INTERVIEW DE MANAF AL-RAOUI
Chef d'Al-Qaïda pour la région de Bagdad

Traduction de l'interview diffusée en arabe par la chaîne Al-Arabiya le 14 mai 2010 sous le nom de
"L'industrie de la mort "

Manaf al Raoui
Manaf al Raoui, interview avec Al ArabiyaM
anaf Al-Raoui, de nationalité irakienne, est né à Moscou en 1975.
Il a rejoint les rangs d'Al-Qaïda en 2003. Il dirigeait les attaques terroristes menées dans la région de Bagdad et envoyait les kamikazes à la mort. Arrêté le 11 mars 2010, il est actuellement détenu par les autorités irakiennes.

L'interview accordée à la chaîne saoudienne Al-Arabiya nous permet de mieux comprendre le fonctionnement des réseaux terroristes d'Al-Qaïda.

 

COMMENTAIRE

Petite mise en perspective. On peut remettre en question la valeur d'une interview réalisée auprès d'un détenu. Certains vont même jusqu'à l'estimer contraire à l'éthique journalistique. Les médias les mieux établis, comme la BBC, se sont pourtant livrés à cet exercice. D'autre part, ne pas faire appel à cette possibilité reviendrait à se priver d'une source d'information. Il suffit, croyons-nous, d'une part pour l'auditeur ou le lecteur, de garder en mémoire la situation de dépendance juridique de la personne interviewée. D'autre part de ne pas accepter que le document réalisé puisse servir afin d'alourdir la condamnation de cette dernière.

Le journaliste a relativement bien conduit l'entretien. Nous lui reprocherons cependant de ne pas se mettre suffisamment à la portée de son interlocuteur. En outre, nous aurions aimé savoir où ce dernier a été éduqué et, surtout, quand il est rentré en Irak, sa biographie le disant né à Moscou. Une vieille habitude de journaliste de la guerre froide nous colle encore à la peau.

Le profil psychologique de Manaf Al-Raoui surprend. Il ne correspond pas aux deux profils habituels : celui du fou de guerre proférant des " Allah ou akbar " à longueur de conversations ou celui du prédicateur retors aux yeux de braises.

Primaire, lourd même, il a du mal à conceptualiser ses motivations. Manquant de profondeur de réflexion, il se retranche sur des convictions simples. Pris dans ses contradictions, il ne parvient pas à expliquer sa démarche. Par exemple, il se révèle incapable de donner une justification aux attentats perpétrés contre des civils.

Sa relation à la mort demeure par ailleurs ambiguë. Interrogé par le journaliste sur l'éventualité de finir sa vie en kamikaze, il répond : " Je n'ai pas cette disposition ", accompagnant ses propos d'un sourire difficile à interpréter, de la part d'un organisateur d'attentats suicides. Du reste, il avoue ne pas être prêt à mourir exécuté, conformément au jugement prononcé.

Abou Ayoub Al Masri ou Abou Hamza Al Mouhajer, photo distribuée par les forces irakiennes. Dans l'organisation d'Al-Qaïda en Irak, Al-Raoui occupait officiellement la position de gouverneur de Bagdad pour l'insurrection. Ce titre prestigieux cache mal la modestie de ses fonctions. Il ne faisait que recevoir les ordres d'attentats du chef d'Al-Qaïda pour l'Irak, Abou Ayyoub Al-Masri, (photo) et les transmettaient à l'échelon inférieur, les exécutants.

 

Zarkaoui sur une vidéo de propagandeAbou Ayyoub Al-Masri, comme l'indique son nom, en réalité un pseudonyme, vient d'Égypte. Son prédécesseur, Abou Moussaab Al-Zarkaoui, était pour sa part jordanien. Les deux derniers chefs d'Al-Qaïda en Irak n'étaient donc pas irakiens. En outre, comme le confirme Al-Raoui, " il y avait des Irakiens, des Syriens, des Saoudiens et des Yéménites " parmi les kamikazes. Enfin il l'avoue, il disposait de grosses sommes d'argent pour réaliser les attaques, chacune d'entre elles représentant un budget de 100 à 150 000 $. Or les fonds ne manquaient pas et, comme les kamikazes, transitaient par Mossoul, dans le nord de l'Irak et sur la route de la frontière syrienne.

Tous ces éléments tendent à prouver que les groupes d'Al-Qaïda ne jouissent que d'un très faible soutien en Irak. Le mouvement, pour perdurer dans ce pays, dépend des kamikazes, des cadres et de l'argent importés de l'étranger.

Cette carence du soutien de la population locale est compensée par un haut degré d'organisation : d'abord dans la répartition des missions, chacun se limitant à une tâche, ensuite dans la discipline imposée et enfin dans le cloisonnement entre le commandement supérieur et la base. Al-Raoui, par exemple, n'a jamais rencontré son chef, Abou Ayyoub Al-Masri, sinon au cours des combats de Falloujah, il y a six ans. Autre exemple de précautions très " professionnelles ", Al-Raoui confesse ne jamais avoir communiqué par téléphone et ne même pas en avoir un.

Nous tirons de ce document deux conclusions : Al-Qaïda a du mal à recruter en Irak, mais en revanche, sa capacité organisationnelle en fait un adversaire redoutable sur le long terme. Voilà pourquoi Al-Raoui est inquiétant. Parce qu'il existera toujours des hommes comme lui, capables de commettre les pires atrocités sans passion. Les activistes les plus difficiles à détecter dans la lutte contre le terrorisme.

