ABDALLAH ANAS

 

J'ai connu l'islamiste algérien Abdallah Anas, de son vrai nom Boujoumaa Bounoua (Boudjoumaa Bounoua), au printemps 1985 en Afghanistan. Nous étions dans une colonne d'approvisionnement en armes des maquis antisoviétiques du Nord du pays. Alors, Anas voulait instituer un régime islamiste en France. Aujourd'hui, interdit de séjour chez nous, il bénéficie de l'asile en Grande-Bretagne. Nous donnons ici la traduction de l'interview en arabe, qu'il a accordé en décembre 2005 à " Al Arabiya, " chaîne satellitaire arabe. Seuls ont été supprimés des passages répétitifs ou incompréhensibles.

 Alain Chevalérias


 

 Turki Ad-Dakhil : Vous avez relaté votre expérience dans un livre, écrit sous le titre " La naissance des arabo-Afghans. " Vous parliez avec l'autorité que vous confère le fait d'avoir été l'un des premiers moujahidine arabes en Afghanistan au début des années 80. Vous êtes aussi le gendre de cheikh Abdallah Azzam (1), père spirituel du jihad afghan. Où étiez-vous avant le 11 septembre (2001) ? Car, enfin, entre votre départ d'Afghanistan, dans les années 90, et 2001, il s'écoule environ six ans. Pourquoi Abdallah est-il resté silencieux jusqu'au 11 septembre ?

Abdallah Anas : Grâce à Allah et paix sur ses élus qui sont ses esclaves. En ce qui concerne mon silence. J'ai déjà dit qu'au début des années 80 je me suis rendu en Afghanistan. Notre sort et notre destin décidés par Allah m'avaient amené à vivre cette période aux côtés d'Ahmad Shah Massoud (2) dans le nord de l'Afghanistan jusqu'à ce qu'Allah lui vous le savez, il est alors entré en conquérant avec permette d'entrer dans Kaboul en 1992. Comme les autres commandants. Après quoi, ma présence en Afghanistan ne m'est plus apparue nécessaire. L'Afghanistan est libéré, me disais-je, et Allah a conduit les moujahidine et le peuple afghan à la victoire.

T.A.D. : Vous avez donc quitté l'Afghanistan.

Abdallah Anas : Oui, je suis parti en 92-93.

T.A.D. : Après ce que l'on appelle la conquête de Kaboul.

Abdallah Anas : En effet, après la conquête de Kaboul. Nous nous étions rendus en Afghanistan en raison d'une " fatoua " (3) et d'une obligation légale de libérer la terre de l'Islam du colonisateur, de l'athéisme idéologique et du communisme. L'objectif étant atteint, grâce à Allah, en 1993, je suis parti. Comme vous-même et les téléspectateurs le savez, je me suis alors tourné vers un autre devoir, l'Algérie. Je devais recevoir des responsabilités à la tête du FIS…

T.A.D. : Mais, vous n'êtes pas rentré en Algérie…

Abdallah Anas : Je n'y suis pas retourné parce que mon départ d'Afghanistan correspondait avec le coup d'Etat de 1992 contre le choix électoral du peuple algérien. En Algérie, les arrestations avaient débuté et la crise s'installait.

T.A.D. : Donc, en 1992, vous êtes parti directement pour la Grande-Bretagne.

Abdallah Anas (pas à l'aise) : Pas directement. Je me suis d'abord déplacé en Turquie, au Yémen, au Soudan et au Pakistan…

T.A.D. : Jusqu'à ce que vous trouviez…

Abdallah Anas : J'appelle cette époque de ma vie la période d'errance. Des poursuites (judiciaires) avaient été entreprises contre les arabo-Afghans (4). Or, nous ne pouvions plus trouver d'endroit où résider en Afghanistan sans être obligés de prendre parti dans la guerre civile qui avait éclaté entre les différentes factions, en particulier entre Rabbani et Massoud, d'un côté, Hekmatyar de l'autre.

T.A.D. : Ceci jusqu'à l'apparition des Taliban…

Abdallah Anas : C'est une affaire importante. L'ISI et l'armée pakistanaise avaient décidé de priver Massoud des fruits de la victoire. Cela tout simplement parce les Pakistanais, avaient fabriqué Hekmatyar et qu'il était lui-même en concurrence avec Massoud.

T.A.D. : Hekmatyar faisait quand même partie des commandants qui sont entrés dans Kaboul (en 1992)… Revenons à vous, Abdallah Anas. Dans votre livre, sur l'essor des moujahidine afghans, vous avez dit que le cheikh Abdallah Azzam, qu'Allah lui accorde sa miséricorde, vous avait donné le nom d'Abdallah Anas. Votre nom était en fait Boudjouma Bounoua. Est-ce vrai ?

Abdallah Anas : Bien sûr. Tout le monde le sait, les moujahidine afghans utilisaient des noms de guerre. C'est du reste l'un des reproches que l'on a fait aux moujahidine afghans (5).

T.A.D. : Etait-ce une forme de camouflage pour tromper les services de renseignements des pays auxquels ils appartenaient ?

Abdallah Anas : Ce n'était pas la seule raison. Comme vous le savez, les moujahidine arabes étaient issus de toute la nation arabe. Quand ils rentraient chez eux d'Afghanistan, dans certains pays du Golfe, surtout en Arabie Saoudite, on les regardait d'un mauvais œil.

T.A.D. : Il y a pourtant eu Abou Mohammad Makki et Abou Talha Al Madani, par exemple, (qui venaient d'Arabie Saoudite).

Abdallah Anas : Je ne parle pas de quelques individus mais de la majorité des cas. Dans d'autres pays, comme la Tunisie, l'Egypte, la Libye etc… cela représentait un danger. Pourtant, même l'Algérie ne voyait pas d'inconvénient au retour des moujahidine algériens d'Afghanistan (6). Du moins jusqu'à la chute du régime de Najibullah à Kaboul, les régimes arabes avaient des attitudes différentes à l'égard des anciens d'Afghanistan.

T.A.D. : Mais pourquoi avoir gardé votre nom de guerre en remplacement de votre vrai nom après votre départ d'Afghanistan ?

