EN GRAND CALIFE |
avril 2012
Salah Bardawil, membre du bureau politique du Hamas palestinien, a déclaré au journal britannique le « Guardian » en parlant dIsraël et de lIran : « Si il y a une guerre entre les deux puissances, le Hamas ny prendra pas part ». Cette prise de position est en cohérence avec dautres faits : le soutien déclaré de Hamas à la révolution syrienne contre le régime de Damas *, allié de lIran, et le transfert de la capitale syrienne au Qatar, du siège du représentant de ce mouvement à létranger, Khaled Mechaal. Le rôle du Qatar nest pas sans importance. Depuis le 15 janvier dernier, Tariq Ramadan est devenu le directeur du « Centre de recherche pour la législation islamique et léthique » (le CILE). On sait Ramadan le petit-fils de Hassan Al-Banna, le fondateur en 1929 des Frères musulmans. Il a dit le CILE appelant à de nouveaux objectifs « en matière déthique appliquée islamique, en offrant une nouvelle méthodologie qui nous permette de passer de la réforme de ladaptation à la réforme de la transformation ». Dans un style très académique, Tariq Ramadan dit en fait que de lislam adapté vaille que vaille à la modernité et pratiqué par de plus en plus de musulmans, le CILE veut passer à une réforme savante inscrite dans les textes. En islam, on appelle cela « lijtihad » ou effort dinterprétation. A la première analyse, on est tenté de saluer la bonne volonté apparente de Ramadan. Il y a cependant un hic. Cet universitaire aux accents de prédicateur na rien dun modéré. Sous des formules enveloppées, dans le droit fil des Frères musulmans, il veut lapplication de la charia. Tout juste est-il prêt à arrondir les angles pour rendre son application moins rugueuse. Cest là que le rôle du Qatar devient important. Lémir entretient une relation forte avec les Frères musulmans. Dune part il finance la chaîne Al-Jazeera dont la direction et les journalistes, pour la plupart, appartiennent à la Confrérie. Dautre part, lors des révolutions arabes, il a systématiquement privilégié les Frères musulmans, voire des groupes islamistes un peu plus radicaux, au détriment de courants laïcs et libéraux. Les manoeuvres de lémir ne sont pas sans conséquences pour la France. À travers Ramadan, qui jouit dune forte audience auprès des jeunes musulmans de nos périphéries urbaines, le Qatar peut influencer, en bien comme en mal, cette population. Lémir a déjà dévoilé son jeu dans cette direction : en décembre dernier (2011), il a promis de financer un fonds de 50 millions deuros destiné à soutenir « des projets économiques portés par les habitants des banlieues ». Dans ce jeu, Nicolas Sarkozy a un rôle. Comme sil ne voulait pas laisser laubaine tomber dans les mains dun autre que lui, il a prié lémir dattendre le résultat des élections présidentielles françaises pour concrétiser son projet. Dans le Golfe arabo-persique, une rumeur circule même disant que si Sarkozy devait quitter lÉlysée, il deviendrait ambassadeur itinérant du Qatar. Cette annonce, fût-elle fausse, a au moins le mérite dillustrer limportance des liens tissés entre lémir et notre cher Président. Ces relations sont du reste devenues évidentes quand on a vu les deux hommes travaillant main dans la main à la chute de Kadhafi. Reste à se demander jusquoù peut aller le Qatar dans sa prétention de grenouille qui veut atteindre la taille du boeuf. Sa force se réduit en somme à sa puissance financière, assurée par lexploitation des hydrocarbures. Avec ses 11 000 km2 de superficie, léquivalent de deux départements français, et une population dun million et demi dhabitants, il fait cependant figure de nain. Plus grave pour lui, dans lunivers islamique, il ne représente rien en termes de légitimité historique ou religieuse. Or, et cest sans doute sa principale difficulté, dans lenvironnement sunnite, il fait face à des poids lourds : lArabie Saoudite, détentrice des deux principaux lieux saints de lislam, et la Turquie islamiste qui, nostalgique de lEmpire ottoman, rêve détendre son influence sur tout le monde arabe. Ces deux pays, et ils ne sont pas les seuls, feront tout pour savonner la planche au Qatar. Ne boudons cependant pas les aspects positifs du rôle du Qatar : il va ouvrir une brèche dans le dogmatisme islamique. Un raz de marée pourrait suivre. En outre, appelant à lui les sunnites ulcérés par le comportement des Israéliens, il empêche lIran chiite de sarroger le titre de seul défenseur des Palestiniens. Alain Chevalérias
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