TRADUCTION DE L'INTERVIEW

Rima Salha (présentatrice) : Manaf Al-Raoui, responsable d'Al-Qaïda de la région de Bagdad, un homme mystérieux dont l'arrestation a permis de localiser Abou Ayyoub Al-Masri et Abou Omar Al-Baghdadi. Nous allons découvrir qui est cet homme, Al-Arabiya a eu une interview exclusive avec lui en prison.

UN MILITAIRE : Le 11 mars 2010, une unité de la Force 54, la brigade "6 ", en coordination avec la cellule de renseignement formée sous l'égide de son excellence le Premier ministre (NDT Nouri Al- Maliki), commandant en chef des forces armées (1) a réussi à arrêter celui qui se présente comme le gouverneur de Bagdad pour l'organisation terroriste Al-Qaïda , Manaf Abdelrahim Al-Raoui, alias Falah Abou Haïdar. Ce terroriste est né à Moscou en 1975, il a rejoint l'organisation terroriste d'Al-Qaïda en 2003. Il fut intronisé en 2008 gouverneur de Bagdad, par le terroriste Abou Omar Al-Baghdadi, qui a été tué depuis. Ses actes criminels étaient concentrés entre Bagdad et la région d'Al- Anbar. D'une part, il a directement supervisé l'assassinat du député Hareth al Obeidi. D'autre part : il dirigé la tentative d'assassinat du ministre du Plan à l'aide d'un véhicule piégé conduit par un commando-suicide de nationalité arabe, à At-Tahrir. Enfin, il a organisé les attentats menés contre les ministères des Affaires étrangères, des Finances, de la Justice, le Conseil de la région de Bagdad, l'école de droit d'Al-Waziria et le tribunal de cassation de Zawra'.

Journaliste: Chers auditeurs nous allons vous présenter une interview d'un émir d'Al Qaeda, responsable du district de Bagdad. (NDT : à Al-Raoui) Tout d'abord, présentez-vous à nos auditeurs et dites-nous quand vous avec commencé vos activités en tant qu'émir dans l'organisation (NDT : d'Al-Qaïda)?
MANAF AL-RAOUI : Je m'appelle Manaf Abdelarahim Abdelhamid, j'ai commencé mes activités à la chute de Saddam, c'est à dire vers la fin de 2003 et au début de 2004.

Q : Quelle était alors votre mission ?
MANAF AL-RAOUI : Notre action était de combattre les Américains. J'ai participé à des combats dans la région d'Al-Anbar, j'ai aussi participé aussi … (NDT : Il est coupé).

Q : Que faisiez-vous avant la chute de Saddam ?
MANAF AL-RAOUI : J'étais fonctionnaire au ministère de l'Industrie.

Q : Apparteniez vous à un parti politique?
MANAF AL-RAOUI : Non !

Q : Comment en êtes-vous venu à l'action militaire?
MANAF AL-RAOUI : Un ennemi kafir (2) avait envahi un pays musulman, l'Irak... la majorité des gens est de cet avis.

Q : C'est à dire piéger des lieux publics ou poser des explosifs parmi la population et tuer des gens innocents, selon vos principes, parce que ces gens sont des koufar (2)?
MANAF AL-RAOUI : Non, moi je veux dire par là, les Américains

Q : Ensuite.
MANAF AL-RAOUI : J'ai été arrêté.

Q : Quand était-ce ?
MANAF AL-RAOUI : J'ai été arrêté le 15 juin 2004 et détenu par les Américains. Je suis resté environ 3 ans et demi en prison à Abou Ghraib (3) puis à Buka et enfin à l'aéroport. Vers la fin de 2007, au mois de novembre j'ai été relâché.

Q : Comment avez-vous repris votre action?
MANAF AL-RAOUI : Grâce à quelqu'un que je connais et qui a assuré le contact...

Q : Aviez-vous fait sa connaissance en prison ?
MANAF AL-RAOUI : Oui je l'ai connu en prison.

Q : Donc vous vous êtes mis d'accord, une fois libérés, de travailler ensemble ?
MANAF AL-RAOUI : Non, car lui est sorti avant moi, il avait un contact. Quand j'ai été libéré à mon tour, j'ai cherché son numéro et grâce à lui j'ai eu le contact avec le responsable de Bagdad.

Q : Qui était le responsable de Bagdad ?
MANAF AL-RAOUI : Il s'appelait Hajj Abdelwahed.

Q : Abdelwahed était l'émir de Bagdad.
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Comment êtes vous devenu émir?
MANAF AL-RAOUI : C'est-à-dire comment je l'ai remplacé?

Q : Oui !
MANAF AL-RAOUI : Je l'ai remplacé parce qu'il avait abandonné le travail, il a été marginalisé

Q : Qui vous a nommé émir de Bagdad ?
MANAF AL-RAOUI : Abou Hamza et Abou Omar.

Q : Quand est-ce que vous les avez rencontrés et comment ?
MANAF AL-RAOUI : Je ne les ai pas rencontrés après ma sortie de prison. J'avais seulement vu Abou Hamza pendant la première guerre de Falloujah (3).

Q : Abou Hamza c'est Abou Ayyoub ? (4)
MANAF AL-RAOUI : Oui, je l'ai rencontré à Falloujah. Il me connaît.

Q : Donc après votre sortie de prison vous ne les avez pas rencontrés.
MANAF AL-RAOUI : Non !

Q : Il vous a nommé émir sans vous rencontrer !
MANAF AL-RAOUI : Oui !

Q : Comment cela s'est-il passé ? A qui avez-vous prêté allégeance ?

