AU BORD DU GOUFFRE |
septembre 2007
Le 12 juillet 2007, deux ministres iraniens démissionnaient. Le ministre du Pétrole, Kazem Vaziri Hamaneh, et celui des Mines et de l'Industrie, Ali Reza Tahmassebi. Tandis que l'économie du pays s'effondre, Ahmadinejad est de plus en plus isolé à l'intérieur et sa politique aventureuse l'expose aux coups des États-Unis et d'Israël. Fin juin, éclataient des émeutes dans les rues de Téhéran puis dans les grandes villes de tout le pays. Des bandes de jeunes hommes incendiaient les stations services. Cause de cette colère, Ahmadinejad avait décidé de rationner l'essence à 100 litres par mois. Quelques jours plus tard, il baissait pavillon et acceptait une consommation mensuelle de 300 litres. Ahmadinejad avait pourtant de solides raisons pour imposer un rationnement de 100 litres. D'une part le pétrole représente la moitié des recettes de l'État et 80% des exportations du pays. Quand il n'est pas consommé sur place, il est exporté et procure des devises à l'État. Or, la consommation intérieure progresse de 5 à 10% par an. D'autre part, les capacités de raffinage de brut du pays sont insuffisantes. Aussi, paradoxe, Téhéran reçoit de l'étranger près du tiers de ses besoins en essence. Jusqu'ici, la manne pétrolière permettait de financer les excentricités du régime. Certes, 85% des usines de fabrication sont aux mains de fondations religieuses et de conglomérats gouvernementaux peu rentables parce que mal gérés. Cependant, au cours des ans, les Iraniens ont appris à satisfaire leurs besoins immédiats en multipliant les " petits jobs ". Pour le reste, le secteur privé compensait. Mais, le 24 mars 2007, prenant une nouvelle résolution, la 1747, le Conseil de Sécurité des Nations unies durcissait ses sanctions contre l'Iran dans le différend qui l'oppose à ce pays sur le dossier nucléaire. Parmi les restrictions les plus dures à encaisser par l'Iran, figuraient celles concernant les flux bancaires, les banques occidentales refusant désormais les lettres de change (1) émises en Iran. Pour contourner le dispositif, les hommes d'affaires iraniens utilisent les services des banques turques. Mais cela coûte cher. Résultat, l'économie s'effondre. Des usines privées ferment et les chefs d'entreprises vendent. Pour la seule ville de Chiraz, par exemple, en quelques mois, on compte une vingtaine de cas. Les vendeurs, quand ils le peuvent, s'expatrient avec l'argent en liquide dans leurs valises. Même les plus fidèles soutiens au régime s'inquiètent. Rencontrant le gouvernement, des diplomates de pays musulmans avaient remarqué les efforts des ministres pour marquer leur distance d'Ahmadinejad devant des tiers. Aujourd'hui, ils le quittent. Le Parlement, pourtant comme lui conservateur dans son écrasante majorité, refuse de voter les lois proposées par Ahmadinejad. Récemment, on apprenait la démission de hauts fonctionnaires. Des hommes venus avec la révolution islamique et qui ont blanchi pendant bientôt trente ans sous le harnais du régime. Arrivé en seconde place aux élections présidentielles, Ali Akbar Rafsandjani sent son adversaire en difficulté. A travers la presse ou dans les institutions, il multiplie les attaques, critiquant ses décisions et jusqu'à sa manière de gérer le dossier nucléaire. En Iran, on comprend la situation ne pouvant pas durer. Que peut-il donc se passer ? Certes Ahmadinejad a été élu au suffrage universel, mais il peut, comme Abol Hassan Banisadr (Bani Sadr), l'un de ses prédécesseurs, être déclaré incompétent par le Parlement. Encore faut-il, pour cela, l'acquiescement d'Ali Khamenei, clef de voûte du pouvoir et autorité suprême du pays.
C'est sans doute là que se posent le plus de questions. Car de deux choses l'une, où Khamenei désapprouve la ligne d'Ahmadinejad, et dans ce cas on se demande pourquoi il ne le désavoue pas. Ou bien, il est en accord avec lui et, en toute inconscience, le laisse mener le régime à sa chute. Certes, il existe une autre hypothèse
plausible, mais elle relève du machiavélisme
le plus achevé. Il pourrait s'agir d'un dérapage
contrôlé pour faire toucher à l'opinion radicale
le fond du puits. Dans ce cas de figure, Khamenei laisserait
Ahmadinejad conduire le pays au bord du péril. Avant la
chute finale, il dénoncerait alors "les excès"
du Président et provoquerait sa destitution. Le résultat serait, pour le régime, de perdurer tout en jouissant des fruits de la prospérité économique. Une solution à la chinoise en somme. Pas la meilleure à nos yeux. Reste la situation dans laquelle, l'hypothétique manoeuvre échouant, ou le régime se révélant trop obtus, la machine ne s'emballe. Les coups de sang des peuples ont toujours des motivations économiques. Même si Gorbatchev et Eltsine ont anticipé sur les événements, l'URSS est tombée à cause de cela. En Iran, les gens peuvent tout accepter, sauf de manquer du minimum vital. Or cette ligne rouge, dans peu de temps, pourrait être franchie. Par exemple si les Nations unies déclaraient un embargo sur le pétrole iranien. En attendant, Ahmadinejad est parti dans une spirale d'excès sans retour. Aux brimades contre les jeunes filles manquant dans leur tenue, selon les rigoristes, aux règles de l'islam, il ajoute une vague d'exécutions capitales. Au moins 151 personnes ont été pendues en public depuis le début de l'année (2).
(1) Une lettre de change est un document
émis par une banque. Elle permet d'assurer un paiement
d'un pays à un autre.
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