Abdallah Anas : Parce qu'il était connu des médias, à la suite des interviews que j'ai accordées à des journalistes. Et puis, les jeunes moujahidine m'avaient aussi connu sous ce nom sur le champ de bataille. Alors ce nom m'est resté. Je n'ai pas gardé mon alias pour des raisons de sécurité mais à la suite d'un concours de circonstances et comme Allah l'a voulu (…) Je suis Boujoumaa Bounoua, né le 20 juillet 1958. Je n'ai rien à cacher car la mission dans laquelle je crois ne comporte pas de cachotteries.

T.A.D. : Chez vous, comment vous appellent votre femme et vos enfants ?

Abdallah Anas : Ma femme et les enfants du cheikh (Abdallah Azzam) (7) m'appellent Anas. Ma mère utilise le prénom de Boujoumaa parce que mon surnom, dit-elle, ne peut remplacer celui qu'elle utilise depuis mon enfance (…)

T.A.D. : Est-il vrai qu'Abdallah (Anas) s'est servi des événements du 11 septembre (2001) pour accéder à la célébrité ? Parce qu'enfin, il était silencieux jusqu'au 11 septembre.(8)

Abdallah Anas : Je vous l'ai dit, le jihad afghan est pour moi un épisode historique terminé parce que l'Islam a reconquis l'Afghanistan. Je demande à Allah d'accepter notre oeuvre. Je ne veux pas qu'elle devienne une farce hypocrite. Grâce à Allah, nous n'avons pas passé notre temps à Peshawar, comme beaucoup de gens qui restaient au Pakistan tout en se réclamant du jihad afghan, merci à Allah tout le monde sait que notre jihad (9)…

T.A.D. : Que voulez-vous dire par " des gens ont passé leur temps " (à Peshawar) ?

Abdallah Anas : Plus de 98% des Arabes étaient à Peshawar, très peu vivaient à l'intérieur de l'Afghanistan avec les moujahidine.

T.A.D. : Ceux qui vivaient à Peshawar ne participaient pas aux opérations militaires ?

Abdallah Anas : Seulement de façon sporadique et quand il y avait des combats à la frontière. Alors, parfois, ils nous faisaient l'honneur de participer. Certains tombaient en martyrs (" gagnaient le martyre" dans le texte). D'autres rentraient sains et saufs, mais le jihad n'était pas leur raison d'être là-bas. Sans doute moins de 10% d'entre eux ont consacré la totalité de leur temps au jihad au nord, à l'est ou au sud de l'Afghanistan.

T.A.D. : Mais pourquoi vous être fait remarquer après le 11 septembre ? Etait-ce un moyen de conjurer l'accusation de terrorisme qui aurait pu peser sur vous ?

Abdallah Anas : Pour diverses raisons. Comme je vous l'ai dit, la cause afghane était révolue. D'autre part, plus qu'aucun autre pays, le mien gardait la priorité à mes yeux, bien que tous les musulmans soient comme les doigts d'une seule main (…) Les événements du 11 septembre, consacrent le retour des arabo-Afghans sur la scène internationale, ni eux, ni moi ne pouvions disparaître (...)

T.A.D. : Pourquoi ?

Abdallah Anas : Parce que je n'étais pas un élément de deuxième ordre. J'étais l'assistant de Massoud (10). Sachez que depuis le 11 septembre, tous les services de renseignements, le FBI, la CIA, le Pentagone, les services des Arabes ou ceux des Israéliens (me connaissaient). Quiconque ouvre un livre me trouve, sinon dans le premier paragraphe, au moins dans le second (...) (11)

T.A.D. : Donc, votre retour (sur la scène) n'était pas décidé par vous.

Abdallah Anas : Non j'étais au coeur des événements. Si Abdallah Anas disparaît, le gendre d'Abdallah Azzam ne peut pas disparaître. Le directeur du " Maktab Al Khadamat " (12) ne peut pas disparaître, l'ami le plus proche d'Ahmad Shah Massoud et l'émir des combattants du Nord de l'Afghanistan, ne peut disparaître (...) chacun doit prendre ses responsabilités quand les télévisions et les radios frappent à votre porte. Pour moi, c'est différent de beaucoup de frères que je connais en Europe, aux Etats-Unis ou dans la nation arabe. Ils se contentent de rester chez eux et personne ne sait rien d'eux. Ils s'efforcent de rester tranquilles mais, moi, parce que j'étais quelqu'un qui défendait une cause, je ne peux pas en faire autant.

T.A.D. : C'est évident. Vous Abdallah Anas, émir des combattants arabes du Nord de l'Afghanistan, l'un des premiers moujahidine arabes en Afghanistan et le gendre du cheikh Abdallah Azzam (13) travaillez beaucoup, point important, à améliorer l'image du jihad en distinguant deux périodes : celle du jihad pur et celle du jihad souillé. Par jihad pur, vous entendez celui auquel vous avez participé. Par jihad souillé, vous voulez dire celui qui succède au précédent (14). Ceci en dépit du fait que ceux que vous considérez comme les acteurs du jihad souillé sont aussi vos camarades de combat. Il y a par exemple des gens qui ont servi au sein des groupes que vous dirigiez, comme Abou Obeida Al Banchiri (15), Ali Amine Al Rachidi, qui s'est noyé dans le lac Victoria en 1996, Mohammad Atef, Abou Hafs Al Masri, qui a été tué pendant l'attaque de Kaboul en octobre 2001, ou Abou Doujana et bien d'autres. Tous ceux-là ont rallié Al-Qaïda. Quelle différence entre vous et eux ? Vous avez arrêté et ils ont continué,n'est-ce pas?

Abdallah Anas : Qu'à tous Allah accorde sa miséricorde. Comme vous l'avez dit, le jihad afghan a connu deux phases : celle de la libération du pays des envahisseurs soviétiques, à laquelle tout le monde a participé, de Ronald Reagan à Madame Thatcher en passant par François Mitterrand et jusqu'à Abdallah Azzam... (16)

T.A.D. : Cela veut-il dire que ces gens sont tous des moujahidine ?

Abdallah Anas : Un jour, j'ai rencontré l'un des Américains concernés par cette affaire. Il m'a posé la même question. Si vous qualifiez cette période de terroriste, lui ai-je dit, il faut que nous nous rendions tous au Tribunal International de La Haye et que nous soyons jugés. Parce que les Stingers (17) étaient envoyés par Reagan, les billets (d'avion) étaient émis avec une réduction de 75% en Arabie Saoudite, Hosni Moubarak s'était entendu avec l'ordre des médecins (égyptiens) pour qu'ils aillent soigner les immigrés (arabes) là-bas (en Afghanistan (18). Par Allah, n'écoutez pas les gens animés de mauvaises intentions, les négationnistes qui disent que le jihad était une création des Américains.