MANAF AL-RAOUI : A ceux qui étaient en place.

Q : Est-ce que vous élaboriez vous-même les plans d'attaques menés à Bagdad ?
MANAF AL-RAOUI : Nous recevions des ordres, les ordres d'Abou Hamza.

Q : Comment receviez vous ces ordres ?
MANAF AL-RAOUI : Par courrier.

Q : Par courrier écrit.
MANAF AL-RAOUI : Oui, et nous à notre tour nous les transmettions.

Q :
Y avait-il des opérations dont vous n'étiez pas responsable ?
MANAF AL-RAOUI : Oui, il y a certaines opérations dont nous n'étions pas les auteurs.

Q : Par exemple ?
MANAF AL-RAOUI : Comme les derniers attentats à Bagdad. Ce n'est pas nous qui les avons exécutés. Ou l'explosion qui a eu lieu après la frappe de mardi à Barkat, contre les garages de la zone verte... Ce n'est pas nous. Les attentats qui ont eu lieu mercredi dans le quartier Nidal, et dans Charjah, ce n'est pas nous non plus.

Q : Vous ne savez pas qui en est l'auteur ? Vous devez bien le savoir car chacun a sa méthode ?
MANAF AL-RAOUI : Oui, mais il y a d'autres groupes qu'Al-Qaïda sur le terrain. Il y a Ansar al Islam, Dir'i al islam, la Naqchibandiah, Al Jeich Al-Islami, Hamas de l'Irak, Kataëb Salaheddine etc...

Q : Et ils ne sont pas en relations avec Al-Qaïda ?
MANAF AL-RAOUI : Non !

Q : Comment vous arrivait le courrier ?
MANAF AL-RAOUI : Transmis par des coordinateurs.

Q : Et comment vous parvenait le financement ?
MANAF AL-RAOUI : Pareil par courrier.

Q : Avec quelle fréquence receviez-vous cet argent : toute les semaines, tous les mois?
MANAF AL-RAOUI : C'était selon les besoins. J'estimais la somme d'argent dont j'avais besoin, je faisais une demande par écrit et on m'envoyait la somme entière d'un seul coup, ou parfois, en plusieurs paiements

Q : Combien dépensiez-vous à l'échelle du groupe avec lequel vous travailliez ?
MANAF AL-RAOUI : Il n'y avait pas de somme précise.

Q : Comment vous étiez le gouverneur de Bagdad !
MANAF AL-RAOUI : D'accord mais un montant précis, je ne saurais vous le dire.

Q : Approximativement.
MANAF AL-RAOUI : Chaque opération complète nous coûtait entre 5 à 10 " cahiers ".

Q : C'est à dire 100 à 150 mille dollars (5).
MANAF AL-RAOUI : Oui moi je calcule en cahier.

Q : L'argent vous était envoyé par courrier. Existait-il, d'autres moyens ? Par exemple en vous faisant parvenir des biens à vendre...
MANAF AL-RAOUI : Non, l'argent nous était envoyé par courrier (6).

Q : Durant tout cette période vous étiez basé à Bagdad. Avez-vous quitté Bagdad ?
MANAF AL-RAOUI : Non, je suis resté tout le temps à Bagdad.

Q : Avez vous mené des opérations à l'extérieur de Bagdad ?
MANAF AL-RAOUI : Non je n'avais pas le droit d'agir en dehors de Bagdad.

Q : Avez vous commis des assassinats ou simplement des attentats à l'explosif ?
MANAF AL-RAOUI : Les assassinats étaient exécutés au niveau des secteurs. Cela ne relevait pas de ma responsabilité.

Q : Que voulez vous dire par secteurs ?
MANAF AL-RAOUI : Bagdad est divisé en deux secteurs, Al-Rassafa et Al-Karkh. Chaque secteur a un responsable et chaque responsable a un groupe à ses ordres. S'ils ont un ordre d'assassinat à exécuter...

Q : Ce n'est pas vous qui donniez les ordres ?
MANAF AL-RAOUI : Non !

Q : Mais si vous aviez des cibles précises, vous tuiez ces gens.
MANAF AL-RAOUI : Oui, si j'avais une cible précise.

Q : Quelles ont été ces cibles ?
MANAF AL-RAOUI : Le personnage le plus important que nous avons exécuté a été Hareth Al-Obeidi.

Q : Qui est Hareth al Obeidi ?
MANAF AL-RAOUI : Il était membre du Parlement et appartenait au Parti Islamique.

Q : Pourquoi l'avoir tué ?
MANAF AL-RAOUI : On a reçu l'ordre.

Q : De qui ?
MANAF AL-RAOUI : Un ordre d'exécution était venu d'Abou Hamza. A mon tour j'ai transmis l'ordre

Q : Où l'avez-vous tué ?
MANAF AL-RAOUI : Nous l'avons tué après la prière du vendredi, dans la mosquée Al-Chawaf à Yarmouk

Q : Comment?
MANAF AL-RAOUI : D'abord, nous avons effectué une reconnaissance des lieux, puis la personne désignée s'est procuré un revolver.

Q : avec silencieux ?
MANAF AL-RAOUI : Non. Il avait aussi deux grenades. Il est entré après la fin de la prière, il a tiré sur Hareth al Obeidi et a été poursuivi par les forces irakiennes. Il a alors utilisé les grenades et est mort (7)

Q : Il s'est tué ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Il a tué Hareth al Obeidi à l'intérieur de la mosquée ?
MANAF AL-RAOUI : Il voulait le tuer à la porte, à la sortie de la mosquée (8).

