INTERVIEW DE OMAR BAKRI
A TRIPOLI (LIBAN)
EN JUILLET 2007
 

Nous avons réalisé cette interview à Tripoli, dans les locaux de l'école ouverte par Omar Bakri. Il est intéressant d'entendre les positions d'un homme qui se pose en conciliateur de la tendance islamiste avec l'Occident. A chacun de se faire son opinion.

Alain Chevalérias : J'aimerais tout d'abord que vous vous présentiez.

Omar Bakri : Je m'appelle Omar Bakri Mohammad Foustok. Je suis Libanais par la naissance, par l'éducation et par le sang (les biographies le disent pourtant né en Syrie). Je ne suis jamais allé en Syrie, je n'y ai pas de biens, je n'y ai pas étudié et je n'y ai jamais mis les pieds de ma vie. Pour montrer comment les médias occidentaux font mal leur travail. Ils se copient les uns sur les autres sans rien vérifier. Je n'ai jamais dit que j'étais Syrien. Quand on m'interrogeait sur mes origines, je répondais que je venais de " Bilad ach Cham ", c'est à dire la région du Liban, de la Jordanie, de la Syrie et de la Palestine. Mais personne au Liban n'appartient pas à la Grande Syrie, si on peut dire. Dans mon enfance, j'ai étudié la Charia à l'école " Imam Ouzaï " à Beyrouth, où j'étais interne. Puis je suis entré à " Ibad Ar-Rahmane " avec le cheikh Abou Omar Ad Daouq. J'ai travaillé sur la constitution islamique, le droit chafiite, les règles de la " tarika Naqchbandi " (1) etc...

A.C. : Voulez-vous dire le soufisme ?

Omar Bakri :
Oui, mais les Frères Musulmans, à " Ibad Ar Rahmane ", se sont séparés de nous. Ils ont formé le " Jamaa Islamiyya ", avec Fathi Yagan et Fayçal Maoulaoui (2). Mais nous avons tous commencé à " Ibad Ar-Rahmane ".

A.C. : Vous êtes soufi ?

Omar Bakri : J'ai très bien étudié le soufisme, néanmoins je ne suis pas soufi mais quand on étudie l'islam, il faut s'intéresser à toutes les branches. Je suis un spécialiste des sectes et des groupes de l'islam pour les avoir pratiqués, non pas en tant que " séculier ", mais en tant que croyant. C'est là toute la différence entre moi et Abdel Bari Atwane (3) et d'autres encore quand ils s'expriment comme experts sur ce sujet. Les " séculiers ", quand ils parlent, expriment un point de vue politique mais ils n'intègrent pas la dimension théologique. Je ne pense pas que Abdel Bari Atwane sache ce qu'est le " mourji'sme ", bien que le " mourji'sme " (4) soit un point de différence capital entre les " salafistes " et les non-salafistes (5). Après quoi, j'ai étudié à " Al Azhar " au Liban, du temps de cheikh Hassan Khaled, pendant environ un an. Puis, en 1978, j'ai quitté le pays après m'être marié. J'avais 17 ou 18 ans. Je ne suis revenu qu'en août 2005. A la Mecque je suis allé à Oum al Qoura, à l'école Souratiyya. Je me suis intéressé au " déobandisme " (6), au " hanafisme " (7), j'ai étudié les règles fondamentales de la jurisprudence des quatre écoles juridiques musulmanes avec les cheikh Hafez Makki, Issa Mansouri, Zahed Rachidi et Abou Ammar. Ils dirigent la madrassa Souratiyya à la Mecque.

A.C. : Ayant étudié le " déobandisme ", vous devez entretenir de bonnes relations avec les Pakistanais et les Afghans...

O.B. :
Oui, parce que je connais le " déobandisme ", mais aussi le soufisme (...) J'ai fondé le " Mouvement Khilafat " (8) en septembre ou octobre 1985. Puis je me suis installé en Grande Bretagne en 1986. Je suis entré avec un visa de touriste et non pas comme réfugié politique comme on l'a écrit. En Grande-Bretagne, la police ne m'a jamais interrogé. Une fois, à l'instigation d'un élu local, elle a perquisitionné chez moi mais n'a rien trouvé.

A.C. : Vous avez quand même fait parler de vous dans ce pays !

