "d'invasion" de l'Europe
; le traité de Maastricht construit l'irréversible
en matière d'intégration européenne tandis
que la concomitance de ces évènements et du développement
des techniques d'information et de communication ainsi que l'amplification
des échanges concourt au brassage des populations. Devenus
l'unique superpuissance, les Etats-Unis ont la voie libre pour
atteindre leurs objectifs politiques, dont les plus importants,
du moins pour le demi siècle à venir, sont l'appropriation
de l'énergie nécessaire à leur développement
et le contrôle de son acheminement vers les Etats potentiellement
rivaux. Washington adopte une nouvelle stratégie : la
conquête par les armes des sources d'énergie fossile
et la majorité d'entre elles se trouvent en terres musulmanes.
D'un point de vue arabo-musulman examinons successivement les
conséquences de ces évènements et des comportements
nationaux correspondants.
1°
La mondialisation
des échanges d'abord :
La primauté de l'économie,
l'application générale des lois du marché
affaiblissent les Etats contraints de s'incliner devant les exigences
de la production et du commerce. Les mouvements islamiques exploitent
cette perte d'omnipotence nationale. Pour Al Qaeda le monde non
musulman est sans frontières, comme, d'ailleurs, devrait
l'être l'aire musulmane, dans un premier temps du moins,
du Maroc à l'Indonésie, selon Izetbegovic. L'économie
triomphante détruit les valeurs morales et met en relief
celles d'une société théocratique régie
par le Coran. De moins en moins protégées par des
gouvernements défaillants, les populations non musulmanes
perdent peu à peu leurs identités nationales respectives
et aussi leur immunité naturelle à la propagande
islamique. Enfin, et surtout les exigences de l'industrialisation
d'une population de plus en plus nombreuse placent celle-ci dans
un état de dépendance des ressources énergétiques
des pays arabes et musulmans. Ceux-ci en ont pris particulièrement
conscience lors des crises de 1956 - 1973 et 1991. Ils savent
qu'ils détiennent - pour quelques décennies encore
- les clefs du développement mondial, sans, pour autant
disposer de l'audience politique internationale correspondante.
D'où un sentiment de frustration. De surcroît, les
" énormes ressources " auxquelles faisait allusion
Alija Izetbegovic fournissent une solide rente pétrolière
qui permet de répandre l'enseignement du Coran et de multiplier,
partout dans le monde, le nombre des lieux de culte nécessaires
à la phase des prédicateurs, avant d'en venir à
celle des " soldats "
2° La construction
européenne
Les abandons de souveraineté
nécessités par la " construction de l'Europe
politique " ont créé sur le vieux continent
un état de choses nouveau : sans être déjà
de simples divisions administratives les Etats-nations y ont
perdu tant de responsabilités et d'attributions qu'ils
se trouvent dans une situation ambiguë, comme il n'en existe
nulle part d'autres exemples.Les accords de Schengen et la libre
circulation des personnes et des biens qu'autorise la suppression
des frontières intérieures facilitent l'"invasion
" évoquée en son temps par Valéry Giscard-d'Estaing.
Les populations non européennes sont ainsi incitées
à venir en Europe pour bénéficier des efforts
séculaires qui y ont été accomplis. Les
identités nationales des pays d'accueil, sont battues
en brèche, leur culture millénaire étant
menacées par celles, très différentes, de
l' " étranger ". Celui-ci ne recherche pas l'assimilation
- encore moins l'intégration - avec la population d'Etats
affaiblis et qui s'en remettent à un vague pouvoir bruxellois
supra-national. Ce sont les avantages matériels qu'offre
cette terre d'Europe qui sont les objectifs de l'émigré
et non l'accès à une nationalité chancelante
et à une culture évanescente. Il n'existe aucun
rapprochement possible avec le melting pot américain,
l'émigré espérant à la fois trouver
outre-atlantique un travail rémunérateur et, aussi
détenir une parcelle de la puissance et du rayonnement
d'un Etat totalement maître de sa destinée et, de
surcroît, capable de peser sur celle des autres.