T.A.D. : Mais ne venez-vous pas de dire que Ronald Reagan y a participé ? (19)

Abdallah Anas : Sa contribution n'est pas un mal. Quand les intérêts des moujahidine, des Arabes ou des Afghans qui veulent libérer leur pays convergent et qu'ils trouvent quelqu'un qui leur donne des armes, que ce dernier soit remercié.

T.A.D. : Vous vouliez jurer par Allah.

Abdallah Anas : Par Allah tout puissant, laissez tomber ce que disent les négationnistes qui ne connaissent rien à cette affaire, celle de ma naissance et de celle de dizaines de combattants qui ont fait le jihad en Afghanistan. Il y avait en Afghanistan des moments d'intimité avec Allah, des moments d'émotion spirituelle et de foi que nous n'oublierons jamais. Il suffirait qu'à cette époque, louanges à Allah, qu'Il soit exalté, j'eusse fait la connaissance d'Abdallah Azzam et d'Ahmad Shah Massoud.

T.A.D. : Ceci est clair, Maître Abdallah, mais il y a ceux que vous associez au jihad qualifié par vous de souillé. Eux aussi parlent de ces sentiments et impressions, mais pour évoquer la période qui suit la chute de Kaboul. Je parle d'Oussama Ben Laden, des gens d'Al Qaïda, qui sont convaincus d'être des moujahidine. Ils disent avoir vécu des moments grandioses, des moments de foi et ils disent aussi qu'ils ont connu une seconde naissance (20) pendant cette période que vous dénigrez. Comment faire la différence entre eux et vous ?

Abdallah Anas : Pour moi, chacun doit prendre la responsabilité de ses décisions. En ce qui me concerne, quand nous étions en Afghanistan, le pays était sous occupation soviétique, sous le joug d'un gouvernement communiste qui voulait imposer l'athéisme au peuple afghan. Alors le jihad était un devoir incontournable qui incombait à tout musulman et ceci jusqu'à la fin de la mission en 1992. Mais il existe une seconde période pour les arabo-Afghans et les Taliban afghans. C'est celle du conflit entre Kandahar et le Panshir, entre les Pachtouns et le Nord, entre le Nord et le Sud. Or, cet affrontement avait aussi une portée internationale. La mouvance de Kandahar obéissait au Pakistan, à l'armée pakistanaise exactement, qui à l'époque avait à sa tête Musharraf soutenu par les Etats-Unis (21). Les ambassades des Taliban n'ont été ouvertes que dans des pays alliés des Américains, comme le Qatar et l'Arabie Saoudite (22).

T.A.D. : Pas le Qatar. Seulement les Emirats, l'Arabie Saoudite et le Pakistan.

Abdallah Anas : Les Taliban avaient une ambassade au Qatar ou au moins un représentant. De l'autre côté, il y avait Rabbani et son parti...

T.A.D. : Massoud.

Abdallah Anas : Oui, Massoud, avec les Tadjiks, la Russie, l'Inde etc... Selon les principes de la charia, on identifie cela à une lutte interne entre deux ethnies, ici les Tadjiks, là les Pachtouns, le Panshir contre Kandahar (23). Chaque groupe disposait de son réseau d'alliés sur la scène internationale. Je ne vois pas de raison, pour un Arabe de Riad ou d'Algérie d'aller se faire tuer dans une guerre pareille. Du moins est-ce ma vision des choses (...)

T.A.D. : Vous considérez donc que les arabo-Afghans, dont vous parlez, ont participé à une guerre interne à l'égard de laquelle vous avez vous même pris vos distances.

Abdallah Anas : C'est de fait ce qui s'est passé à partir de 1992. Du reste, vous remarquerez vous même qu'Oussama (Ben Laden) était parti d'Afghanistan après la chute de Najibullah.

T.A.D.: Puis il est rentré(NDT incompréhensible).

Abdallah Anas : Je vous donne une information. C'est le gouvernement de Rabbani qui a fait revenir Oussama du Soudan (en Afghanistan) (24). Ceci compte tenu du fait que le Soudan lui était fermé et qu'il n'avait plus nulle part où aller.

T.A.D. : Certes, mais après s'être mis à l'écart, il asoutenu ensuite Mollah Mohammad Omar.

Abdallah Anas : C'est vrai et il a obtenu alors le soutien de Mollah Omar. En parlant, je me souviens. Il y a des noms de frères moujahidine qui ont combattu en Afghanistan (du temps de la guerre contre les Soviétiques) qui circulent. D'autres, par contre, ne sont attachés qu'à la période récente. Certes il y en a que l'on retrouve dans les deux catégories. Cependant, certains ne figurent pas parmi les noms des combattants arabes (du temps de la guerre contre les Soviétiques), comme celui de Monsieur Ayman Al-Zawahiri (25) par exemple.

T.A.D. : Vous parlez de Zawahiri comme si vous vouliez l'exclure du jihad afghan...

Abdallah Anas : Ce n'est pas moi qui intègre ou qui exclut, mais l'Histoire. Zawahiri, Abou Moussaab As-Souri (26), Abou Qatada Al-Filistini (27) et bien d'autres dont les noms ont été associés au jihad afghan ou aux arabo-Afghans, ne peuvent pas être considérés comme des acteurs de la première période du jihad.

T.A.D. : Vous considérez donc qu'ils ont volé votre jihad en se servant des médias.

Abdallah Anas : Je ne puis dire si les mots d'Allah, " Ne t'imagine pas que ceux qui se réjouissent de leurs oeuvres et (qui) aiment à être louangés de ce qu'ils n'ont pas fait... " (28) s'applique à leur cas. C'est aux frères de juger de leurs intentions. Moi, je ne le saurais.

T.A.D. : Vous dites bien, nous avons fait le jihad et pas eux (...)

Abdallah Anas : Ce n'est pas moi qui le dit mais l'Histoire, les combattants arabes qui ont fait le jihad contribuant à la libération de l'Afghanistan. Eux n'en faisaient pas partie.

