|
12 janvier 2009
En dépit de l'avalanche d'articles et commentaires produits depuis le début de l'offensive d'Israël contre Gaza, le 27 décembre 2008, certains aspects de l'affrontement semblent échapper au plus grand nombre des médias. Nous allons en éclairer quelques-uns en répondant à cinq questions. Pour justifier le déclenchement de son offensive militaire, le 27 décembre 2008 contre Gaza, Israël a accusé Hamas d'avoir rompu le cessez-le-feu du 19 juin. Ceci a été répété par la plupart des médias comme un fait acquis. Pourtant, le 21 novembre, " Guysen International News ", un journal en ligne parrainé par Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix, et Yona Metzger, grand rabbin d'Israël, disait : " " Les dernières vagues de tirs de Qassam sont la conséquence de nos activités, qui ont abouti à la mort de 20 terroristes du Hamas ", affirme Ehoud Barak (NDT ministre de la Défense d'Irsaël) ". (http://www.guysen.com/archive-news.php?date=20081120&ligne=84) Prouvant bien qu'il ne s'agit pas d'une erreur de communication, cette interprétation des faits est confirmée par Richard Falk, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des Droits de l'Homme dans les territoires palestiniens, dans son communiqué publié le 9 décembre. Il a écrit : " La récente flambée de violence a éclaté après une incursion israélienne qui a tué plusieurs supposés militants palestiniens à l'intérieur de Gaza ". Quelques lignes plus haut, il avait déjà dit : " Il faut noter que la situation a empiré au cours des derniers jours en raison de la rupture du cessez-le-feu entre Hamas et Israël, qui avait été respecté par les deux parties pendant plusieurs mois. Ce cessez-le-feu avait été accepté par Hamas en dépit des manquements d'Israël à des obligations, auxquelles il avait souscrit selon l'accord, concernant l'amélioration des conditions de vie de la population de Gaza ". La version originale, en anglais, du communiqué de Richard Falk, est accessible sur le site Internet des Nations Unies (Gaza: Silence is not an option) et traduit en français sur notre site. Du reste, dans son édition du 27 décembre, " Le Monde " lui même écrivait dans une brève chronologie : " 2008 : Le 19 juin, un cessez-le-feu de six mois conclu sous l'égide de l'Egypte entre en vigueur. Le 5 novembre, la trêve est rompue après une incursion israélienne pour détruire un tunnel ". Difficile d'imputer la responsabilité de la rupture du cessez-le-feu au Hamas après ces témoignages.
On comprend aisément qu'un territoire abritant une telle proportion de population ne peut pas couvrir ses besoins élémentaires en eau et surtout en nourriture. Aussi, Gaza dépend-il de l'étranger pour sa subsistance quotidienne et, d'abord des importations de son principal voisin, Israël. On pourrait faire le reproche aux Palestiniens d'avoir laissé grimper sans précaution leur nombre. Comme nous allons le voir, la vérité historique est cependant différente. Le 29 novembre 1947, le plan de partage des Nations Unies avait réparti entre Juifs et Arabes la Palestine, territoire sous mandat britannique depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Les Juifs s'en voyaient accorder la moitié et les Arabes, ou Palestiniens, comme on désignait les chrétiens et les musulmans natifs du pays, l'autre moitié. Le territoire de la Bande de Gaza descendait alors loin vers le sud, longeant la frontière égyptienne, et remontait au nord d'Ashkelon, qu'il englobait. En 1948, à peine les forces britanniques eurent-elles quitté la région, que la guerre se déchaîna entre le jeune Etat d'Israël et les pays arabes. En 1949, quand à la suite d'une série d'armistices la paix revint, Israël avait annexé la moitié des territoires revenant aux Arabes. La Bande Gaza se voyait pour sa part amputée des trois quarts de sa surface (voir carte ci-dessous).
Tout cela ne s'est pas passé sans douleur. Repoussés par l'armée israélienne, abandonnant leurs villages et tous leurs biens, par milliers les Palestiniens sont allés se réfugier dans le réduit de Gaza, ou plutôt le quart restant, faisant grimper la densité de sa population. Les naissances à venir allaient amplifier le phénomène de surpopulation.
Moshe Dayan, alors ministre de la Défense d'Israël, a dit en avril 1969 : " Des villages juifs ont été construits à la place des villages arabes... Il n'y a pas un seul endroit construit dans ce pays (Israël) qui n'ait pas eu une ancienne population arabe ". Pour se défendre, les Israéliens disent la rétention des terres palestiniennes justifiée par leurs besoins d'espace pour la population juive. Pour Gaza, l'argument tient mal. Quand, comme nous l'avons vu, dans ce réduit on compte 4 166 habitants au km2, sur le territoire d'Israël, la densité de population n'est que de 338 habitants au km2. En clair la densité de population d'Israël est 12 fois moins élevée que celle de Gaza.