"Comment ne pas voir la lutte contre le terrorisme comme
un enjeu européen ", écrivait M. Barnier
(Figaro du 15 juillet 2005) qui avait manqué une occasion
de se taire, alors que la " construction européenne
et le traité de Schengen ont à la fois facilité
l' " invasion " et affaibli à un tel point les
Etats européens que les terroristes y ont établi
leurs principaux centres d'activités. D'ailleurs le lendemain
de cette profession de foi européenne, le New Herald Tribune
publiait les lignes suivantes : " Depuis la création
de l'Union, ses frontières poreuses permettent à
des explosifs militaires venant des pays de l'est de se répandre
facilement à travers l'Europe. Selon Scotland Yard, sans
arrêt, les gens vont et viennent à travers les frontières
internationales et avec des contrôles relativement mineurs.
Il y a des milliers de tonnes d'explosifs non inventoriés
et disponibles sur le marché de l'Europe. (déclaration
de Michaël Coldrick spécialiste de l'anti-terrorisme
à Scotland Yard ". Non seulement l'Union européenne
a détruit les frontières des Etats mais ayant sapé
l'autorité de ces Etats, limité leurs moyens d'action,
elle a fait le jeu des émigrants qui entendent y vivre
non pas comme citoyen, mais en communautés distinctes,
selon les moeurs et les coutumes de leurs pays d'origine. Ainsi
est créé, en Europe, un milieu exogène dans
lequel le terrorisme puise des soutiens.
3° La
diminution quantitative de la population européenne et
son vieillissement.
Si le ralentissement de la croissance
démographique est général, en Europe, il
est plus particulièrement préoccupant. L'Allemagne,
l'Autriche, l'Espagne, l'Italie se dépeuplent. Au cours
des 40 prochaines années l'Europe devrait perdre 25 à
30 millions des siens. Et ce sont les émigrants qui freinent
ce déclin démographique si bien qu'il n'est pas
question de tarir les flux des migrants, pour la plupart provenant
de pays musulmans. Soucieux de conserver les avantages matériels
dont ils bénéficient dans les pays d'accueil, ces
nouveaux venus, en général, désavouent la
violence et condamnent le terrorisme pratiqué par leurs
congénères. Mais il est normal qu'ils en saisissent
les causes et que nombre d'entre eux y voient la sanction des
frustrations dont ils souffrent. Il y a là un terrain
favorable à l'extension de la revendication par le terrorisme.
Et ce dangereux domaine ne peut que s'élargir avec le
temps, au fur et à mesure que diminue la part des nationaux,
incapables de renouveler leur génération et trop
peu nombreux pour gérer les richesses accumulées
au cours des siècles.
4° L'extraordinaire
croissance économique des pays
milliardaires en vies humaines, la Chine aujourd'hui,
et l'Inde demain.
Leur développement scientifique,
technique, industriel, militaire conduisent les Etats-Unis à
relever le défi d'un potentiel de puissance rivalisant
et même dépassant, un jour, la leur. Ajoutée
à la stratégie d'appropriation d'énergies
fossiles qui fera l'objet du paragraphe suivant, celle qu'impose
le développement de la zone Asie-Pacifique, amène
Washington à exercer
son influence au cur de l'Asie et à manifester sa
présence politique et militaire à proximité
de la Chine et de l'Inde. Hier, au temps de la " guerre
froide ", les Etats-Unis montaient la garde, grosso modo,
le long du méridien de Berlin. Aujourd'hui ils occupent
des bases 5.000 kilomètres plus à l'est, en pays
musulmans. Ils y sont diversement accueillis. En terre étrangère,
la force armée et les organismes politico-caritatifs qui
l'accompagnent, à la culture et aux moeurs très
différentes des autochtones, sont à l'origine de
conflits sociaux locaux. Et le monde musulman y voit de nouveaux
empiétements de l'Occident.
5° L'appropriation
de l'énergie nécessaire au développement
Dès la dislocation de l'Union
Soviétique et l'avènement d'une seule superpuissance,
Washington a substitué à l'affrontement des tenants
de l'économie de marché et des partisans de l'économie
planifiée, plus généralement, à l'opposition
de la démocratie libérale à l'autocratie
marxiste-léniniste, un nouvel objectif stratégique
: demeurer l'unique superpuissance, notamment en disposant des
énergies nécessaires au développement tout
en restreignant, autant que possible aux puissances potentiellement
rivales, l'accès à ces énergies.
Durant la guerre froide partagée l'arme nucléaire
a interdit le recours à la force. En revanche, entre la
première puissance militaire mondiale et les différents
pays pétroliers musulmans, totale est l'asymétrie
stratégique. Pour Washington la guerre redevenait la poursuite
de la politique - détenir un monopole énergétique
-par d'autres moyens.