Q : Le député n'avait pas de garde de corps ?
MANAF AL-RAOUI : Si, il en avait.

Q : Comment choisissez vous la cible ? Selon quels critères ?
MANAF AL-RAOUI : C'était sur ordre. Par exemple quand on a attaqué les ministères, c'était sur ordre.

Q : Donc vous agissiez seulement sur ordre, s'il n'y a pas d'ordre, vous ne bougiez pas.
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Donc vous suiviez strictement les ordres.
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Revenons aux attentats contre les ministères. Vous avez commencé par les Affaires étrangères, non ?
MANAF AL-RAOUI : oui le ministère des Affaires étrangères et celui des Finances.

Q : Est-ce que le ministre des Finances était visé en personne ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Dans vos correspondances, on ne vous expliquait pas pourquoi, par exemple le ministère des Affaires étrangères, était visé ?
MANAF AL-RAOUI : Pour expliquer cela il faut du temps...

Q : Une fois l'ordre reçu, vous l'exécutiez, vous ne présentiez pas d'objection aux ordres?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Savez vous combien de personnes sont mortes dans l'attentat contre le ministère des Affaires étrangères?
MANAF AL-RAOUI : Non je ne sais pas.

Q : Après l'attentat vous ne regardiez pas les informations.
MANAF AL-RAOUI : Si je regardais les nouvelles.

Q : C'est à dire après avoir mené une action vous aimiez connaître le résultat.
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Que ressentiez vous en regardant les informations, quand vous voyiez les gens, les enfants pleurer. Aviez vous le sentiment d'avoir conduit une action juste ?
MANAF AL-RAOUI : (NDT : Il baisse la tête et murmure) Je ne sais pas !

Q : Je ne vous demande pas ce que vous ressentez maintenant, mais avant, quand vous commettiez les attentats.
MANAF AL-RAOUI : Je ne saurais vous répondre.

Q : Pourquoi ?
MANAF AL-RAOUI : (NDT : Il respire profondément) Je ne sais pas.

Q : Ce sont les mêmes sentiments que vous avez maintenant ?
MANAF AL-RAOUI : Je ne peux pas vous répondre.

Q : Au fil des actions menées, avez vous ressenti que les buts avaient changé?
MANAF AL-RAOUI : Voulez-vous parler de la ligne stratégique ?

Q : Oui, en fonction des périodes.
MANAF AL-RAOUI : À comparer avec le passé oui.

Q : Étiez-vous derrière l'idée de ce changement.
MANAF AL-RAOUI : Non, nous avons reçu l'ordre de changement de politique.

Q : Comment cela a-t-il changé?
MANAF AL-RAOUI : On nous a demandé que les opérations soient plus efficace en termes de qualité et cela pour plusieurs raisons. La plus importante était la baisse du financement et le manque de moyens, mais aussi l'amélioration du contrôle du gouvernement. On ne pouvait plus se déplacer aussi facilement, aussi nous sommes-nous concentrés sur des actions plus ciblées.

Q : A quelles nationalités appartenaient les commandos-suicides ?
MANAF AL-RAOUI : Il y avait des Irakiens, des Syriens, des Saoudiens, des Yéménites.

Q : D'où venait la majorité d'entre eux ?
MANAF AL-RAOUI : Le plus grand nombre venait d'Arabie Saoudite et de Syrie.

Q : Ils se présentaient à vous tous prêts à commettre des attentats-suicides ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Vous ne les conditionniez pas ?
MANAF AL-RAOUI : Non, ils venaient bien préparés et totalement prêts.

Q : (NDT : incompréhensible). Ils attendaient beaucoup avant d'exécuter une action ?
MANAF AL-RAOUI : Si l'opération était prête, ils y allaient.

Q : Y a-t-il des gens qui attendent aujourd'hui ?
MANAF AL-RAOUI : Je ne sais pas

Q : Et jusqu'au moment de votre arrestation ?
MANAF AL-RAOUI : Ils nous arrivaient par l'intermédiaire de... Ils ne venaient pas directement chez nous (6).

Q : Mais aujourd'hui, vous disposez de personnes prêtes pour des opérations.
MANAF AL-RAOUI : Actuellement, je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un à Bagdad.

Q : Vous les appeliez par courrier ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Où se trouvaient-ils ? Étaient-ils à l'extérieur des frontières ?
MANAF AL-RAOUI : J'ignore tout concernant leur acheminement. Je sais seulement qu'ils venaient de la frontière puis passaient par Mossoul (9).

Q : Ils étaient prêts ! Il suffisait de les demander et ils arrivaient?
MANAF AL-RAOUI : non, parfois il n'étaient pas là.

Q : faisiez-vous partie des hommes prêts à commettre des attentats suicides?
MANAF AL-RAOUI : Moi? Non !

Q : Pourquoi ?
MANAF AL-RAOUI : Je n'ai pas cette disposition.

Q : Selon votre entendement, l'idéologie que vous souteniez, ce genre d'action, vous semblent-ils bons ?
MANAF AL-RAOUI : Je ne dis pas le contraire mais je dis que je n'ai pas cette disposition, (NDT : Il sourit et balbutie). Il faut passer par une étape qui mène à ce niveau-là. Moi je ne l'ai pas encore atteint...

Q : Vous voulez dire une étape religieuse ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Pourquoi vous ont-ils choisi comme gouverneur de Bagdad alors que vous n'avez pas atteint cette étape ?
MANAF AL-RAOUI : La mission du gouverneur de Bagdad n'est pas d'exécuter lui même les opérations.

