est-il passé à lanti-France? |
décembre 2011
En dépit de ses efforts, on connaît
assez peu Yves Bonnet dans le grand public français. On
la néanmoins remarqué dans plusieurs émissions
dYves Calvi, « C dans lAir »,
souvent présenté comme un ancien directeur de la
DST. Il donne alors son avis sur la problématique terroriste
devenue un sujet incontournable en matière dactualité.
Son parcours mérite bien une page... Il va avoir à gérer un dossier épineux. Le 28 juillet 1981, Massoud Rajavi, le chef des Moujahidine-e-Khalq (MEK), sest enfui de Téhéran avec Aboul Hassan Bani Sadr, jusque-là Président de lIran islamiste. Tous deux, après avoir soutenu la Révolution, sont passés dans lopposition. Ils ont débarqué à Paris pour demander lasile politique. La France a alors un contentieux avec lIran autour du dossier Eurodif. Les Moujahidine, mouvement longtemps classé terroriste par lUnion européenne et encore par les États-Unis, sont un groupe armé qui se targue davoir commis plusieurs attentats mortels. Mitterrand voit en eux un moyen dexercer des pressions sur Téhéran. Il leur accorde non seulement lasile et la possibilité dorganiser leur base à Auvers-sur-Oise, mais aussi une protection policière et une série de lignes téléphoniques pour contacter leurs réseaux en Iran. Bonnet se retrouve en charge de la gestion des MEK. Il noue avec eux une étroite relation, quil entretient encore aujourdhui. Se terminant en 1985, son séjour à la DST sera bref. Néanmoins, plus dun officier garde un amer souvenir de son passage à « la Maison ». On lui reproche son manque de connaissance des dossiers sensibles et son amateurisme. Pour le premier point, 25 ans après, il a eu le temps dapprendre... en lisant les journaux. Quant à son amateurisme, jen ai moi-même pris la dimension au cours dune entrevue. Étant retourné à la carrière préfectorale, il avait été préfet de la région Champagne Ardennes, avant de se faire élire en 1993 député de la Manche, sous létiquette UDF, sans doute à la suite dune brouille avec Mitterrand. Il accepta alors de me recevoir à son bureau de lAssemblée nationale (1). Avec fierté il me décrivit sa prise de contact avec les services algériens, quand il dirigeait la DST. Il avait reçu le général Smaïn Lamari, patron du contre-espionnage, à lhôtel Crillon, place de la Concorde à Paris. Dune naïveté déconcertante, cest un véritable pacte liant la DST aux Algériens quil conclut. On en a froid dans le dos quand on connaît les comportements inhumains de cette clique de généraux qui écrase lAlgérie sous sa férule. Cette légèreté dans lappréciation de ses partenaires manque de lui coûter cher. Alors député, il se laisse séduire par un escroc notoire, Bruce Allet, dans une affaire de conservateur de nourriture. Manque de chance, les tests dessais sont truqués et la molécule active savère inefficiente. Allet nen a pas moins soulagé ses victimes de plus de 80 millions de francs. Comble de lignominie, le 26 novembre 1997, Bonnet est cuisiné pendant 48 heures par les hommes de la DST quil commandait quelques années plus tôt. Il se voit mis en examen pour complicité descroquerie. Certes, fin 2001, quatre ans plus tard, il sera blanchi par la Justice, mais le procureur lui reprochera « son manque de discernement ». Ce nest pas tout : ce dernier évoquera les nombreux voyages de Bonnet et dAllet au Moyen-Orient et en Afrique. Il parlera de « démarches douteuses » de « diplomatie parallèle ». Résultat de cet épisode, la carrière parlementaire de lancien patron de la DST est ruinée. Ses diverses retraites ne semblant pas lui suffire, il se lance dans la littérature. Il a publié son premier livre en 1993. Mais à partir de 1998, sa production augmente. Le ton change aussi. Il jette sur le marché « Mémoires dun patron de la DST », puis « De qui se moquent-ils ? » une attaque virulente contre les hommes politiques cités nommément. Après son épisode judiciaire, on comprend lhomme réglant ses comptes. Cette dérive va le conduire jusquà lintolérable. En 2003, il fonde le CIRET-AVT (Centre International de Recherche sur le Terrorisme et lAide aux Victimes). Beau programme, même si lon na jamais vu cette structure prendre un quelconque soin des « victimes ». En revanche, les noms des membres fondateurs du centre ne manquent pas (aussi orthographié Radjavi), le frère de Massoud Rajavi et lui aussi membre des Moujahidine-e-Khalq cités plus haut. Tout aussi intéressant, on remarque Mme Saïda Benhabiles, ancien ministre algérien et surtout membre du sérail des généraux. Étrangement, ladresse du Centre ne figure nulle part, même si on le dit « créé à Paris ». Il semble néanmoins plus algérien que français quand on observe le nombre dinterviews de Bonnet dans les médias algériens proches du pouvoir (5). Du reste, faisant preuve dun mimétisme dopinion étonnant avec les généraux algériens, Bonnet assène les mêmes poncifs queux. Cette position lui fera commettre une bonne action... par inadvertance. En mai 2011, le CIRET-AVT publie sous sa direction un rapport sur la problématique libyenne. Mesuré et réaliste, le document savère un bon travail dévaluation. À cela une raison, le régime algérien sinquiète des conséquences pour lui de lintervention de lOTAN tout en nourrissant une certaine rancune à légard du colonel Kadhafi. Au cours de ses interviews, cependant, Bonnet se rattrape. Dans le journal algérien « El Khabar », contre toute vraisemblance, il dit quun pays étranger pourrait être à lorigine de lassassinat dun chef de la rébellion, le général Abdel Fattah Younès, pour prendre le contrôle de celle-ci. Tout le monde pense à la France, compte tenu de son implication. Car voilà bien, désormais, la cible de ce bon Samaritain de la lutte contre le terrorisme : son propre pays ! Dans la tâche quil sest assignée, il trouve aux côtés des généraux dAlger le soutien dont il a besoin. En échange, il ne craint pas de donner dans lignoble pour soutenir la cause de ces derniers. Dans une interview accordée au journal algérien « el Moujahid », du 20 septembre 2011, contre lévidence, il affirme que les moines de Tibhirine ont été assassinés par les seuls terroristes et non avec la complicité des services de sécurité du pays. Abdelkader Tigha, un transfuge des services algériens, dit pour sa part que lopération sest déroulée avec le feu vert du général Smaïn Lamari, lami de Bonnet, comme ladmet publiquement ce dernier. En outre, Tigha présente Zitouni, le chef du commando islamiste, comme une recrue des services algériens. Ces jeux dangereux ont récemment coûté une déconvenue à ce pauvre Bonnet. Le 11 février 2010, le Tribunal de grande instance de Paris le condamnait « pour avoir diffamé publiquement Ehsan Naraghi, dans certains passages dun livre intitulé « Vevak au service des Ayatollahs », paru au mois davril 2009... » Dans ce livre, Bonnet sen était pris aux déserteurs des Moujahidine-e-Khalq, les accusant de collusion avec les services iraniens. Ehsan Naraghi, ancien fonctionnaire de lUNESCO, était mis dans le même sac. Comme ils le font systématiquement, dénaturant les décisions de Justice sur leurs sites (2), les Moujahidine ont affirmé Naraghi condamné par le tribunal. Tout cela pourrait passer pour de la broutille si, en se faisant le docile instrument des Algériens, Bonnet ne mettait pas en danger les intérêts de notre pays et la sécurité de nos concitoyens. Mais un lourd dossier est suspendu au dessus de nos têtes, celui de lAqmi (Al-Qaïda au Maghreb). De lui dépendent le sort des otages français et de notre indispensable approvisionnement en uranium au Niger (3). La France est donc directement concernée par la sécurité de la région du Sahel et principalement du Niger. Or, lAlgérie naime pas notre présence dans ce pays situé à sa frontière sud. Le 1er novembre 2010, le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, déclarait dans le journal « LExpression » : « On na pas besoin dun déploiement étranger au Sahel ». Créé le 21 avril 2010, le CEMOC (Comité détat-major opérationnel conjoint) apparaît comme le bras tutélaire quAlger tente détendre sur le Niger, le Mali et la Mauritanie (4). Il ne sagit pas pour nous denvisager une recolonisation de lAfrique, mais de savoir que nos intérêts doivent être protégés en collaboration avec les pays concernés et dans le respect de leur souveraineté. Dans ce cadre, nous ne pouvons pas compter sur lAlgérie des généraux qui se positionne toujours contre nous. Voilà pourquoi Bonnet, en
choisissant le camp dAlger, s'est dévoyé. Alain Chevalérias
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