T.A.D. : Vous êtes l'époux de la fille d'Abdallah Azzam, le père spirituel des moujahidine arabes en Afghanistan, qu'Allah lui accorde sa miséricorde. Il était l'un des plus importants des inspirateurs du jihad en Afghanistan. Après les événements du 11septembre, des doigts accusateurs ont été pointés dans sa direction lui attribuant la responsabilité de la pensée d'Al Qaïda et le désignant comme le mentor d'Oussama Ben Laden. Que dites-vous de cette thèse ?

Abdallah Anas : Il y a dans cela du vrai et du faux. C'est l'une des raisons qui m'ont amené à m'exprimer devant la presse afin de corriger les erreurs. Nous entendons aujourd'hui sur des cassettes diffusées par les télévisions satellites des revendications d'enlèvements, de kidnappings de journalistes et de détournements d'avions. Des groupes se donnent des noms comme " Kataëb Azzam. " Aussi, je me sens le devoir de prouver que le cheikh Abdallah Azzam est, comme vous l'avez dit, non la personnalité la plus importante mais un personnage de premier plan dans le jihad afghan. C'est lui qui a appelé les moujahidine. Ils venaient après avoir vu une cassette de lui, lu un livre qu'il avait écrit ou observé une fatoua dont il était l'auteur. Il était l'émir fondateur du cercle des combattants arabes. Tout le monde est d'accord sur ce point. Néanmoins, il y a une interprétation erronée de la fatoua qu'il avait prononcé pour appeler au jihad. Je vous donne un exemple. Nous étions en voiture avec cheikh Abdallah. Il faisait nuit et traversions un village dans le nord du Pakistan. Un village connu pour être un repère de voleurs et de bandits de grands chemins. C'était aussi une région touristique visitée par de nombreux Occidentaux. Sur la route, trois jeunes filles (occidentales) attendaient le passage d'une voiture. Il était dix ou onze heures. Le cheikh Abdallah a ordonné au chauffeur de s'arrêter et de faire monter les jeunes filles. Arrivant à la ville, distante d'une vingtaine de kilomètres, les filles se sont rendues à l'hôtel où elles résidaient. L'un des jeunes qui nous accompagnaient, Kadi Saïd, qui est mort depuis en Algérie,m'a dit :" Je n'arrive pas à comprendre comment le cheikh a pu nous imposer la promiscuité de ces filles ! " J'ai interrogé le cheikh. Il m'a répondu : " Si nous les avions laissées dans ce village désert, dans cette région peuplée de bandits, elles auraient pu être violées, tuées ou kidnappées. Nous en aurions été responsables devant Allah. " Quelle hauteur de vue ! Cela n'a rien à voir avec ces enlèvements de journalistes, dont j'entends parler, en Irak, en Afghanistan ou à Peshawar sous prétexte qu'ils sont Occidentaux, croisés ou infidèles (29).

 

T.A.D. : Et l'assassinat de civils ?

Abdallah Anas : Je pense aussi au meurtre de civils. Je connais beaucoup de journalistes et, jusqu'à aujourd'hui, je suis resté ami avec certains d'entre eux en Europe. Ils visitaient Massoud au Panshir, réalisaient des interviews, filmaient les combats. Dans notre culture du jihad, on n'enlève pas les civils, on ne pose pas de bombes dans les restaurants (30). Savez-vous que les ambassades ou les consulats russes et afghans du régime communiste se trouvaient au Pakistan (pendant la guerre). A aucun moment les moujahidine n'ont songé à enlever des diplomates...

T.A.D. : Ni à faire sauter les bâtiments...

Abdallah Anas : Ni à faire sauter les bâtiments, parce que cela n'est pas inscrit dans la culture du jihad dont nous avons héritée. Le jihad se cantonne au champ de bataille, aux combats, aux tranchées.

T.A.D. : C'est un combat d'homme à homme.

Abdallah Anas : Oui, c'est un combat d'homme à homme. Quand nous quittions les tranchées, les femmes, les enfants, les nourrissons et les civils ne risquaient rien. Néanmoins, aujourd'hui, les choses ne sont plus très claires. Les Américains agressent les terres de l'islam... (31)

T.A.D. : C'est bien, mais je voudrais que nous parlions de cheikh Abdallah Azzam (32). Beaucoup de ses propos ont été rapportés par Abou Moussaab As-Souri, aussi nommé Omar Abdelhakim dans son livre " Daawat Al-Mouqawammah Al-Islamiya " à la page 707. Il affirme que le cheikh Abdallah (33) aurait dit : " Je veux que de chaque pays arabe vienne ne serait-ce que 40 moujahidine. La moitié tombera en martyrs et l'autre moitié rentrera chez elle pour porter la daawa dans son pays. " Que pensez-vous de ces mots ?

Abdallah Anas : je ne sais pas de qui il a pris ces mots, mais moi je les ai entendus de la bouche même du cheikh Abdallah Azzam.

T.A.D. : Il veut donc dire par là que ces 20 jeunes qui rentreront dans leur pays travailleront à renverser le régime en place (34).

Abdallah Anas : Comme j'ai entendu ce propos, laissez-moi vous conter les circonstances. Cheikh Abdallah a dit : " Combien j'aimerais que la communauté islamique ou le mouvement islamique envoie quelques-uns de ses fils en Afghanistan. Leur présence en Afghanistan dans un combat en plein jour façonnera leur caractère et les rendra capables d'affronter l'avenir. Ils mûriront, leur expérience se renforcera ainsi que leur connaissance. Ils comprendront que le combat n'est pas seulement un mot que l'on prononce. Il y a les blessés, la faim, les malheureux, les affrontements, les malades. Ils y a des luttes sans pitié, les complots internationaux (...) " Il appelait la miséricorde d'Allah si les fils du mouvement islamique venaient en Afghanistan, si seulement une centaine venait à lui. Alors pensait-il, ils vivraient cette épopée et si beaucoup avaient la chance de mourir, devenant des martyrs d'Allah, les autres rentreraient chez eux endurcis. Je me considère comme l'un de ces derniers. Avec la permission d'Allah, je suis rentré en Algérie (35), mais pas comme un tueur d'enfants ou de civils (...) Je suis fier d'avoir connu Abdallah Azzam.

T.A.D. : Mais vous n'êtes pas rentré pour renverser le régime en place...