Q : C'est à dire vous faites seulement venir des gens pour se faire tuer, se faire exploser et tuer d'autres gens...
MANAF AL-RAOUI : Comment ?

Q : Vous faites venir des gens prêts à se faire sauter pour tuer d'autres gens.
MANAF AL-RAOUI : C'est comme ça que vous le voyez ?

Q : Quelle est alors votre explication ?
MANAF AL-RAOUI : Moi je ne l'explique pas ainsi. L'explication serait bien longue...

Q : Parlez-en. Les gens qui nous regardent aimeraient bien entendre votre point de vue.
MANAF AL-RAOUI : L'explication... vous n'allez pas être en harmonie avec moi dans mon explication. Car l'explication se rapporte à des questions religieuses au droit religieux etc...

Q : La justification religieuse, quelle est-elle ?
MANAF AL-RAOUI : La justification religieuse ? Lui (NDT : le kamikaze) ne se fait pas sauter pour nuire à des gens.

Q : Au cours de l'attaque contre le ministère des Affaires étrangères, savez-vous combien de gens sont morts ? En avez-vous une idée ?
MANAF AL-RAOUI : C'est... euh

Q : Vous estimez qu'ils sont sur le champ de bataille.
MANAF AL-RAOUI : Il ne s'agit pas d'un champ de bataille. Je vous l'ai dit, c'est très long à expliquer.

Q : J'aimerais bien vous entendre.
MANAF AL-RAOUI : D'accord, concernant l'attaque contre les ministères... Ce sont les ministères qui renforcent et instaurent l'autorité de l'État et tout ce qui renforce et instaure l'autorité de l'Etat doit être attaqué. C'est là le coeur de la réponse.

Q : Comment procédiez vous pour chaque opération? Par exemple concernant les attentats contre les ministères, combien de temps la préparation a-t-elle pris, depuis la réception des ordres jusqu'à leur exécution ? Par quels préparatifs êtes-vous passé?
MANAF AL-RAOUI : Cela passe par plusieurs étapes. La première est la reconnaissance des lieux, c'est à dire la reconnaissance de la cible. Ensuite on choisit le moyen approprié, c'est à dire la voiture qui convient, la préparation de l'endroit où piéger la voiture. Il faut faire venir la personne qui va conduire et lui faire visiter les lieux de l'attaque. C'est seulement quand tous ces préparatifs sont réalisés que l'opération peut avoir lieu.

Q : Concernant l'attentat contre les ministères, combien de temps s'est écoulé entre l'ordre et l'exécution ?
MANAF AL-RAOUI : Environ un mois.

Q : Chaque opération demandait autant de temps ?
MANAF AL-RAOUI : Oui, pratiquement.

Q :
Quand vous recevez l'ordre, vous demandez le financement ou bien l'argent vient avec l'ordre.
MANAF AL-RAOUI : Des fois avec des fois après.

Q : Savez vous d'où vient le soutien financier? De l'intérieur de l'Irak ou de l'extérieur ?
MANAF AL-RAOUI : D'après ce que je sais, c'est de l'intérieur de l'Irak. Il ne s'agit pas de soutien mais... eux ils obtiennent de l'argent à l'intérieur de l'Irak

Q : On peut dire que vous vous autofinancez.
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Quels sont vos liens avec Al-Qaïda à l'étranger ?
MANAF AL-RAOUI : Ce n'était pas de mon ressort.

Q : Vous n'en avez aucune idée ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Vous n'étiez pas au courant des courriers entre Al-Qaïda à l'étranger et...
MANAF AL-RAOUI : Entre le cheikh Oussama et le cheikh Abou Omar ?

Q : Oui.
MANAF AL-RAOUI : Non, je n'en savais rien.

Q :
Après chaque opération, vous receviez des encouragements, des remerciements, des félicitations ou même des reproches ?
MANAF AL-RAOUI : non pas des remerciements mais des questions pour savoir si nous avions rencontré des difficultés particulières ou essuyé des échecs.

Q : Pas de remerciements ?
MANAF AL-RAOUI : Pas de le sens habituel du terme mais...

Q : On ne vous disait pas cette action a été bonne ou mauvaise, vous avez échoué ici ou là. On n'évaluait pas votre travail ?
MANAF AL-RAOUI : Si.

Q : Avez vous eu des opérations qui ont échoué ?
MANAF AL-RAOUI : Oui. La première opération le mercredi, en plus de celle des Affaires étrangères, des Finances, du ministère de la Justice et du siège de la région, n'a pas eu lieu. On avait une opération prévu le mardi, la chaîne de télévision irakienne.

Q : La chaîne de télévision Al-Iraqiya ?
MANAF AL-RAOUI : Oui, elle est à côté du siège du gouverneur de la région.

Q : Le but était de faire exploser le bâtiment d'Al-Iraqiya de l'intérieur ?
MANAF AL-RAOUI : Oui, la voiture devait entrer à l'intérieur. On a fait sauter la voiture à Dora. Elle avait été découverte sur un point de contrôle alors le responsable l'a fait exploser.

Q : Changiez-vous les caractéristiques des voitures destinées à des opérations, comme les plaques d'immatriculation ?
MANAF AL-RAOUI : Non, nous les achetions légalement sur le marché local.

Q :
N'aviez-vous pas peur que les voitures appréhendées par la police ne conduisent celle-ci à vous ?
MANAF AL-RAOUI : La plupart du temps, les papiers utilisés étaient faux !

Q : Donc vous achetiez avec de faux papiers. Êtes vous marié, avez vous des enfants ?
MANAF AL-RAOUI : Oui je suis marié.