A la fin des années 80, constatant que leurs besoins dépassaient
de beaucoup les ressources nationales, les Etats-Unis décidèrent
qu'ils ne pouvaient admettre de devoir s'en remettre à
l'extérieur pour des approvisionnements dont dépendaient
prospérité et rayonnement mondial. Déjà,
en 1956 - aux dépens des alliés français
et britanniques, et en 1973, en se détournant de l'Etat
d'Israël - Washington avait pris le parti de l'Egypte et,
indirectement, des gouvernements musulmans. Ce fut aussi le cas,
en 1994, en formant l'alliance croato-musulmane contre la Serbie
orthodoxe et en combattant pour la Grande Albanie. Au début
de la même décennie c'est encore avec l'Arabie Séoudite,
vieille alliée des Etats-Unis qu'était maintenu
le lien pétrolier le plus solide. Restait à accroître
encore la production pétrolière du royaume séoudien.
Et c'est dans ce but, initialement du moins, que les Etats-Unis
se sont engagés dans de coûteuses et incertaines
opérations de guerre.
|
a) L'occupation du
Koweït par l'Irak
|
Discrètement encouragée,
semble-t-il, par Washington, elle n'aurait été
qu'un prétexte pour s'en prendre au régime de Bagdad.
Washington cherchait sans doute à attribuer à Riyad
le contingent pétrolier d'un Irak aux velléités
par trop nationalistes. Mais, menée victorieusement, la
première guerre du Golfe a eu des conséquences
politiques et sociales inattendues. L'occupation prolongée
de l'Arabie Séoudite, terre des lieux saints, par les
importants contingents armés étrangers formant
la coalition anti irakienne, a provoqué un ressentiment
populaire dont bénéficieront ultérieurement
Oussama ben Laden et ses partisans.
Si la victoire des alliés, y compris les Séoudiens
et les Syriens, n'a pas entamé le crédit dont jouissaient
encore les Etats-Unis auprès des gouvernements arabes,
en revanche, le blocus économique imposé à
l'Irak, les bombardements sporadiques de ce pays, le survol permanent
de son territoire, les humiliations infligées à
sa population réduite à la misère et menacée
de famine, ont commencé à mobiliser les populations
musulmanes contre le " tortionnaire de l'Irak ", selon
une expression communément
utilisée à l'époque. Dès la fin des
hostilités, en mars 1991, les médecins irakiens
- certains d'entre eux formés en Grande-Bretagne - estimaient
qu'en raison de la destruction des systèmes d'adduction
d'eau, des centaines de milliers d'enfants périraient
au cours des prochains mois. Ajoutés aux destructions
des bombardements américains, les effets du blocus économique
auraient été la cause de plus d'un million de morts
prématurées : enfants, vieillards, personnes matériellement
démunies ne pouvant avoir recours au " marché
noir ". Pendant plus de dix ans les souffrances du peuple
irakien d'une part, le soutien des Etats-Unis à l'Etat
d'Israël d'autre part, ont dressé les populations
arabo-musulmanes contre le " grand satan américain
".
Tenant à conserver des relations avec Washington, la plupart
des gouvernements des pays musulmans se sont trouvés dans
une situation ambiguë, leurs populations versant dans un
intégrisme agressif et formant un vaste vivier où
recruter des fanatiques prêts à matérialiser
leur haine d'un Occident brutal, prédateur, impie, en
se transformant en explosif. Les attentats suicides dirigés
contre les Etats-Unis, leurs ressortissants, leurs intérêts
et leurs alliés, ont prouvé que l'Islam disposait
d'une puissance jusqu'alors inconnue et que le sacrifice d'un
petit nombre d'entre eux suffisait à neutraliser les imposants
appareils militaires, traditionnels et nucléaires, des
grandes puissances occidentales. (Voir, en Annexe, la liste des
attentats attribués à
Al Qaeda et aux mouvements qui se réclament d'un intégrisme
anti occidental militant).
Du point de vue de Washington, s'assurer un suffisant ravitaillement
des énergies fossiles était une démarche
rationnelle.
Néanmoins la première guerre du Golfe a été
une lourde erreur. En effet :
- Le bombardement de l'Irak y compris
sa population civile, le cruel traitement qui lui fut ensuite
infligé ont dressé contre les Etats-Unis une large
fraction du monde musulman.
