DES JOURNALISTES EN IRAN |
octobre 2007
Nous avions rencontré Issa Saharkhiz en Iran le 28 décembre 2006. Contraint à résidence, il attendait à son domicile son incarcération pour purger une peine de quatre ans d'emprisonnement infligée par la Justice en raison de ses écrits. La situation n'a pas changé pour lui. Il refuse néanmoins de se soumettre à la menace de la prison et, dans l'article qui suit, monte à nouveau au créneau pour défendre ses confrères. Alain Chevalérias |
Le 6 octobre 2007, Soheyl Asefi était libéré de la prison d'Evin contre une caution de 100 millions de tomans (100 000 ). Après ceux qui travaillent dans les journaux, c'est au tour des journalistes écrivant pour les sites Internet persanophones basés à l'étranger de subir la répression.
Soheyl Asefi, avait été arrêté le 4 août 2007, jour de sa convocation au Tribunal révolutionnaire de Téhéran. Sans attendre, son domicile a été fouillé. Il était détenu dans la section 209 de la prison d'Evin (1) et ni sa mère, ni ses avocats n'ont le droit de le voir. Son père, interrogé officieusement et à titre consultatif par la police, avait pu le voir de loin à deux reprises. Ali Reza Jamshidi, le porte-parole du ministère de la Justice l'avait accusé d'avoir induit l'opinion en erreur en publiant des articles sur le site Internet " roozonline.com ". Basé aux Pays-Bas, ce site a été créé par un groupe de journalistes iraniens. Arrêtés et emprisonnés en Iran, une fois libres, ils avaient choisi l'exil en raison des mesures d'intimidations exercées par la Justice contre les journalistes réformateurs. Le Parlement de La Haye finance le site grâce à Farah Karimi, un député néerlandais d'origine iranienne. En dépit des pressions du gouvernement iranien et de certains groupes politiques néerlandais, le budget a été renouvelé. Ce soutien a permis le lancement de " Radio Zamaneh ", par une ONG néerlandaise et la création du site Internet " Shahrzad News " qui est consacré à l'actualité sur les femmes en Iran. Farshad Ghorbanpour, dont les notes et articles ont été confisqués, a lui aussi été incarcéré à la prison d'Evin, à un jour d'intervalle, mais pendant 28 jours avant d'être libéré en échange d'une caution de 50 millions de tomans (50 000 ) (1). Masoud Bastani avait déjà été arrêté auparavant, pour être condamné à la prison et à la flagellation. De nouveau incarcéré, cette fois en même temps que ses deux camarades, il a été interrogé par deux services différents des Renseignements iraniens. Il est accusé d'avoir travaillé pour le site "roozonline.com" et d'avoir donné des interviews à des radios américaines et à Radio Farda, media d'opposition basé à l'étranger. Nazi Azima, journaliste iranienne naturalisée Américaine, travaille aussi pour Radio Farda. En décembre 2006, elle s'était rendue en Iran pour voir sa mère malade. A son arrivée à l'aéroport de Mehr Abad, à Téhéran, son passeport lui a été confisqué et, pendant huit mois, elle a été retenue en Iran. Elle a finalement pu quitter le pays en échange d'une caution de 500 000 (1). Ali Aghasi, son avocat, précise que le dossier reste ouvert et qu'elle peut être convoquée par la Justice iranienne à n'importe quel moment. Le 8 mai 2007, Haleh Esfandiari et le 11 mai 2007, Kiyan Tajbakhsh, deux autres Iraniens devenus citoyens des Etats-Unis, ont été arrêtés. Ramin Jahanbaglou, pour sa part, a été emprisonné le 25 avril 2007. En juillet 2007, tous les trois ont accepté de faire des " aveux " diffusés sur la chaîne publique de la télévision iranienne. Puis ils ont quitté le pays après avoir été libérés sous caution. Ali Farahbakhsh, journaliste économique, a été condamné le 26 mars 2007 à trois ans de prison ferme. Il avait été arrêté le 27 novembre 2006, à son retour d'une conférence sur les Droits de l'Homme à Bangkok. Une dizaine d'autres journalistes travaillant pour des journaux ou des sites Internet, en langues kurde ou turque, ont aussi été interpellés. En Asie, l'Iran atteint des records en matière d'incarcération de journalistes.
Tout a commencé en 1997, quand Mohammad Khatami a été élu Président de la République, avec 80% des suffrages. Pendant son premier mandat, il a lancé une série de réformes politiques. Arrivant des deux grands quotidiens iraniens, " Kayhan " et "Ettelaat", des journalistes professionnels ont reçu des postes de direction au département de l'information, du ministère de la Culture, pour travailler à la libéralisation des médias. Un syndicat de la presse a été créé et des journalistes, qui avaient dû cesser de pratiquer leur métier dans les années 80, sont retournés dans les salles de rédaction.
Aussi aux élections municipales de 1999 et législatives de 2000, les conservateurs ont-ils essuyé des revers importants. Difficile à accepter à leurs yeux, ce sont les candidats soutenus par la presse qui avaient obtenu les meilleurs résultats. Ali Akbar Rafsandjani, ancien Président de la République, et Haddad Adel, actuel chef du Parlement, s'étaient alors retrouvés les derniers sur la liste des élus. En réponse, les conservateurs ont décidé d'instrumentaliser le pouvoir judiciaire pour harceler la presse. Rien ne leur était plus facile. En effet, en Iran, le chef de la Justice est nommé par le guide de la Révolution, Ali Khamenei, le coeur du pouvoir conservateur. Néanmoins, selon l'article 168 de la Constitution, les séances du " Tribunal de la presse " sont publiques et les décisions ne sont légales que prises par la majorité des jurés. Siégeant à la tête de ce tribunal de la presse, le juge, surnommé le " bourreau des médias ", a donc remplacé les jurés récalcitrants par des personnes plus attentives à ses souhaits. Il a alors pu commencer à fermer les journaux qui gênaient le pouvoir des conservateurs un par un. Là, mauvaise surprise pour les censeurs, à chaque fois qu'un journal baissait le rideau, un ou deux autres naissaient dans la foulée. Il a fallu l'intervention de Khamenei pour que les conservateurs atteignent leur objectif. Ainsi, en mars 2001, devant les Basidjis (2), le Guide a durci le ton. Résultat, en moins de 48 heures, douze journaux indépendants étaient fermés. En quelques semaines, plus de 150 publications ont dû mettre la clef sous la porte et des milliers de journalistes se sont retrouvés au chômage.
Issa Saharkhiz
(1) En Iran, un salaire mensuel de 400 est considéré
comme très bon. |
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