Q : Combien de femmes avez vous ?
MANAF AL-RAOUI : Une seule.

Q : Est-elle en prison ?
MANAF AL-RAOUI : Non elle n'est pas en prison.

Q : Certains kamikazes ont des familles, des femmes. Entriez-vous en contact avec leurs familles?
MANAF AL-RAOUI : Non (10)

Q : Vous vous occupiez seulement des affaires militaires ;
MANAF AL-RAOUI : La questions des familles n'était pas de mon ressort.

Q : Est-il arrivé que vous soyez obligé de rencontrer les familles des kamikazes ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Les hommes du groupe avec lequel vous travailliez, sont-ils toujours libres ?
MANAF AL-RAOUI : Ils ont été arrêtés après... A ce moment beaucoup ont été arrêtés.

Q : Avez vous vu les photos de Abou Ayyoub al Masri ou Abou Omar al Baghdadi après qu'ils aient été tués?
MANAF AL-RAOUI : Oui, les enquêteurs me les ont montrées.

Q : (NDT : Il montre les photos à Al-Raoui) Vous les reconnaissez ?
MANAF AL-RAOUI : Cette personne je ne l'a connais pas, Abou Omar , mais celui là je le reconnais (NDT : dit-il en montrant la photo d'Abou Ayyoub al Masri).

Q : Il avait été arrêté avant vous ?
MANAF AL-RAOUI : Je ne sais pas.

Q : Où est ce que vous l'avez rencontré la première fois ?
MANAF AL-RAOUI : A Falloujah.

Q : Durant la bataille de Falloujah.
MANAF AL-RAOUI : la première bataille de Falloujah.

Q : Il combattait?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Il était responsable à l'époque ?
MANAF AL-RAOUI : Non c'était Abou Moussab le responsable, le cheikh Abou Moussab (11).

Q : Avez vous rencontré Abou Moussab ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Combien de fois l'avez vous rencontré ?
MANAF AL-RAOUI : Je l'ai rencontré environ trois fois.

Q : Il combattait avec vous à Falloujah ?
MANAF AL-RAOUI : Oui (12).

Q :
Nous avons vu à la télévision comment Abou Moussab utilisait les armes. On a vu qu'il n'était pas capable de tenir correctement une arme. Qu'en pensez-vous?
MANAF AL-RAOUI : Qui ne peut pas porter une arme ?

Q : Zarqaoui (13).
MANAF AL-RAOUI : Si, il le peut !

Q : Quand l'arme était chaude, il n'a pas pu la porter.
MANAF AL-RAOUI : Oui bien sûr quand l'arme chauffe.

Q : Il était fort ?
MANAF AL-RAOUI : Oui il était fort.

Q : (NDT : Incompréhensible).
MANAF AL-RAOUI : Je n'avais pas de contact étroit avec lui. Je l'ai seulement rencontré.

Q : Concernant Abou Ayyoub, vous avez combattu avec lui à Falloujah. Il était alors un simple combattant.
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Avez vous une idée du châtiment que vous allez subir ?
MANAF AL-RAOUI : Oui je suis passible de la peine capitale.

Q : Etes vous prêt à cela ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Vous n'êtes pas prêt !
MANAF AL-RAOUI : Un être humain, quand on lui annonce qu'il va mourir, va évidement dire qu'il n'aimerait pas mourir. Vrai ou faux ?

Q : Oui, mais selon votre idéologie, la mort...
MANAF AL-RAOUI : La mort vient même " si vous êtes dans des forts protégés " (14). La question de la mort est du ressort de Dieu, c'est lui qui décide. La mort est le sort de tout être vivant. Mais est-ce que l'homme souhaite la mort? Voilà le point d'interrogation.

Q : Vous ne souhaitez pas mourir ! Vous ne pensiez pas qu'un jour vous seriez capturé ou tué ?

MANAF AL-RAOUI : Etre tué, oui mais je ne m'attendais pas à être arrêté.

Q : Etiez-vous prêt à être tué.
MANAF AL-RAOUI : Celui qui choisit ma voie s'attend à être tué.

Q : Avez vous essayé de vous faire sauter ?
MANAF AL-RAOUI : Non

Q : Portiez vous des armes ?
MANAF AL-RAOUI : Non (15).

Q : Où vous trouviez-vous en général ? Dans quels secteurs ?
MANAF AL-RAOUI : Dans Al-Khadra'.

Q : Où ? Dans les mosquées ?
MANAF AL-RAOUI : Non j'avais une maison à Al-Khadra'.

Q : Dans le quartier Al-Khadra' et non pas la zone verte ? (16).
MANAF AL-RAOUI : Oui (NDT : souriant).

Q : Vous êtes-vous rendu dans la Zone Verte ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Comment communiquiez-vous entre vous ? Par téléphone ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Depuis combien de temps n'avez-vous pas utilisé le téléphone ?
MANAF AL-RAOUI : Depuis que je suis sorti de prison (17).

Q : Et vous n'avez pas de téléphone.
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Comment vous transmettiez-vous les informations ?
MANAF AL-RAOUI : Par courrier ou en nous rencontrant.

Q : Où avaient lieu les rencontres ?
MANAF AL-RAOUI : Dans des maisons ou dans des lieux publics.

Q : Vous n'aviez pas peur d'être reconnu ou arrêté.
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Vous alliez aux rencontres seul, ou accompagné ?
MANAF AL-RAOUI : Seul.

