LE QATAR JETÉ DANS
LES BRAS DE L’IRAN

juillet 2017

Le 5 juin 2017, comme un coup de tonnerre éclatant dans un ciel sec, sous l’impulsion de l’Arabie Saoudite plusieurs pays arabes, dont l’Égypte, fermaient leurs frontières aériennes et terrestres avec le Qatar. Dans la foulée, ils interrompaient leurs relations diplomatiques avec Doha.
Le Qatar accusé de soutenir le terrorisme

Riyad et ses principaux alliés, Abou Dhabi et Le Caire, s’expliquent : ils accusent le Qatar de soutenir des organisations terroristes sunnites, Al-Qaïda et Daech. Mais aussi les Frères musulmans. Ce n’est pas tout : pour eux la monarchie qatarie apporte sa caution aux populations chiites frondeuses, de surcroît appuyées par l’Iran, dans des pays gouvernés par les sunnites, comme la région de Qatif, en Arabie Saoudite, ou le Bahreïn.

C’est vrai, le Qatar n’est pas très net dans ses relations avec les groupes armés. Il a été jusqu’à financer les terroristes d’Al-Qaïda et de Daech en Libye et en Syrie. Quand cela les arrangeait, faut-il préciser, les Arabes, les Turcs et les Occidentaux fermaient les yeux. Dans les années 2000, les Américains ont même demandé au Qatar de nouer des relations avec les Taliban d’Afghanistan pour ouvrir un canal de négociations avec eux.

Le Qatar protège les Frères musulmans, honnis par la Saoudite, Les EAU et l'Egypte

Vrai aussi, Doha se pose en protecteur des Frères musulmans, les accueillent sur son territoire, et leur a même confié la gestion de sa chaîne de télévision satellitaire, Al-Jazeera. Faut-il néanmoins préciser, même opposé aux Frères musulmans, on doit reconnaître qu’ils sont difficilement classables parmi les organisations terroristes. Comme en Égypte, leur berceau, ils cherchent à s’emparer du pouvoir par le jeu électoral en séduisant les masses populaires. Les Saoudiens le savent mieux que quiconque : ils ont soutenu les Frères pendant plusieurs dizaines d’années avant de se retourner contre eux en raison de divergences politico-religieuses. Quant à l’empathie que nourriraient les Qataris à l’égard des irrédentistes anti-sunnites de la mouvance chiite, on sourit. Le sunnisme de Doha est intransigeant, teinté même d’hostilité à l’égard des chiites. Comme celui des Frères musulmans qu’ils protègent. Tout juste faut-il remarquer que le Qatar cherche à marquer le trait de son originalité face à l’Arabie Saoudite tout en étant obligé de ménager les susceptibilités de l’Iran. Il partage en effet avec lui la plus grosse réserve de gaz naturel du monde, le champ de « South Pars » qui, entre les deux pays, prend en écharpe le Golfe arabo-persique.

 Les États-Unis, convient-il d’ajouter, disposent d’une importante base militaire, Al-Udeid, au Qatar. Ils y ont installé leur Centre de commandement des opérations aériennes pour le Moyen-Orient en avril 2003, le déplaçant de la base saoudienne Prince Sultan. Aussi, quand on voit les Américains renforçant leur alliance avec les pays arabes et l’Arabie Saoudite, s’interroge-t-on sur l’opportunité à leurs yeux d’un pareil éclatement de leurs lignes de défense.  Vue aérienne de la base US au Qatar
Vue aérienne de la base US au Qatar

Le discours de Trump perçu comme...

Donald Trump, 21 mai à Riyad
Certes, le 21 mai à Riyad, devant une cinquantaine de chefs d’États musulmans, Donald Trump a appelé les Arabes à « traquer les terroristes et les extrémistes (...) de leur terre sainte et de la surface de la terre » (1). Il a aussi décrété l’Iran coupable d’offrir aux terroristes « un refuge sûr, un appui financier et le statut social nécessaire au recrutement ». Ces derniers mots ne pouvaient que satisfaire les Arabes en conflit quasi déclaré avec Téhéran. Même si tout le monde sait cette accusation relevant de la rhétorique.

Une rhétorique ressemblant à celle de George Bush quand il accusait Saddam Hussein, en 2003, de s’être allié avec Al-Qaïda et de détenir des stocks d’armes de destruction massive.

Aussi, même si le Qatar a été trop loin dans ses relations avec les radicaux islamistes, aujourd’hui, il sert surtout de bouc émissaire à l’Arabie Saoudite. Quant aux États-Unis, ils ont initié un mécanisme dont le contrôle tend à leur échapper, tant les implications du discours du 21 mai à Riyad sont énormes.

La politique d'Israël

En effet, on voit ce processus aller dans le sens voulu par le gouvernement israélien. D’une part parce que ce dernier attise les feux contre l’Iran. D’autre part parce qu’il a noué une alliance militaire avec les pays arabes, principalement l’Arabie Saoudite.

À ce propos, on lit dans la presse juive de soutien à Israël des informations intéressantes. Un certain Shmuel Bar, ancien des services de l’État hébreu passé dans la sécurité privée, s’y est épanché. Il y a deux ans et demi, dit-il, une personnalité issue de « l’échelon supérieur du pouvoir en Arabie Saoudite » l’a invité à discuter d’un projet sur Skype. Cela a permis un accord afin de faire bénéficier les Saoudiens des avantages de l’informatique pour débusquer les terroristes sur réseaux sociaux. Plusieurs entreprises israéliennes de sécurité ont suivi, à commencer par Elbit System qui donne pourtant dans le dur de la Défense (voir l’encadré ci-contre).

Seule condition exigée, que ces compagnies se donnent une façade dans un pays étranger fréquentable, comme la Grande-Bretagne. D’autres pays du Golfe ayant imité Riyad, quand un client saoudien, émirati ou autre leur rend visite, on fait le nettoyage des sigles et documents écrits en hébreu (2). Il faut sauver les apparences ! Cette alliance apparemment contre nature a pris forme au nom du principe « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».

Rapprochement à effet contraire, la Turquie, l'Iran et Russie tendent la main au Qatar

Ce rapprochement, aux yeux des esprits simples, pourrait favoriser l’instauration de la paix au Moyen-Orient. C’est le contraire ! D’une part parce que les populations arabes n’acceptent pas cette connivence avec l’ennemi israélien. D’autre part parce que ce pacte israélo-arabe déclenche un regain d’hostilité contre Israël. Aussi, la Russie en profite pour renforcer son alliance anti-occidentale et la Turquie s’éloigne un peu plus des Arabes.

Déjà Téhéran a ouvert son espace aérien au Qatar pour l’approvisionner en nourriture et la Turquie lui promet son aide. Quant à la Russie, elle tend la main à Doha.

Notes


(1)
Lire « Coup de « trumpette » et fausse note en Arabie Saoudite »
(2) Il s’agit de « La sécurité israélienne prospère dans le Golfe » publié par JForum.

 

 

 

 

 

Ce que
« The Observer »
pense du discours
de Trump à Riyad

Journal hebdomadaire britannique de référence,
il a dit dans son éditorial du 28 mai 2017

« Il n’y a pas de raison valable de faire monter la tension avec l’Iran et beaucoup de raisons d’en craindre les conséquences possibles ».

Et l’auteur d’ajouter : « Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien radicalement anti-Iran, devrait être favori de l’année comme tireur de ficelles ».
En français, nous dirions comme marionnettiste.

On attend la même perspicacité sous la plume de nos journalistes hexagonaux !

"The Observer view on Donald Trumps Middele East visit"

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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