O. B. : J'ai attiré l'attention du public quand j'ai participé à une manifestation à l'occasion du " Jour de la Terre ", la commémoration de l'agression perpétrée contre le peuple palestinien par les Israéliens. A notre très grande surprise, 15 000 personnes étaient présentes. La police a voulu parler à l'organisateur. Elle s'est adressée à moi. A l'époque, je parlais très mal l'anglais (...) En 1990, deux ou trois hommes sont venus de Jordanie. Avant cela, un autre était venu d'Allemagne, Toufic Moustafa. Ils me savaient attaché aux fondements de l'islam et m'ont donné leurs livres. J'ai été très impressionné. Après deux rencontres, nous leur avons donné l'accès aux 700 étudiants du collège islamique que j'avais créé, la " London School of Charia ". Puis il y a eu l'affaire de la fatoua à propos de John Major. J'avais édicté une fatoua et les médias ont prétendu qu'elle appelait à tuer John Major (9), le Premier ministre. La police est venue, m'a demandé ce que j'avais dit et est repartie.

A.C. : Etait-ce une fatoua écrite ?

O. B. : Oui. Elle disait : " Il n'est pas permis aux musulmans vivant en Royaume Uni de combattre ou de tuer qui que ce soit, parce qu'il leur est interdit de combattre les gens parmi lesquels ils vivent. Cela parce que le visa qui les autorise à entrer dans le pays vaut un traité de paix. Cependant, quand John Major va dans le Golfe, il peut être victime d'attaques de musulmans, parce qu'il n'y a pas de traité avec ceux de ces pays ". Ce n'était pas une fatoua appelant à tuer, mais l'élaboration d'une règle islamique pour les musulmans vivant au Royaume-Uni, et non pour nos frères vivant dans les pays du Golfe. La police l'a compris, mais les médias disaient quand même : " Omar Bakri a appelé à tuer John Major ".

A.C. : Connaissez-vous Hassan Tourabi (10) ?

O.B. : Hassan Tourabi, ce n'est pas Omar Bakri. Il y a une différence entre Hassan Tourabi et Abou Qatada (11), Abou Mohammad al Maqdessi (12) ou moi. Hassan Tourabi est un musulman délicat, doux dans ses propos. De plus, il a un visage sympathique. J'aime peut-être sa manière d'être mais je le désapprouve sur certains points. Il y a une différence entre ces gens modérés et les islamistes de conviction profonde, les islamistes par le cœur et par les actes.

A.C. : Intéressant. Continuons votre histoire.

O.B. : En 1990, le Hezb At-Tahrir (13) n'était pas un groupe. J'ai donné ce nom au mouvement Khilafat et les membres m'en ont confié la direction. C'est tout. Nous avions beaucoup d'activités sur les campus des universités parce que c'est là, qu'à mon avis, le travail doit être concentré... Avec l'aide de Dieu, j'ai réussi à prendre pied dans 57 à 58 campus à travers le pays. J'avais même pénétré la " London School of Economics ". Il y avait en tant que mouvement estudiantin, 3 ou 4 groupes sous le contrôle d'OBM, OBM abréviation d'Omar Bakri Mohammad.

A.C. : OBM pas OBL...

O.B. : Oussama Ben Laden, entre OBM et OBL il y a quelque différence. Lui c'est un grand homme, une légende en comparaison. L'université est l'endroit idéal pour quelqu'un comme moi, parce que l'on peut y débattre. Mais je suis controversé. Je crois que, dans certains cas, pour réveiller quelqu'un, il faut le taper sur la tête. Si vous l'appelez doucement à se réveiller, il ne vous entend pas. Mes activités portent la marque de ce style percutant. Comme " Les 19 magnifiques " (14), le nom que je donne à mes conférences. Si je les appelais " terroristes ", personne ne viendrait. Ce ne serait pas extraordinaire si je les surnommais terroristes, tout le monde l'a fait. Puis à la fin de la conférence, à propos des causes du 11 septembre et ses effets, je dis que ce qu'ont fait ces 19 garçons est indiscutablement du terrorisme. Ils sont " les 19 magnifiques " mais des " terroristes ". L'islam ne nous autorise pas à tuer qui que ce soit, civils ou militaires musulmans ou non-musulmans du peuple dans lequel nous vivons. Quittant les lieux, les auditeurs se disent : " Mon Dieu ! Après toutes les raisons de l'orateur nous a présentées, tout ce que les Etats-Unis ont fait avant le 11 septembre 2001 partout dans le monde ! "

A.C. : Quelles étaient les activités du Hezb At-Tahrir ?

