EN AFGHANISTAN ? |
juillet 2008
L'annonce de l'envoi de 800 soldats français en renfort pour l'Afghanistan a lancé le débat de l'opportunité de la présence militaire occidentale dans ce pays. Sur place, nous avons enquêté. À Mazar-i-Charif, cité historique du Nord, en apparence, le calme prévaut. Enclave de verdure écrasée par la chaleur de la steppe, elle semblerait pouvoir se passer de la présence des quelques centaines de soldats suédois ou allemands, qui résistent héroïquement à la rigueur du climat embusqués dans les quartiers climatisés de leur camp. Interrogés sur la présence militaire occidentale, la plupart des habitants, ici comme à Kaboul, s'en tiennent à une réponse de principe : " Aucune armée étrangère n'est la bienvenue sur la terre afghane ". Manière polie d'exiger un départ immédiat ? C'est la position déclarée des Taliban, en insurrection ouverte contre le gouvernement et les forces étrangères qui le soutiennent. Officiellement du moins, aux propositions d'un retour à la paix par la négociation, ils opposent une quasi fin de non-recevoir : " Partez et nous négocierons après ", rétorquent-ils. Or, ici, à Mazar-i-Charif, les Taliban, on connaît. Nous sommes dans le pays de l'Alliance du Nord. Résistance armée dominée par le modèle héroïque d'Ahmad Shah Massoud, celle-ci combattit près de six ans contre eux. On sait aussi le danger omniprésent. L'année dernière, cinq hommes, ont été arrêtés au moment des festivités du " Nao Rouz ", le jour de l'an hérité de la civilisation persane. Les cinq suspects sont Pachtouns, l'ethnie des Taliban, et la police les accuse d'avoir voulu susciter des troubles. Scène d'attentat à Kaboul Fantasme nourri par l'animosité ethnique ? Il ne semble pas. Au cours de l'année dernière, on a assisté à l'expansion des Taliban et de leurs alliés à travers le pays. Ils sont aujourd'hui présents dans le gouvernorat de Kapisa, à une cinquantaine de kilomètres de Kaboul, et loin de leurs bases, ils contrôlent trois des six districts de la région de Baghdis. Dans ces conditions, on comprend mieux le leitmotiv entendu à tous les échelons de l'autorité : " Les forces étrangères doivent partir le plus vite possible mais une fois la sécurité revenue ". Compte tenu de l'évolution de la situation cela peut durer longtemps !
De surcroît, de nouvelles difficultés surgissent pour le gouvernement sur le plan politique. Mis à l'écart du pouvoir, l'un des anciens leaders de la résistance contre les Soviétiques, Bourahnoudin Rabbani (ou Bourhanouddine Rabbani), a créé un nouveau parti, le " Jabah-e-milli " ou front patriotique. S'y retrouvent mêlés d'anciens communistes et des islamistes, tous n'ayant en commun que d'ambitionner de meilleures positions dans les structures du pouvoir. Or, dans sa propagande, Rabbani se montre agressif à l'égard des forces étrangères, allant jusqu'à les accuser de bombarder intentionnellement des populations civiles. Il oublie deux choses. D'une part ces Occidentaux, qu'il critique, sont intervenus à la suite du 11 septembre 2001, Ben Laden et ses hommes se servant de l'Afghanistan comme d'une base d'assaut contre les États-Unis. D'autre part, l'Alliance du Nord, dont il apparaissait comme l'un des principaux responsables, a combattu avec les forces occidentales pour chasser les Taliban du pouvoir. Enfin, point capital, l'aide au développement apportée à l'Afghanistan, bien qu'insuffisante, est visible sur le terrain. Résultat, la fièvre de la construction s'est emparée du pays et, dans les villes, la circulation atteint des niveaux de densité jamais connus ici. Mais il y a plus grave. En quête de moyens pour se donner de l'audience dans la population, Rabbani s'est allié avec l'Iran. Or, comme on le voit avec le Hezbollah au Liban, ou avec ses relais en Irak, Téhéran n'aide jamais gratuitement. Les responsables du régime iranien sont entrés dans une logique expansionniste et ils font de leurs alliés les " porte-flingues " de leurs ambitions impériales. Sauf à prendre le risque d'une fin brutale, Rabbani n'a aucune chance d'échapper à la règle. On voit dans quelles difficultés se trouvent les décideurs politiques occidentaux. D'un côté, les guette l'enlisement, face à une résistance armée de plus en plus pugnace. De l'autre, quittant le pays en catastrophe, ils laisseraient se développer un abcès purulent au flanc de l'Asie, permettant à Al Qaïda de retrouver ses sanctuaires et à l'Iran d'étendre son influence jusqu'à prendre le contrôle d'une partie du pays, voire du gouvernement. Voilà pourquoi il faut travailler à trouver une solution négociée avec les Taliban et les gouvernements de la région, tout en maintenant une forte pression militaire sur le terrain. Pour permettre l'instauration d'un gouvernement d'union nationale, des garanties de non-intervention des pays voisins et, sinon l'expulsion, au moins la neutralisation par les Afghans des gens d'Al Qaïda. Difficile, certes, mais pas impossible. De surcroît, en dépit de l'entêtement apparent des Taliban, plusieurs intermédiaires ont transmis des signaux tendant à prouver l'assouplissement des positions de certains d'entre eux. Alain Chevalérias |
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