COMMUNIQUÉ
DES FRÈRES MUSULMANS SYRIENS (1)
DU 12 DÉCEMBRE 2006

 

" Le Liban et la Oumma (2)
entre les projets américano-occidental et irano-persan "

 

Au nom d'Allah le miséricordieux, le tout miséricordieux,

Ce qui se passe au Liban n'est plus une affaire purement libanaise. Comme ce qui se passe en Irak n'est plus une affaire strictement irakienne. L'occupation américaine a suscité un vide en Irak et un déséquilibre dans le rapport de forces. Il a permis au projet irano-persan de se matérialiser, plaçant notre " oumma " face à deux projets effroyables. L'un, international, avec ses aspects culturels, politiques et économiques bien connus, l'autre régional dont les inspirateurs n'ont cessé de rêver de dominer la région pour avoir une revanche sur l'histoire et la géographie.

Notre préoccupation et nos appels aux sages de notre " oumma, " pour élaborer un projet authentique selon un modèle civilisationnel islamique, sur lequel tous seraient d'accord agréant sur la base de quelques principes, sont restés sans écho. Nul n'a pu limiter les ambitions régionales quand les évènements ont montré qu'il s'agissait du plan secret d'une confession touchant l'Irak, le Liban et la Syrie.

A l'ombre des ambitions américaines en perdition en Irak, le projet irano-persan s'est ménagé un chemin parmi les décombres de l'Irak. Il a émergé au milieu des restes humains et des ruines des édifices de pierre. Dans la connivence, restant silencieux à propos des plans américains, il a pu avancer lentement finissant par s'imposer sur son concurrent américain. C'est ainsi, qu'il est parvenu à séduire les gens simples grâce aux slogans et aux belles paroles pour cacher certaines vérités. Sans son aide et son approbation aux plans américains ni l'Afghanistan, ni l'Irak n'auraient pu être envahis. Sans son attitude positive à l'égard des Américains, ces derniers n'auraient pas pu s'installer en Irak.

Ô fils de notre " oumma " arabe et islamique, c'est le constat de notre naïveté et de notre impuissance que nous dressons, avec nos peuples, nos notables et nos chefs pris entre ces deux projets obscurs et terrifiants, sans que nous puissions élaborer des plans pour protéger notre essence, notre existence et notre identité. Des plans qui assureraient nos intérêts et aspirations, rejetant toute chose qui porterait atteinte à notre foi, notre culture, notre histoire, notre présent et notre futur.

Dans cet esprit, nous mettons en garde les fils de notre " oumma. " Il faut lire les faits tel qu'ils sont, identifier les lignes de force avec lucidité, prévoir les conséquences des événements et des prises de positions et arrêter de considérer les slogans et les appels avec naïveté afin de saisir les mensonges qui s'y cachent.

Dans le cadre de ce terrible plan régional, qui n'est pas moins fanatique et inflexible que l'autre, comme le montre les évènements d'Irak, ils (NDT les " Irano-persans ") ont considéré le Liban comme le maillon le plus faible. Ils ont commencé par le président martyr Rafic Hariri. Pour des raisons que nul n'ignore, ils ont joué sur tous les plans. Les voilà aujourd'hui essayant de récolter ce qu'ils ont semé. Ils se comportent au Liban en maîtres absolus, jouant le rôle de parti guide de l'État et de la société ! Le parti omnipotent délivrant des certificats de bonne conduite...

Nous demandons un Liban libre, démocratique et unifié. C'est la solution de sécurité pour tous les Libanais. Le Liban ne peut être lui-même si un parti, si puissant ou si nombreux ses membres soient-ils, croit qu'il a le droit de s'accaparer l'Etat et le pouvoir souverain de décision. La démocratie se construit sur le vote des citoyens à travers les urnes, pas dans le vacarme de la rue. Le dialogue national, positif et constructif, demeure la seule solution. Seule la reconnaissance des droits d'expression, d'existence et de participation de l'autre donneront un sens au dialogue. Nous appelons tous les Libanais à se rendre compte des immenses menaces qui pèsent sur le Liban. Ils doivent sans attendre retourner à la table de négociation et se référer aux institutions constitutionnelles légales.

Une fois encore, au Liban, en Irak et par extension dans notre chère Syrie, où le tissu national, sa structure confessionnelle ne sont plus là aussi une affaire locale, nous voyons se mettre en place les stries d'accroissement d'un projet régional qui menace notre " oumma, " partant de l'Afghanistan et de l'Asie centrale, passant par la péninsule arabique et arrivant à l'Égypte et au Soudan. Ces ambitions nous inquiètent et nous lançons un cri d'alarme. Elles menacent notre existence, comme on le voit en Irak, où une " marjaiya " (3) les pilotent, où un État l'entretient, où les prédicateurs prêchent en leur faveur. La politique de l'autruche ne peut les vaincre.

Nous les Frères musulmans de Syrie, refusons les débats stériles consistant à désigner le plus dangereux des deux projets. Nous appelons la " oumma, " ses élites et ses nations à définir leur propre projet à partir de son identité, de son histoire, de sa civilisation et d'une unité de vue entre ses fils du Liban, de Syrie, d'Irak et de Palestine. Nous appelons avec insistance les chefs de cette " oumma " et ses nations à voir ce qui se passe au Liban et à considérer les événements dans leur contexte régional pour les interpréter à la lumière de ce qui s'est passé et se passe aujourd'hui en Syrie et en Irak. Pour qu'ils fassent un barrage face à tout ce qui se trame contre notre " oumma. "

" Allah est celui qui décide mais la plupart des gens l'ignorent ".(Coran)

12 décembre 2006
Les Frères musulmans en Syrie.


 NOTES

(1) Les Frères musulmans syriens sont dirigés par Ali Sadreddine Al Bayanouni, réfugié à Londres. On le connaît par ses passages sur la télévision Al Jazeera.
(2) Oumma : communauté des musulmans. On entend bien l'auteur de ce texte parler de " notre oumma. " Il conviendrait de savoir s'il inclut les chiites dans " sa " oumma..
(3) On entend par " marjaiya " l'autorité religieuse chiite.
 
Ali Sadreddine Al-Bayanouni

 

NOTRE ANALYSE

Ce communiqué des Frères musulmans, publié le 12 décembre 2006, nous est apparu d'une importance particulière.

1/ L'auteur place la politique de l'Iran dans la région (le projet régional) sur le même plan que celui des États-Unis (le projet international) et l'accuse d'être à l'origine des conflits. Cela confirme, partout dans l'univers musulman, l'animosité montante entre les deux branches de l'islam, l'Iran influençant une large partie de la sphère chiite. En outre, l'appel des Frères musulmans à constituer un front "civilisationnel islamique" augure une nouvelle poussée de tensions entre sunnites et chiites.

2/ Les ambiguïtés relationnelles observées entre les États-Unis et l'Iran autour de la gestion de l'Irak et de l'Afghanistan sont dénoncées avec force.

3/ Les Frères musulmans syriens font ici appel au respect de la démocratie pour réduire les tensions au Liban. Cette prise de position peut étonner. Elle en fait habituelle de leur part dans une logique légaliste. Ils n'envisagent le recours aux armes qu'en situation jugée par eux particulière, comme en Syrie, lors du soulèvement islamiste dans les années 70, ou face à Israël, dans les territoires occupés.

4/ Certes, les noms de l'Iran et du Hezbollah ne sont pas cités dans le passage concerné. On comprend néanmoins ce pays et ce parti accusés d'être responsables de l'assassinat de Rafic Hariri.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Lire aussi:

 

Retour Menu
Retour Page d'Accueil