- Ternie a été l'image
de l'Amérique, terre de liberté et du respect des
droits de l'homme affichant une morale qu'elle a été
incapable de respecter. Les exigences de la guerre ont eu raison
de ses grands principes d'autant que la main mise sur les ressources
énergétiques de l'Irak était le véritable
dessein de l'agression. Cet objectif n'ayant pas été
atteint, une seconde guerre allait s'avérer nécessaire,
celle-ci plus désastreuse encore que la première.
- La première guerre avait
déclenché une vague d'attentats, lesquels, en représailles,
ont engagé les Etats-Unis en Afghanistan. (Après
les attentats de Dar es Salam et de Nairobi, en août 1998
: 225 morts, plus de 5.000 blessés).
- Enfin des ressources nationales
considérables ont été absorbées par
ces guerres et par la lutte contre le terrorisme qu'elles ont
déclenché puis amplifié. Ces ressources
feront défaut dans la course à la toute puissance
que les Etats-Unis ont à disputer avec la Chine et l'Inde.
|
b)
Deuxième guerre du Golfe
|
Si au cours de la Première
guerre du Golfe, victorieuses, les armées de la coalition
ne sont pas entrées dans Bagdad pour y renverser le régime
de Saddam Hussein c'est sous la pression des alliés des
Etats-Unis. Ni Riyad, ni Ankara n'avaient intérêt
au chaos qui succéderait inéluctablement à
l'éviction du dictateur.
L'Arabie Séoudite - sunnite - redoutait le chiisme majoritaire
en Irak - que soutiendrait l'Iran - et Ankara craignait la création
d'un Kurdistan qui amputerait la Turquie d'une large fraction
de son territoire et de sa population. Seul Saddam Hussein, avec
sa poigne de fer, pourrait soumettre encore à la même
loi nationale, comme il l'avait fait depuis 1978, des populations
aussi antagonistes. Mais le régime inchangé, l'objectif
initial, disposer du pétrole et du gaz irakien, n'était
pas atteint. Une deuxième guerre s'imposait.
Le blocus économique et les bombardements sporadiques
de l'Irak participaient de la stratégie d'affaiblissement
préalable de Bagdad. Cette stratégie fut accompagnée
d'une campagne de dénigrement destinée à
préparer l'opinion à de nouvelles opérations.
Les Etats-Unis eurent recours à des procédés
qu'ils eussent sévèrement condamnés s'ils
avaient été pratiqués par d'autres : l'Irak
se réarmait, détenait frauduleusement des armes
de destruction massive, ou allait très prochainement en
détenir : il serait bientôt en mesure de menacer
les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ; il s'approvisionnait en
uranium au Niger, il était un repaire de terroristes et
Al Qaeda y déployait ses réseaux, toutes insinuations,
voire affirmations, ultérieurement démenties. Débarrassé
de Saddam Hussein, le
monde serait enfin plus sûr, déclarait-on à
Washington, où force est de constater qu'il n'a jamais
été aussi dangereux que depuis que les armées
étrangères occupent l'Irak.
Ruiné, détruit, son patrimoine saccagé,
l'Irak se voit imposer par l'occupant à la fois des dirigeants
et des institutions que rejette une fraction de la population.
Comme en Afghanistan où l'étranger, le même,
fait la loi, grande est l'instabilité. La Seconde guerre
du Golfe a conduit l'Irak à la guerre civile, les "
résistants " assassinant les " collaborateurs
" et menant la vie dure aux forces d'occupation. Celles-ci
ont eu recours, en représailles, aux pires violences,
les non combattants n'ont pas été épargnés,
les prisonniers ont été humiliés, torturés,
arbitrairement très longuement détenus et, partout
dans le monde, résonnent lugubrement les noms de prisons
d'exception : Guantanamo ou Abou Ghraib, tandis qu'à l'instar
de ce qui s'est passé en Yougoslavie, des tribunaux ad
hoc jugent et sanctionnent sans autre autorité pour le
faire que la loi du plus fort, militairement.