O.B. : Quand j'étais en Grande Bretagne nous avions beaucoup d'activités dans les campus des universités parce que c'est là, qu'à mon avis, le travail doit être concentré. J'utilisais différents noms, je n'ai jamais utilisé celui de Hezb At-Tahrir ou celui de " Al Mouhajiroun Society " parce que le but n'était pas de recruter les gens pour ces groupes mais d'annoncer que l'Islam est la voie de la renaissance et du progrès. Ma mission est d'appeler à l'islam où que j'aille. Je travaille à l'instauration de l'ordre et de la loi islamique. Parce que je suis Omar, en Grande Bretagne, comme Moïse était en Egypte devant Pharaon (15). Je ne parle que du Pharaon du pays où je suis, pas d'un autre. Au contraire de l'opposition irakienne. Elle n'est pas respectable. Vous devez être vous même là où vous êtes. Défiez le Pharaon du pays où vous êtes. Quand je suis au Liban, je défie le Pharaon en place (...) Après le 11 septembre 2001, tout a changé. Je n'ai jamais enfreint la loi au Royaume-Uni. C'est dans les registres, Omar Bakri parle fort contre le pouvoir mais il n'a jamais enfreint la loi.

A.C. : C'est pour cela que vous n'avez pas été arrêté.

O.B. : (Avec un rire de satisfaction) Oui, voyez-vous, j'utilise la marge de la loi. Je ne me suis jamais intégré. J'étais contre l'intégration. Je ne me suis jamais isolé, je suis contre l'isolation. Je suis pour l'interactivité au sein de la société. Je vais partout, je parle aux gens et je fais l'analyse des évènements devant eux. J'ai découvert que dans les années 60 et 70 les populations des pays musulmans venaient en Grande Bretagne pour des raisons économiques. Ces gens ne demandaient qu'un toit, de la viande " halal " et quelques mosquées. Or, jusqu'à aujourd'hui, leurs enfants ne parlent pas anglais. Ils parlent bengali, ourdou, hindi. Savez-vous pourquoi ? Parce qu'ils se sont isolés. Puis les enfants sont venus. A la maison, le fils s'appelait Abdeljabbar mais en entrant à l'université, il est devenu " Bobby ". Sa sœur, Khadija, va à l'école ou à l'université. Ils font la fête avec les autres, boivent et dansent avec eux.

A.C. : A partir de quand les choses changent-elles ?

O.B. : A partir des années 90. Peut-être la culture occidentale est-elle la cause de ce changement, à moins que ce ne soit une croisade lancée contre l'islam. Je dis peut-être. Peut-être aussi le racisme de l'Occident. Pas seulement contre les musulmans mais contre tous les gens de couleur. Les Blancs dansent et font la fête avec Abdeljabbar, mais ils l'appellent " Paki " (Pakistanais), après tout ce qu'il a fait pour se faire accepter : il a changé son nom de Abdeljabbar en Bobby, il a remisé son "sharwal-kamis" (16) et s'est habillé à la John Travolta. Mais il reste le " Paki ", un " putain d'Arabe ". Et ma génération arrive. Elle dit, viens Bobby, tu n'es pas Bobby, mais Abdeljabbar, tu fais partie d'une grande nation, tu es musulman, tu appartiens à une civilisation vielle de 1300 ans. Il n'a plus besoin de changer son nom en Bobby, il est fier, " je suis mollah Abdeljabbar ", dit-il. Dans les campus de l'université ils se présente comme tel, il peut enfin parler de compassion, d'amour. Il peut créer des associations islamiques.

A.C. : C'est ce que vous avez fait pour eux ?

O.B. : Toutes mes associations, je ne les ai pas intitulées " islamiques ", parce que je sais qu'on a des problèmes avec ce mot. Je les appelais " One to one society ", " Société de la paix ", " Association intellectuelle ", " Comité 1924 ". Pourquoi 1924 ? C'est la date de la chute du califat (17). J'utilisais des noms non-islamiques dans les campus pour attirer les gens. Pourquoi ? Parce que l'islam n'est pas une fin en soi. Islam veut dire soumission. Quand on me demande quelle est ma religion, je réponds que je suis " un soumis ". Que veut dire soumis ? C'est celui qui croit qu'il n'y a qu'un seul Dieu. Je me soumets au Dieu Tout puissant. Le nom de ma religion en arabe est Islam, en anglais c'est " submission " (18). La soumission aux ordres de Dieu. Les gens d'habitude n'aiment pas parler de trancher la main des voleurs, de la flagellation des fornicateurs, de la lapidation à mort des adultères, de la décapitation des criminels...

A.C. : Vous me permettrez de vous faire remarquer que la lapidation des adultères n'existe pas dans le Coran. Il n'est question que de flagellation.