Q : Les ordres que vous receviez, vous les passiez aux autres.
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Durant ces rencontres vous aviez des discussions religieuses ou idéologiques ?
MANAF AL-RAOUI : Oui, cela arrivait.

Q : Combien de temps durait ces rencontres ?
MANAF AL-RAOUI : Cela dépendait de la personne rencontrée, d'un quart d'heure jusqu'à parfois deux heures.

Q : Selon l'importance du personnage.
MANAF AL-RAOUI : Oui selon son importance.

Q : Avez vous eu parfois des doutes, soupçonnant la personne que vous rencontriez d'être suivie ou d'être vous même surveillé?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Quand avez vous senti le danger ?
MANAF AL-RAOUI : Le danger pour moi ?

Q : Oui.
MANAF AL-RAOUI : Je n'ai jamais ressenti de danger.

Q : Avez-vous hésité à réaliser une opération ou ressenti un danger ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Où avez-vous été arrêté ?
MANAF AL-RAOUI : Je me déplaçais d'une région à l'autre. Je me rendais du quartier Al Hussein vers le quartier Al Mansour.

Q : Qu'alliez vous faire ?
MANAF AL-RAOUI : J'avais un rendez-vous avec quelqu'un.

Q :
Des plaintes vous ont-elles été adressées en raison du nombre élevé d'arrestations dans vos rangs ?
MANAF AL-RAOUI : Des plaintes de qui ?

Q : De vos responsables, d'Abou Ayyoub, ou même de la base ?
MANAF AL-RAOUI : Je ne comprends pas.

Q : Il y a eu beaucoup d'arrestations dans vos rangs.
MANAF AL-RAOUI : Oui il y en eu beaucoup.

Q : Pensez-vous que des gens vous ont trahis ?
MANAF AL-RAOUI : Oui bien sûr !

Q : Et vous n'avez pas changé vos méthodes de travail ?
MANAF AL-RAOUI : La nature du travail exige une certaine présence sur le terrain

Q : Comment vous avez été arrêté ? Vous avez été suivi ou reconnu ?
MANAF AL-RAOUI : On m'a reconnu. Il se peut que j'ai été surveillé, je ne sais pas. Il faut demander au gouvernement.

Q : Apparemment le gouvernement vous surveillait depuis un moment et se basant sur des aveux. C'est ce que j'ai entendu. Les enquêteurs sont arrivés ainsi à vous. Vous ne le saviez pas ?
MANAF AL-RAOUI : Non je ne le savais pas.

Q : Quand vous avez été arrêté au barrage de contrôle, vous portiez de faux papiers, bien sûr ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : On vous a arrêté tout de suite ?
MANAF AL-RAOUI : Le soldat avait des doutes sur mon identité. Il m'a envoyé au poste. Le chef m'a demandé si j'étais Manaf. Je lui ai répondu oui.

Q : Comment Al-Qaïda attire-t-elle les recrues ? Des volontaires viennent-ils à vous?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Quelles méthodes utilisez-vous pour recruter ?
MANAF AL-RAOUI : On recrute si l'on connaît la personne ou si elle est connue de quelqu'un de confiance. Puis la recrue est mise à l'épreuve.

Q :
Comment est-elle testée ?
MANAF AL-RAOUI : Par une action.

Q : Vous restez méfiant ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : L'action peut-elle être fictive ?
MANAF AL-RAOUI : Non, c'est une action bien réelle.

Q : La personne qui mélangeait les produits explosifs, comment s'appelle-t-elle ?
MANAF AL-RAOUI : Son nom est connu des autorités.

Q : J'aimerais que vous me le disiez.
MANAF AL-RAOUI : Vous voulez dire la personne qui fait les dispositifs de piégeage. Il s'appelle Mohammad.

Q : Vous le connaissez alors.
MANAF AL-RAOUI : Il a été arrêté.

Q : Vous lui donniez directement des ordres ?
MANAF AL-RAOUI : Non il était en relation avec le responsable militaire.

Q : Mais vous rencontriez cette personne.
MANAF AL-RAOUI : Je l'ai vu une fois.

Q : Il a été arrêté. C'est vous qui l'avez dénoncé ?
MANAF AL-RAOUI : Non, il a été arrêté avant moi.

Q : Alors c'est lui qui vous a dénoncé !
MANAF AL-RAOUI : C'est possible (NDT : il sourit).

Q : Vous ne savez pas ?
MANAF AL-RAOUI : Je ne l'ai pas rencontré en prison.

Q : Vous ne savez pas si c'est lui qui vous a dénoncé ?
MANAF AL-RAOUI : Non je ne sais pas.

Q : Depuis combien de temps étiez-vous installé dans le quartier Al-Khadra' ?
MANAF AL-RAOUI : Depuis que je suis sorti de prison. Depuis le début de l'année 2008.

Q : Vous avez une ou plusieurs maisons ?
MANAF AL-RAOUI : Il y a plusieurs maisons où j'habitais.

Q : Vous vous déplaciez entre ces maisons en fonction des circonstances ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Est-ce qu'il y a eu des descentes de police sur vos maisons ?
MANAF AL-RAOUI : Non

Q : Votre famille était-elle au courant de vos activités ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Votre femme ne savait pas ?
MANAF AL-RAOUI : non

Q : Elle ne vous demandait pas d'où venait l'argent ?
MANAF AL-RAOUI : Elle était chez sa mère et ne vivait pas avec moi.

Q : Pourquoi ?
MANAF AL-RAOUI : Des problèmes familiaux.

Q : Vous êtes en désaccord ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Vous vivez seul ?
MANAF AL-RAOUI : Oui.

