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Le rendez-vous des civilisations Coécrit avec un autre démographe, Youssef Courbage, Le rendez-vous des civilisations est une réponse argumentée au concept belliciste de " choc des civilisations ". Pour ceux que l'on appelle aujourd'hui les néo-conservateurs, le monde musulman, surtout les Arabes, sont de par leur religion intolérants et archaïques, donc violents et inévitablement islamistes. Todd et Courbage ne nient pas le phénomène islamiste, ni les violences terroristes, mais refusant de s'enfermer dans l'actualité et l'émotionnel, ils puisent auprès des données démographiques les raisons d'une approche innovante et rationnelle. Ainsi est-on agréablement surpris de découvrir que nombre de pays musulmans présentent une fécondité qui se rapproche de celle de l'Europe. Nous parlons de la Tunisie, de la Turquie et surtout de l'Iran où l'on compte une moyenne de deux enfants par femme. Ailleurs, quand la fécondité dépassait parfois les six enfants par femme dans les années 60, elle s'est tassée en même temps que progressait l'alphabétisation des deux sexes. Les auteurs en tirent la conclusion, qu'après l'Europe et nombre de pays d'Asie, bien des Etats musulmans sont sur la voie de la modernité. Ce processus, estiment-ils, est même arrivé à son terme en Indonésie et en Asie centrale. En outre, pour eux, l'étude de la société et des structures familiales révèle que l'islam n'engendrerait pas plus de ségrégation sexuelle et de violence que les autres religions. Le Hezbollah, chiite, et le Hamas, sunnite, sont en effet avant tout des organisations politiques qui instrumentalisent la religion et non l'inverse. Pour Todd et Courbage, certains pays
musulmans sont pourtant en danger. C'est le cas du
Pakistan, où la fécondité baisse,
mais reste encore très élevée. A cela, s'ajoute
dans ce pays des tensions internes et de très lourds problèmes
sociaux qui expliquent la poussée
islamiste actuelle. D'autre part, les auteurs critiquent
la sévérité de l'Occident vis-à-vis
de l'Iran, qu'ils jugent à la fois plus stable et plus
moderne que le Pakistan, malgré les propos irresponsables
tenus par le Président Ahmadinejad. Allant plus loin encore, pour nos deux auteurs, le monde musulman serait en voie de " désislamisation ". Ils observent qu'en Europe, au XIXème siècle, et au Japon, au XXème siècle, la propagation de l'alphabétisation et la baisse de la fécondité ont rapidement entraîné un déclin de la religion. Aussi, compte tenu de la modernisation avancée de certains pays musulmans, ils pensent que l'islam va bientôt perdre du terrain en tant que religion. Dès lors quid de l'islamisme ? Ils soutiennent l'idée que l'islamisme serait une réaction passagère et désespérée face à l'absence de Dieu. Ils rappellent que le jansénisme, en France au XVIIIème siècle, fut dans une certaine mesure une réaction comparable à la perte d'influence, en cours, du christiansime. Le but était le même qu'aujourd'hui pour l'islamisme à l'égard de l'islam : refonder la religion. L'issue sera comparable, hier une déchristianisation, aujourd'hui une " désislamisation ". Bien sûr ces thèses peuvent
paraître osées, mais leurs auteurs n'en ont pas
moins le mérite de sortir des sentiers battus et de refuser
l'asservissement de la pensée dominante. Leurs propos
devraient au moins servir de base de réflexion. Denis Gorteau |
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