Abdallah Anas : Je ne suis pas rentré, mais avec la permission d'Allah.

T.A.D. : Participez-vous au processus politique ?

Abdallah Anas : Oui, par conséquent (NDT : il bafouille) et peut-être pourrai-je maintenant parler de cela sur les chaînes satellites (36). Je peux vous donner les noms de dizaines de personnes qui rendaient visite au cheikh Abdallah Azzam et qui accomplissent aujourd'hui leur mission dans leur pays. Grâce à Allah, il y a le professeur Waël Soleiman (37) en Arabie Saoudite, le cheikh Abdel Majid Al-Zandani (38), au Yémen, et un grand nombre d'autres auxquels je n'ai pas demandé la permission de citer leurs noms. Le cheikh Abdallah Azzam ne recommandait pas de détourner des avions, de tuer des civils ou de le déclarer " haram " (39) les élections...

T.A.D. : Les élections sont donc possibles pour vous...

Abdallah Anas : Bien sûr, cela nous est possible et nous pouvons le faire mais nous n'y croyons pas. Nous ne trouvons pas cela dans la vie du " moustapha " (NDT : autre moyen de nommer Mohammad ou Mahomet), ni dans le jihad tel qu'Abdallah Azzam en avait jeté les bases. Je n'ai pas moi même hérité du message de la vie du plus grand chef militaire des temps actuels, Ahmad Shah Massoud. Ce n'était pas dans nos projets. C'est aussi pourquoi nous avons ressenti le besoin de parler. Parce que l'image du jihad est souillée. Nous savons aujourd'hui les Américains déterminés à considérer toute résistance comme du terrorisme. D'un autre côté, des acteurs d'actions terroristes veulent assimiler leurs attaques au jihad.

T.A.D. : Vous êtes entre le marteau et l'enclume...

Abdallah Anas : Exactement. Comment peut-on qualifier les attaques de Londres de jihad ? C'est un crime absolu. Comment peut-on dire que les opérations de Madrid, d'Istanbul et d'ailleurs sont un jihad ?

T.A.D. : (...) Considérez-vous les attaques du 11 septembre comme des actions criminelles ?

Abdallah Anas : ( NDT : Il bafouille) J'ai déjà donné ma position sur ce point à plusieurs reprises.

T.A.D. : (NDT : Incompréhensible).

Abdallah Anas : Oui, pour nous les Etats-Unis sont un allié stratégique visiblement injuste envers notre peuple en Palestine et qui aide les Israéliens. Les Américains essayent d'occuper nos terres et de...

T.A.D. : Oui, mais répondez à ma question (40). Les Attaques du 11 septembre sont-elles criminelles ou non ?

Abdallah Anas : Frapper l'immeuble du " World Trade Center, " je considère cela comme criminel.

T.A.D. : Et pour le Pentagone ?

Abdallah Anas : Pour le Pentagone, je ne sais pas. C'est une forteresse de l'occupation de la terre d'islam (...)

T.A.D. : Qui se trouve derrière les opérations du 11 septembre ?

Abdallah Anas : Les 19 qui ont été désignés comme les auteurs, par Oussama Ben Laden, sont probablement les exécutants de l'opération (41). Mais dans la préparation et la fourniture des moyens, je ne suis pas convaincu, jusqu'à aujourd'hui, que des mains cachées ne sont pas intervenues (42). Si Allah le veut, peut-être à l'avenir découvrira-t-on le scénario réel (...)

T.A.D. : Qui, en dehors de ces hommes peut avoir exécuté ces attaques ?

Abdallah Anas : Je ne voudrais pas que l'on gaspillât l'émission sur cela. Il peut y avoir de nombreuses ingérences et nous passerions notre temps à en discuter.

T.A.D. : Vous considérez ces attaques comme un crime et pourtant vous voyez dans les Etats-Unis un allié, qui néanmoins commet une injustice en Palestine...

Abdallah Anas : L'Amérique, je ne parle pas de la société américaine, mais de la direction politique des Etats-Unis, à sa tête des néo-conservateurs, a déclaré la guerre contre le monde arabe et islamique. Par conséquent, notre " oumma " (43) ne peut pas se soumettre. On entend en Irak les gens parler des " moujahidine. " D'autres, des perroquets, les qualifient de " combattants étrangers. " Que veulent-ils dire par " étrangers " ? Que fait l'Américain de Caroline du Nord, de Washington DC ou d'ailleurs, voire même le soldat britannique en Irak ? Si nous parlons d'étrangers, ce sont eux les étrangers.

T.A.D. : ce sont des militaires qui servent dans une armée régulière.

Abdallah Anas : Qui leur a donné mandat pour être là ?

T.A.D. : Ils ne jouissent d'aucune légitimité mais ne sont pas entrés clandestinement.

Abdallah Anas : Il faut que les étrangers quittent l'Irak. L'étranger iranien, américain ou britannique est autorisé à entrer. Pourtant les Saoudiens et les Jordaniens sont plus proches des Irakiens par la langue, la religion et la culture.

T.A.D. : Vous approuvez donc le jihad (en Irak).

Abdallah Anas : Pour le moindre pouce de terre musulmane occupée c'est une obligation (religieuse), selon la " fatoua " dont j'ai héritée d'Abdallah Azzam. Le jihad, en Afghanistan, était un devoir obligatoire contre les Russes. J'observe que le jihad en Irak en est aussi un. La " fatoua " est la même. Il faut cependant faire la différence, car en Irak nous devons nous mettre sous les ordres de la direction irakienne, au service des oulémas.

T.A.D. : Voulez-vous dire des gens issus du Baath ? (44)

Abdallah Anas : Non, le " Comité des Ouléma. " Je reconnais le " Comité des Ouléma. " Nous devons nous mettre à ses ordres et dire que nous sommes venus pour satisfaire Allah et libérer l'Irak. " Montrez nous le chemin et guidez-nous, " devons-nous déclarer. Nous ne sommes pas là-bas pour nous comporter comme une structure indépendante, partie prenante dans le conflit, tuant les gens comme le fait Zarqaoui (45) et d'autres que l'on appelle combattants (étrangers). C'est une " fitna " (46) à l'intérieur de l'Irak (que d'agir ainsi).