Q : Les rencontres se passaient dans la maison?
MANAF AL-RAOUI : Oui

Q : Bien sûr la maison a été fouillée. Du courrier a-t-il été trouvé ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Avant de clore l'interview qu'aimeriez vous dire ?
MANAF AL-RAOUI : Rien, je n'ai rien à dire.

Q : Tout à l'heure vous m'avez dit, je n'aime pas répondre, commenter, à propos des familles mortes, des personnes qui ont perdu des êtres chers suite à nos actions, aux actions que vous avez dirigées. Avez-vous quelque chose à leur dire?
MANAF AL-RAOUI : (NDT : Il émet un long soupir) Non je n'ai rien à dire.

Q : Ni négativement, ni positivement.
MANAF AL-RAOUI : Non

Q : Peut-être quelques paroles qui atténueraient le verdict à venir.
MANAF AL-RAOUI : Non, je n'ai rien à dire.

Q : Où avez-vous été entraînés ?
MANAF AL-RAOUI : Je n'ai pas suivi d'entraînement. J'ai participé à des combats.

Q : Avez vous voyagé en dehors de l'Irak ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Avez-vous servi dans l'armée ?
MANAF AL-RAOUI : Non.

Q : Vous étiez déserteur ?
MANAF AL-RAOUI : Non, mais je n'ai pas servi dans l'armée.

Q : Quel niveau d'études avez-vous atteint ?
MANAF AL-RAOUI : Je suis allé jusqu'en 6ème classe.

Q : Alors vous auriez dû faire le service militaire.
MANAF AL-RAOUI : À l'époque on pouvait servir dans les services civils. J'ai été affecté au ministère de l'Habitat et la Construction, pour le temps de mon service.

Q : C'était réservé aux pistonnés !
MANAF AL-RAOUI : Quel piston ? Non.

Q : Vous n'aviez pas de piston ?
MANAF AL-RAOUI : Non

Q : Quelle était la situation financière de votre famille ?
MANAF AL-RAOUI : Nous étions des gens modestes.

 

NOTES

(1) Premier ministre sortant cherchant à s'accrocher au pouvoir en dépit de son échec électoral, Nouri Al-Maliki se fait là, semble-t-il, un peu de publicité. Comment interpréter autrement la lourde insistance du militaire ?
(2) Kafir, au singulier, et koufar au pluriel, signifient " infidèle à l'islam ".
(3) Ville irakienne située à 60 kilomètres à l'ouest de Bagdad. Peuplée de sunnites, elle a connu de très durs combats entre les insurgés et l'armée américaine du 6 au 29 novembre 2004. Al-Raoui fait référence à ces combats qualifiés de " première guerre de Falloujah ".
(4)
Abou Hamza ou Abou Ayyoub Al-Masri, a remplacé Abou Moussab Al-Zarqaoui en tant que chef d'Al-Qaïda pour l'Irak à la mort de ce dernier. Il a lui-même été tué le 18 avril 2010.
(5) Le fait même de compter par " cahiers ", comme il dit, et non pas en milliers de dollars, révèle l'habitude d'Al-Raoui de manipuler de fortes sommes d'argent. Les sommes évoquées mettent en évidence la facilité avec laquelle l'insurrection se procure des fonds. De telles sommes ne peuvent pas provenir de l'Irak lui-même mais de donateurs étrangers.
(6) C'est-à-dire par porteurs.
(7)
Il s'agit de grenades que les terroristes utilisent pour se suicider afin d'éviter la capture.
(8) On ne comprend pas pourquoi le meurtre ne s'est pas déroulé à l'extérieur. Tuer à l'intérieur d'une mosquée est en effet considéré comme très grave. Al-Raoui cherche-t-il à réduire la faute en affirmant que l'intention du tueur n'était pas d'agir à l'intérieur, mais à l'extérieur ?
(9) Mossoul se trouve au nord de l'Irak, non loin de la frontière syrienne. Cet élément confirme ce que nous savions déjà : les réseaux d'approvisionnement en hommes, pour les attentats-suicides, et en argent transitent par la Syrie dont la connivence est établie avec les insurgés.
(10) Les agents opérationnels d'Al-Qaïda n'ont pas le droit d'entretenir des relations avec leurs familles ou celles de leurs hommes. Les services de renseignement ont en effet pour habitude de surveiller les familles des terroristes pour piéger ces derniers au cours de leurs visites. Cependant, depuis quelques mois, Al-Qaïda a créé une structure afin de distribuer des aides aux familles et de leur éviter de tomber dans le dénuement. Cette mesure est destinée à rassurer les agents opérationnels quant au sort de leurs proches.
(11) Il s'agit d'Abou Moussab Al-Zarqaoui, tué le 7 juin 2006. Il dirigeait un groupe de combattants pour le compte d'Al-Qaïda (voir nos textes à ce propos).
(12) Le journaliste met en évidence une contradiction dans le discours d'Al-Raoui.
(13) Voir à ce propos notre texte " Analyse de la vidéo d'Abou Moussab Al-Zarqaoui ".
(14) Il s'agit de la citation d'une partie du verset 78, de la sourate " Les femmes " du Coran.
(15) Ne pas porter d'arme permet de passer inaperçu au cours d'une fouille éventuelle. Cette précaution met en avant le degré de discipline d'Al-Qaïda.
(16) Khadra veut dire verte, d'où la question, la " zone verte " étant la région sécurisée par les Américains dans Bagdad. Il s'agit de deux lieux différents.
(17) Depuis fin 2007 donc. 

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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