Menant une enquête auprès de 17.000 personnes, de
16 pays différents, répartis sur les cinq continents,
PEW, Centre d'étude américain sur le comportement
mondial vient de constater que, presque partout, l'anti-américanisme
domine. Seuls les alliés traditionnels des Etats-Unis,
la Grande-Bretagne et le Canada manifestentquelque indulgence
encore qu'avec la France, ils n'auraient pas apprécié
la réélection de M. G. Bush par un peuple "
rude et violent ". Que peuvent dire, sur le même sujet,
les populations musulmanes aux territoires militairement occupés,
bombardées, aux gouvernements imposés par le vainqueur,
régnant par les armes et l'arbitraire, renonçant,
aux dépens des musulmans, à tous les principes
moraux dont ils se réclament lorsqu'il est de leur intérêt
de le faire ? L'information circule, l'image télévisée
accuse, les écoles coraniques enseignent la vengeance.
Bien que très différents, ces peuples se voient
également persécutés et ce sentiments tient
lieu de ciment national, les dressant contre un Occident depuis
longtemps dominateur mais, en quinze ans, devenant chez eux,
en voulant y implanter ses murs, leur tortionnaire.
Ce qui explique que des milliers de candidats au suicide, collatéralement
meurtrier, combattent décisivement avec la seule arme
qu'ils possèdent : leur vie. Les formidables appareils
militaires et policiers occidentaux sont ainsi contournés
et c'est en laissant ces peuples s'auto déterminer, librement,
être maîtres de leur destin, quel qu'il soit, que
l'Occident cessera d'alimenter lui-même le terrorisme musulman.
Place financière où sont gérées d'importantes
fortunes créées par la rente pétrolière,
accueillante à la main d'uvre musulmane, tradition
impériale oblige, Londres devait se croire à l'abri
des manifestations du terrorisme, d'autant qu'on y spéculait
sur son pouvoir d'assimilation, le modèle social anglais
passant pour fortement attrayant. Mais, en dépit des dénégations
de Downing Street c'est bien la présence d'un important
contingent britannique au sud de l'Irak qui est la principale
cause des récents attentats londoniens. Le premier, terriblement
meurtrier et le second, délibérément neutre
et destiné à prouver que les mesures les plus spectaculaires
prises par le gouvernement n'empêcheraient pas les terroristes
de frapper lorsqu'ils le décideraient.
Quant à l'Egypte, alliée
des Etats-Unis qui l'aident à vivre entretenant des relations
avec l'Etat d'Israël, elle a été systématiquement
visée par le terrorisme musulman. Il démontre une
détermination totale s'en prenant, aussi bien à
ses coreligionnaires compromis avec l'Occident, qu'à ce
dernier.
*
* *
|
Le XXIème siècle, comme le
XXème siècle, sera-t-il celui d'incessants conflits
?
Hier, c'était l'Allemagne. Après la défaite
de la France en 1870 et la création de l'empire allemand
ont été réunies les conditions de deux guerres
mondiales. Au cours de la seconde, responsable de la " solution
finale ", l'Allemagne national-socialiste est aussi, indirectement,
à l'origine du renforcement des antagonismes au Proche-Orient,
la Communauté internationale, invoquant les souffrances
du peuple juif, n'ayant pas fait appliquer les Résolutions
242 (après la guerre en 1967) et 338 (après les
hostilités dites du Kippour) qui exigeaient le retrait
des territoires militairement conquis. De surcroît, à
peine était-elle réunifiée que l'Allemagne
mettait les Balkans à feu à sang afin d'effacer
toute trace politique de ses défaites. (Dislocation de
la Yougoslavie puis de la Tchécoslovaquie). |
Aujourd'hui,
ce sont les Etats-Unis qui ont pris le relais. Il ne s'agit plus
d'hégémonie en Europe, mais des exigences de la
pérennité de l'état de surpuissance, les
approvisionnements en énergie fossile en étant,
temporairement, un des moyens.
Les guerres provoquées par l'Allemagne ont été,
militairement parlant, des guerres symétriques, du moins
quant à la nature des armements. Les guerres menées
à l'initiative des Etats-Unis sont, à cet égard,
asymétriques. Ni la Science, ni l'Argent ne sont en mesure
de l'emporter sur le sacrifice humain et le terrorisme. D'ou
le désarroi général. Ce serait celui du
siècle si l'ivresse de la toute puissance longtemps dominante
ne le cédait pas à la sagesse : respecter l'autre,
lui permettre de conduire sa destinée telle qu'il l'entend,
laissant aux siècles l'homogénéité
planétaire.
|