T.A.D. : En d'autres termes, ce qui fait la différence entre le licite et l'illicite en Irak, c'est le fait de tuer ou de ne pas tuer les civils (...) Pourquoi Abdallah Anas n'est-il pas allé faire le jihad en Irak pour compléter son jihad en Afghanistan ?

Abdallah Anas : Je ne vous cache rien et ne garde rien secret. Je suis, à chaque moment, ému par le jihad en Irak tant que la terre irakienne est sous occupation. Mais je ne suis pas là-bas, parce que je sens qu'Allah, louange à Lui, qu'Il soit exalté, n'a pas ouvert la voie à ma présence sur place. Je ressens dans mon coeur de l'amertume à ne pas défendre la terre islamique d'Irak...

T.A.D. : Il y a pourtant un groupe d'éclaireurs qui les rassemble (...)

Abdallah Anas : Laissez-moi vous dire. J'en ai entendu certains dire : " Il n'y a pas de raison pour vous d'être là-bas. Vous avez un profil politique et une renommée. Si vous allez en Irak, des gens feront des commentaires tendancieux et utiliseront cela à mauvais escient. " J'ai réfléchi. Il faut dire que par la parole, par la plume, par les armes, en prononçant des fatouas ou en donnant de l'argent, tous doivent soutenir le parti des éclaireurs qui mène le jihad en Irak. Tous les efforts doivent être mobilisés pour défendre la terre d'Irak. Mais il faut faire la différence entre cela et les plans d'Al Qaïda ou ceux du " Takfir " (47). La résistance (irakienne) a ses propres projets.

T.A.D. : On ne peut pas faire la différence, parce qu'Al Qaïda brandit l'étendard de la libération...

Abdallah Anas : Je ne peux pas m'inscrire dans la ligne des chaînes satellites qui répandent cette propagande. Je parle de chiffres. Il y a un peuple irakien qui veut libérer son sol et qui vit à l'intérieur de l'Irak. (Les combattants) sont issus de divers horizons politiques, mais la résistance existe bien à l'intérieur de l'Irak. Imaginons que Zarqaoui soit tué ou qu'il quitte l'Irak, la résistance ne prendrait pas fin.

T.A.D. : Vous admettez donc que Zarqaoui mène la résistance.

Abdallah Anas : Non, il ne dirige pas la résistance (48), il en fait partie. Je ne trahis pas un secret en disant que les Américains se sont embourbés en Irak. Venus en occupants, ils ont affirmé que Saddam détenait des armes de destruction massive et avait des liens avec Al Qaïda. A la place de Rumsfeld et de Bush, j'aurais dit la même chose. J'aurais affirmé ne pas être en Irak pour l'occuper mais pour combattre Zarqaoui parce que c'est un terroriste (...) Quand quelqu'un (d'Al Qaïda) fait un communiqué en révélant sa présence, il sert Rumsfeld et le gouvernement américain en leur donnant un
prétexte. Cela nous éloigne de l'objectif, la libération de la terre irakienne de l'occupation, en donnant des excuses aux Américains qui prétendent être là pour combattre Al Qaïda. Al Qaïda doit les priver de cette mauvaise raison (49).

T.A.D. : Tout cela se mélange. Si la différence est claire dans votre esprit, entre Al Qaïda et la résistance, il n'en est pas de même pour les autres.

Abdallah Anas : Au contraire, cela est très clair, surtout pour le peuple irakien, qu'il soit proche ou éloigné (de la résistance). Nous nous moquons de la phraséologie américaine ou de celle de certaines chaînes satellites.

T.A.D. : (...) Vous avez dit avoir écrit votre livre " pour libérer les arabo-Afghans des régimes dictatoriaux arabes qui n'ont pas trouvé d'autres boucs émissaires à qui faire porter leurs fautes. " De qui voulez-vous parler ?

Abdallah Anas : Je veux dire par là le régime égyptien, le régime algérien du coup d'Etat de 1992, les régimes libyen et tunisien. Il y a des régimes répressifs qui se sont servi de la cause des arabo-Afghans pour expliquer leurs échecs (...) Ils se sont enfoncés dans la brèche du jeu mondial désigné sous les termes de " guerre contre le terrorisme. " (50).

T.A.D. : Cela n'exonère pas les Arabo-Afghans de leurs erreurs...

Abdallah Anas : Laissez-moi vous donner l'exemple de l'Algérie d'où je viens. Le GIA, cette organisation criminelle, a été infiltrée par les services de renseignements algériens qui ont commis des atrocités. Aucuns des émirs (du GIA) n'a jamais mis les pieds en Afghanistan. Ni Bouazmi, ni Zouabri. C'est un problème interne qui est né à l'intérieur du pays, contrairement à ce que dit le régime (51).

T.A.D. : Je vous remercie.

 

Abdallah Azzam

(1)Abdallah Azzam est un Palestinien qui appartenait à la secte des Frères musulmans (Lire: Origine des Frères Musulmans) Il enseignait la théologie islamique en Arabie Saoudite. Dans les années 70, il a été le professeur d'Oussama Ben Laden qui, orphelin, s'est attaché à lui (voir notre livre " La guerre infernale "). Abdallah Azzam avait créé un centre pour recevoir les islamistes arabes qui venaient au Pakistan, à Peshawar. Certains d'entre eux partaient ensuite pour combattre en Afghanistan. Abdallah Azzam est mort dans un attentat, à Peshawar, en 1989. On ignore le nom et l'appartenance des auteurs de cet attentat.

(2) Abdallah Anas valorise beaucoup sa relation avec Ahmad Shah Massoud en raison de la célébrité de ce dernier. D'après nos informations, ces relations n'étaient pas très bonnes. Massoud tolérait une unité d'Arabes qui s'était constituée dans le Panchir, la région qu'il contrôlait, pour bénéficier des largesses des Saoudiens et des monarchies du Golfe. Le différend politique était cependant très net.

(3) Avis juridique rendus par les docteurs de la loi ou " oulema. "

 

La Guerre Infernale,
le montage Ben Laden

 

 

 

(4) De fait, à cette époque, les gouvernements arabes n'ont pas envie de voir revenir chez eux des zélateurs de l'islamisme radical formés à l'usage des armes. Il faut dire, Abdallah Anas n'a jamais été un véritable combattant. Il jouait plus le rôle de commissaire politique. Néanmoins, il ne trouvait d'asile nulle part. De plus, en Afghanistan, les factions de la résistance s'affrontaient pour s'emparer du pouvoir ou pour le garder. En Algérie, il n'avait pas envie, avons-nous compris, de vivre dans les maquis. Quant à la France, les autorités lui refusaient l'entrée du territoire.

