EN FRANCE |
novembre 2012
Le 8 octobre, Manuel Valls, le ministre de lIntérieur,
annonçait larrestation de 12 personnes de «
la mouvance islamiste radicale ». En dautres
termes des « salafistes ». Deux jours plus
tôt, lun deux avait été tué
les armes à la main au moment où la police venait
lintercepter. Répondant au nom de Jérémie
Louis-Sidney, cet homme de 33 ans est un converti à lislam.
Il est soupçonné davoir jeté une grenade
dans un marché kacher de Sarcelles le 19 septembre Les salafistes nauront pas pour autant disparu de France après ce coup de filet. Lorigine de leur idéologie est diffuse. Sous des noms divers, elle est lexpression dun islam rigoriste, exigeant une interprétation littérale du Coran et identifiée aujourdhui aux « compagnons du prophète » Mahomet. Doù la construction de ce substantif à partir du mot « salaf » qui signifie ancêtre. Au cours des derniers siècles, au XVIIIème, cest Mohammed Ibn Abdelwahhab qui relança ce que lon peut appeler le salafisme. Né en Arabie, il conclut une alliance avec une famille de bédouins, les Saoud, et grâce à elle, par le jihad, imposa sa vision radicale de lislam à la plus grande partie de la péninsule au sein dun État qui prit le nom du vainqueur. Apparaissant en Égypte au début du XXème siècle, les Frères musulmans furent dabord influencés par la doctrine dIbn Abdelwahhab avant daccepter à très petite dose une relative adaptation de leur dogme à la modernité.
En France, sur sept ou huit millions de musulmans, les salafistes ne représentent pas plus de 15 000 individus. Ils sont facilement repérables en raison de leur mode vestimentaire décalé et de leur port de la barbe, pour les hommes, de lusage du voile intégral et même de gants noirs pour les femmes. Au cours de discussions avec certains dentre eux, nous nous sommes aperçus quils ajoutaient des règles et des concepts étrangers à lislam ou émanant de courants historiquement marginaux. Leur fonctionnement sapparente à celui des sectes et saccompagne dune coupure du reste de la société. Certes, tous les salafistes ne sont pas des terroristes, mais le basculement dans la violence peut intervenir à tout moment, provoqué par une vision manichéenne du monde et encouragé par la culture du jihad diffusée sur Internet et dans certains milieux musulmans. Chez nous, le succès grandissant des salafistes devrait nous inquiéter. Ils tendent à recruter chez les jeunes musulmans déçus par les tenants de la mouvance des Frères musulmans, jugée trop accommodante avec les pouvoirs politiques. Ils attirent aussi à eux de non-musulmans. Sami Amghar, auteur de « Le Salafisme aujourdhui » (1), a remarqué la présence dun tiers de Français de souche au cours de lune de leurs conférences. On sinquiète dautant plus des propos de « spécialistes ». Enseignant à Sciences-Po Stéphane Lacroix, interviewé par « Le Figaro » (2), affirme, par exemple, que chez les salafistes « il y a aussi une mouvance jihadiste, mais (qu) elle est très minoritaire ». Il ne comprend pas lesprit islamiste radical : le passage à lacte, à nos yeux criminel, dépend dun ordre reçu. Un salafiste qui na pas rejoint « le chemin du jihad » nest pas plus pacifiste quun soldat en temps de paix. Pire, à deux ou trois reprises à la télévision, nous avons entendu relativiser le phénomène dendoctrinemement salafiste et jihadiste dans nos prisons. Pourtant ancien de la DGSE, Alain Chouet disait même, le 8 octobre sur TF1, que le prosélytisme y a baissé. Nous savons quau contraire, dans certains lieux dincarcération, les salafistes ont constitué une hiérarchie souterraine et contrôlent la vie de leurs codétenus (3), Aussi, au lieu de se contenter de réagir quand une boutique kachère est attaquée, les autorités feraient mieux de sen prendre aux origines du phénomène. Parce que des chrétiens, des musulmans ordinaires et de simples citoyens sont aussi menacés et attaqués. Mais de ceux-là, on parle moins ! (1) Éditions Michalon. |
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