3/ Gaza est-il un ghetto ou ressemble-t-il " de plus en plus à un grand camp de concentration ", comme vient de l'affirmer le cardinal Renato Martino, président du Conseil du Vatican pour la Justice et la Paix ? L'usage de ces mots, ghetto et camp de concentration, s'avère difficile compte tenu de la charge émotionnelle qu'ils contiennent. La seconde locution, surtout, car elle évoque le génocide mené contre les Juifs par les nazis. Au-delà de l'usage déclamatoire de ce moment de l'Histoire à des fins politiques, on ne peut oublier les blessures de mémoire des individus, l'effroi conservé par les survivants, la douleur de ceux qui ont perdu leurs proches. Néanmoins, que disent les définitions des mots " camp de concentration " et " Ghetto " ? Nous lisons dans le Grand dictionnaire
encyclopédique Larousse : " Camp de concentration
: camp dans lequel sont rassemblés, sous la
surveillance de l'armée ou de la police, soit des populations
civiles de nationalité ennemie, soit des minorités
ethniques ou religieuses, soit des prisonniers de droit commun
ou des détenus politiques ". Plus loin, au mot " ghetto ", le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse nous dit : " Ghetto : Quartier habité par des communautés juives ou, autrefois, réservés aux Juifs dans certaines villes, en particulier en Europe orientale ". Dès l'Antiquité, les communautés juives se sont isolées au sein des cités, d'abord pour sauvegarder leur identité, dans ce qu'elles appelaient des ghettos, du mot " ghet ", nom donné en hébreu à la lettre que donne l'homme qui divorce de sa femme, pour permettre à celle-ci de se remarier. L'idée de séparation des " autres " apparaissait clairement. Plus tard, en Europe, les autorités chrétiennes ont confiné les populations juives dans des espaces réservés qui ont gardé le nom de ghettos. Néanmoins, quand on use de ce mot, c'est l'image du Ghetto de Cracovie, ou plus tristement célèbre de Varsovie, qui vient à l'esprit. Or, que se passa-t-il dans ce dernier lieu ?
Certes, à Gaza, l'issue finale n'est pas la déportation pour les camps de la mort. Néanmoins, on ne peut nier des ressemblances frappantes entre la situation de Gaza et le Ghetto de Varsovie. Que l'évocation de ces similitudes soit invivable pour un Juif, nous le comprenons. Voilà pourquoi il faut dire que Gaza ressemble à un ghetto avec mesure. Mais le dire quand même, pour que les partisans de la politique d'Israël comprennent que, là-bas, en Palestine, l'Etat hébreu a dépassé depuis longtemps les limites du tolérable. Imaginons qu'ils parviennent, comme ils le souhaitent, à détruire l'infrastructure du Hamas. Dans des termes militaires, à " neutraliser " tous les combattants et les dirigeants, les capturant ou les tuant. En quelques mois, une nouvelle génération de combattants surgirait, dopée par le désir de vengeance, plus déterminée et plus impitoyable encore que ses prédécesseurs du Hamas. Pour réduire le soulèvement palestinien, il n'existe que la méthode allemande de l'extermination ou celle de la négociation. Pour la première, nous osons espérer que les Israéliens ne l'envisagent pas. Pour la seconde, ils répondront avoir déjà tout essayé. C'est faux. Et ils le savent. Capturé et détenu comme otage depuis le 25 juin 2006, Guilad Shalit est entre les mains du Hamas, détenu quelque part dans la Bande de Gaza. Les décideurs israéliens ont-ils envisagé qu'au cours d'un bombardement ils pourraient le tuer ? Ont-ils pensé que dans un geste de colère, ses geôliers pourraient l'exécuter ? L'ampleur de leurs attaques nous fait penser qu'ils ont atteint un degré d'insensibilité dépassant ces préoccupations. Tactiquement, pour eux, l'idéal serait de tomber sur la cache où le Hamas garde Shalit. Ils donneraient une raison humaine à leur attaque de Gaza et feraient oublier en partie le nombre de morts palestiniens. Mais ils ont bien peu de chances d'y parvenir. Le pire, pour eux, serait que le Hamas,
dominant son désir de revanche et pour se donner une bonne
image, s'efforçât de préserver la vie de
Shalit et de lui procurer, en matière de sécurité
et de confort, ce dont manquent les habitants de Gaza.
Le rendant quelques semaines après les combats à
la liberté, il ferait la preuve de sa force et de la discipline
de ses troupes. Il sortirait grandi de l'affrontement et l'image
d'Israël se verrait une fois encore écornée. Dans cette offensive contre Gaza, Israël n'a rien à gagner, mais tout à perdre. Dans l'impossibilité de marquer des points sur le plan politique par la force, l'Etat hébreu perd un peu plus en crédibilité et en image de marque dans le reste du monde. De surcroît, il fait monter la haine contre lui, mais aussi contre les Juifs, et dans une certaine mesure l'Occident, en tête les Etats-Unis. En d'autres termes, il agit comme un accélérateur du terrorisme. Si Israël veut survivre, il n'a pas d'autres solutions que de devenir un Etat comme les autres : respectueux des règles internationales et des autres peuples. Alain Chevalérias |
www.recherches-sur-le-terrorisme.com |