 

 

 

 

(5) Le journaliste, plus habile dans le reste de l'interview, attaque Abdallah Anas sur un détail sans importance. Tous les gens qui se rendaient en Afghanistan pendant l'occupation soviétique, recevaient un nom de guerre. Ceci autant pour des raisons de sécurité, qu'en raison d'une tradition qui s'était instituée. La méthode n'était pas inefficace. Les Soviétiques, arrêtant un collègue français journaliste, lui ont demandé s'il s'appelait Alain Chevalérias.

 

 

(6) Cette remarque est importante. L'Algérie était alors proche de l'Union Soviétique. Sa presse présentait de manière négative la résistance afghane à l'occupation de Moscou. Pourtant, les Algériens, dont quelques-uns que j'ai rencontrés, partaient sans grande difficulté pour le Pakistan. Il est vrai en passant par un pays d'escale comme l'Egypte. Ce constat nous force à nous interroger sur l'infiltration des maquis afghans par les services algériens dès cette époque. Ceci expliquerait la facilité avec laquelle les mêmes services algériens ont infiltrés les maquis du GIA, dans lesquels d'anciens combattants d'Afghanistan servaient.

 

 

(7) Abdallah Anas aime à insister sur sa relation familiale avec Abdallah Azzam, une célébrité dans le monde islamiste.

(8) De fait, on a guère entendu parler d'Abdallah Anas pendant des années. Installé en Grande Bretagne, il avait ouvert une boucherie et se faisait beaucoup plus discret que les chefs islamistes connus . Néanmoins, à partir de 2001, les chaînes comme Al Jazeera ont eu besoin de personnes jouissant d'un minimum de crédibilité sans être impliquées dans les attentats récents. Anas a été utilisé à cette fin.

(9) Sur ce plan, Abdallah Anas s'avance un peu. Il a lui aussi passé beaucoup de temps à Peshawar.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(10) Sur ce terrain, Abdallah Anas exagère un peu. Nous pouvons dire qu'il n'a jamais été l'assistant de Massoud. Seuls des Afghans ont rempli ce rôle. Si, d'aventure, des conseillers étrangers ont pu apporter une aide à Massoud, ce ne peut pas être Anas : il est incompétent sur le plan militaire, ignorant des us et coutumes de l'Afghanistan et, en outre, d'une connaissance très médiocre en matière religieuse musulmane. J'ai assisté à un duel de connaissances religieuses entre lui et un Turc. Anas ne pouvait pas répondre aux questions.

(11) Abdallah Anas montre là sa prétention. Il est loin d'être aussi célèbre.

(12) Il s'agit du bureau d'accueil des combattants afghans créé par Azzam à Peshawar.

 

 

(13) On perçoit le ton faussement admiratif, narquois même, du journaliste.

(14) Le " jihad pur " correspond selon Abdallah Anas aux années 80, à la lutte contre l'Union Soviétique. Le " jihad souillé " commence à la chute du régime communiste de Kaboul.

(15) Abou Obeida Al Banchiri de son nom de guerre et par référence au Panchir (en réalité non Banchiri mais Panchiri. Mais, en arabe, il n'existe pas de lettre " P, " à la différence du persan, parlé en Afghanistan. Le "P" est donc remplacé par un " B "). De son vrai nom, il s'appellait Ali Amine Al Rachidi. Il participait à un trafic de pierres pour le compte d'Al Qaïda. Il est mort noyé dans le Lac Victoria, en Afrique. Mohammad Atef, dont le nom de guerre était Abou Hafs Al Masri, servait comme bras droit d'Oussama Ben Laden. Il est mort pendant l'attaque de Kaboul par les puissances occidentales en novembre 2001. Nous ne savons pas qui est Abou Doujana. Ces gens ont participé aux combats contre les Soviétiques, indirectement aidés par les Etats-Unis.

(16) Abdallah Azzam avait une relation directe avec les Américains. Il se rendait même aux Etats-Unis pour donner des conférences. Autant que nous sachions, ce n'était pas le cas de Ben Laden.

(17) Ce sont des missiles portable sol-air. De fabrication américaine, ils ont été livrés après de longues hésitations par les Etats-Unis à la résistance afghane. A partir de ce moment, les Soviétiques, par crainte de perdre des appareils, ont évité de patrouiller avec leurs hélicoptères de combat trop vulnérables aux tirs de Stingers. Les Soviétiques ont perdu l'avantage aérien et les colonnes de la résistance ont accru leur mobilité. On le voit, les Stingers ont joué un rôle essentiel dans l'issue de la guerre.

(18) Tout ceci est authentique. Néanmoins, l'aide américaine était patente.

(19) Le journaliste met en évidence les contradictions d'Anas.

Un Stinger en action

(20) pour comprendre comment des hommes, parfois des femmes, entrent en jihad et commettent des actions qualifiables de terroristes, allant parfois jusqu'à se donner la mort, il faut aussi comprendre la dimension mystique qui les anime. Cette dimension de la lutte contre le terrorisme passe par une resocialisation que certains appelleront rééducation.

(21) Abdallah Anas évoque là la période des années 90, à partir de la prise de Kaboul par la résistance afghane. En gros, deux camps se sont mis en place : au nord les Tadjiks d'Ahmad Shah Massoud avec Rabbani, le chef politique. Au sud les Pachtouns, qui seront bientôt repris en main par les Taliban. Paradoxalement, le Sud était alors soutenu par le Pakistan et les Américains, tandis que Massoud finit par conclure une alliance avec les Russes.

(22) De fait, les Américains et certains pays arabes ont été les seuls pays à reconnaître le gouvernement des Taliban quand ils se sont installés à Kaboul en septembre 1996.

(23) Kandahar est une ville du Sud et le berceau de la monarchie afghane.

Livre : "Islam avenir du monde,
Entretiens avec
Hassan Al-Tourabi" Alain Chevalérias, aux Editions Balland

 

Ben Laden au Soudan

(24) Cette information est très peu crédible. En mai 1996, Ben Laden quittait le Soudan dans un avion gros porteur qu'il avait affrété. Les Soudanais l'avait prié de partir en raison des pressions américaines. J'ai évoqué ce sujet avec Hassan Al Tourabi (voir le livre" Islam avenir du Monde "). En outre, arrivant au Pakistan, il ne se pose pas dans le Nord, mais à Kandahar, dans la zone dominée par les Taliban. L'attendent à l'aéroport deux de ses amis afghans, anciens chefs de la résistance aux Soviétiques et ralliés aux Taliban : Yunus Khales et Jallaludin Haqqani, celui qui l'emmena pour la première fois au combat.

(25) Il ne dit pas "cheikh" Ayman Al-Zawahiri mais "Monsieur." On sent la haine d'Abdallah Anas contre le bras droit de Ben Laden. Peut-être aussi de la jalousie. On remarque aussi la réflexion fielleuse pour faire remarquer que Zawahiri n'a pas combattu contre les Soviétiques. De fait, autant que nous sachions, quand il est arrivé au Pakistan, il exerçait son métier de chirurgien pour soigner les blessés venant d'Afghanistan.

(26) Abou Moussab As-Souri a été arrêté au Pakistan en 2005. De nationalité syrienne, il est l'auteur d'un dessin dirigé contre la France pour la publication du GIA algérien éditée à Londres. On voyait une bombe dans le corps de la Tour Eiffel.

(27) Abou Qatada Al-Filistini est un Palestinien de Jordanie et posait au prédicateur à Londres. Après des années d'activité, au lendemain des attentats de Londres, il a été arrêté et est détenu en Grande Bretagne.

(28) Coran, verset 188 de la sourate III, d'après la traduction du cheikh Si Boubakeur Hamza, ancien recteur de la mosquée de Paris. Une attaque frontale pour dire que ces gens s'attribuent des mérites qui ne sont pas les leurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(29) Certes Abdallah Anas, qui vit en Grande-Bretagne, cherche à se protéger. Associé à la carrière d'Azzam, il est logique qu'il le présentât sous le meilleur jour. Néanmoins, l'un des fils d'Azzam a lui aussi donné des interviews dans lesquels il affirme que son père était opposé à la violence contre les civils. Cependant, autre élément à verser au dossier, j'ai entendu Abdallah Anas préconiser le jihad en France pour " donner un gouvernement musulman " à ce pays (Ces informations ont été publiées dans une vingtaine de journaux en 1985 et dans mon livre " La guerre infernale. ")

(30) On peut, bien sûr, douter de la sincérité d'Abdallah Anas. C'est une affaire de prudence. On peut aussi lire dans ces mots une approche différente de ce qu'il appelle le jihad.

 

(31) Abdallah Anas tente de faire porter une partie de la responsabilité de la violence islamiste extrême aux Américains.

(32) Intéressant d'observer la réaction du journaliste d'Al Arabyia. La chaîne, basée aux Emirats, jouit d'une certaine liberté de ton. Il y a néanmoins des lignes rouges à ne pas dépasser.

(33) Il s'agit d'Abdallah Azzam.

 

 

 

(34) Ceci est bien dans la ligne politique préconisée par Abdallah Anas quand nous l'avons entendu dans les maquis de la résistance afghane contre les Soviétiques. On voit le journaliste cherchant à attribuer la responsabilité idéologique des attaques actuelles à Azzam.

 

 

 

 

 

 

 

 

(35) En fait, après l'Afghanistan, Abdallah Anas n'est pas rentré en Algérie. Il vit en exil à Londres.

 

 

 

 

(36) Abdallah Anas est mal à l'aise parce qu'il est coupé de l'opposition armée islamiste. Il change de sujet.

(37) Nous ne connaissons pas cette personnalité.

(38) Cheikh Abdel Majid Al-Zandani est un haut responsable islamiste yéménite proche des Frères musulmans. Il participait au sommet islamiste de Khartoum en mars 1995.

(39) Le " haram " est l'interdit religieux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(40) Le journaliste cherche à piéger Abdallah Anas mais aussi à l'empêcher de trop critiquer les Américains.

 

 

 

 

 

 

 

(41) Il s'agit des 19 kamikazes du 11 septembre 2001.

(42) Abdallah Anas laisse clairement entendre que d'autres mains que celles des islamistes auraient pu participer à la mise sur pied des attaques du 11 septembre 2001.

 

 

 

 

 

 

 

(43) Communauté des musulmans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


(44) La parti Baath est le parti dont Saddam Hussein s'est servi pour accéder au pouvoir. Nationaliste panarabe, il a été le pilier du régime.

Cheikh Mohammad Ayache al Kobeissi, responsable des relations extérieures du Comité des Ouléma en Irak. (Lire Interview)

 

(45) Intéressant de noter la critique contre Zarkaoui.

(46) Division sacrilège de la communauté musulmane.

 

Zarqaoui sur une vidéo diffusée en avril 2006. Lire l'analyse

 

 

 

 

 

 

 

(47) Le " takfir " est l'accusation d'impiété. Anas veut parler de " ceux qui excommunient " les musulmans dont la foi manque de fermeté à leurs yeux. Le " Takfir Wal Hijra " est une organisation islamiste radicale et particulièrement violente qui considèrent apostats, donc passible de mort, tous les musulmans qui n'appartiennent pas à leur mouvance.

 

 

 

(48) Cette observation est exacte, contrairement à une certaine propagande qui lui donne plus d'importance qu'il n'en a, Zarkaoui n'est qu'un chef de bande, sans doute manipulé.(Lire: Qui est Zarqaoui?)

 

 

 

 

 

(49) Cette analyse n'est pas dépourvue de bon sens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(50) Nous touchons là un point sensible du conflit. De fait, les Américains ont rallié à eux des régimes arabes répressifs les affranchissant de toutes critiques sous couvert de " guerre contre le terrorisme. " Facile pour Abdallah Anas de flétrir Washington sur ce point. Néanmoins, il agit de manière similaire en justifiant " son " jihad au nom des fautes commises par les Américains.

(51) Il y a du vrai et du faux. Certains membres du GIA et du FIS sont passés par les maquis afghans. Néanmoins, la plupart ne s'est jamais rendue en Afghanistan. Quant à l'infiltration des services algériens dans le GIA elle est réelle. (Lire: Qui a enlevé les otages du Sahara?)

Copyright Traduction Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001

 

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