O.B. : C'est dans la Sunna. Mohammad, paix et bénédiction d'Allah sur lui, a fait lapider à mort la Ghamidiya. La révélation pour moi est le Coran et la Sunna (19). Par exemple, vous ne trouverez pas dans le Coran l'obligation de prier 5 fois par jour. La manière de prier n'est même pas mentionnée. La Sunna explique tout cela en détail. La Sunna est l'élaboration du Coran, les dires du prophète, ses actions, et aussi le consensus des croyants, l'" ijmaa " en arabe (20). La société musulmane modérée n'approuve pas quand je parle des châtiments corporels, de la lapidation, de l'amputation de la main ou de la décapitation. De toute évidence, ce n'est pas si controversé et les gens veulent savoir. Ils découvrent que dans système islamique il est impossible de condamner un innocent. Regardez combien d'innocents sont condamnés en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis parce qu'ils n'ont pas le système pénal qui existe dans l'islam. Je leur démontre que pour satisfaire aux règles, avant de couper la main d'un voleur, il faut tout d'abord que la société soit islamique, ensuite que l'Etat soit islamique, enfin que la cour soit islamique. Il faut aussi que les conditions de vie de la population soient correctes et que le vol ne soit pas commis sous l'emprise de la faim. Point capital, il faut que l'accusé confesse lui-même sa faute ou que des témoins du délit déposent devant le tribunal. Sinon le châtiment ne peut pas être prononcé. Y compris si des preuves circonstancielles sont apportées. Vous savez, ce genre de preuves stupides que l'on dépose devant les tribunaux.

A.C. : Si vous voulez mais dites-moi quels sont les pays qui appliquent l'amputation de la main ?

O.B. : Le Soudan, l'Iran, l'Arabie Saoudite. Même les Taliban ont fait cela.

A.C. : Respectent-ils les principes que vous avez énumérés ?

O.B. : Non. La question est qu'ils décapitent. Ils tranchent la tête avec une épée. Ce n'est pas un nouveau phénomène, les Français utilisaient la guillotine. C'était quelque chose de civilisé.

A.C. : Pourquoi civilisé ?

O.B. : Dans le passé l'homosexualité était tabou et maintenant...

A.C. : Restons sur notre thème ou je vais m'y perdre. Vous avez présenté des conditions à remplir avant d'appliquer les châtiments en Islam. C'est vrai, ce sont les règles de l'islam. Mais qui les applique aujourd'hui ?

O.B. : Personne ne les applique complètement, d'où les injustices. C'est pourquoi nous appelons à un Etat islamique

A.C. : Même l'Iran et l'Arabie Saoudite ?

O.B. : L'Iran et l'Arabie Saoudite ne sont pas des pays islamiques, ce sont des pays corrompus.

A.C. : Pourquoi les Britanniques vous ont-ils expulsé de Grande-Bretagne ?

O.B. : Ils ne m'ont pas expulsé, je suis parti de mon propre gré. Je suis toujours en avance d'un coup. J'ai dissous les Mouhajirounes en mars 2004 et cela devant des milliers de gens. Toutes leurs branches, aux Etats-Unis, au Pakistan, dans l'île Maurice, au Bangladesh, au Koweït et en Grande-Bretagne. Je les ai dissous parce que je savais qu'ils allaient être interdits. En 2005, Tony Blair pouvait bluffer en annonçant leur bannissement dans un discours en 2005, les Mouhajiroune n'existaient plus depuis 2004. Cette fois-ci encore, avant mon départ de Londres pour le Liban, j'ai donné une conférence de presse à l'hôtel Sheraton devant tous les médias, la BBC, ITV, CNN etc... Je suis l'homme des médias, je les tiens dans ma main, aujourd'hui encore. Regardez, les gens viennent de partout pour écouter Omar Bakri. Pendant la conférence, j'ai dit ne plus être autorisé à vivre au Royaume-Uni, parce que l'islam m'interdit d'habiter un pays où je ne peux pas promouvoir l'islam, que je ne peux pas y promouvoir le bien contre le mal. Si vous ne m'aimez pas, jetez moi dehors, mais ne parlez plus de liberté d'expression. J'utilise la liberté de parole qui existe. Je vais vous dire un secret que je n'ai jamais dit avant.

A.C. :
Je ne le répèterai pas !

O.B. : Vous le pouvez ! Les gens se demandaient pourquoi la police ne m'avait jamais interrogé. En fait, elle l'avait fait mais Omar Bakri est différent. J'ai crée des associations islamiques et, parmi elles, une association d'avocats musulmans. Je leur ai demandé de m'expliquer comment le système fonctionnait. Quand le journaliste du Daily Star a écrit : " Omar Bakri a appelé à tuer John Major ". Je n'ai jamais dit cela, mes propos étaient clairs, je ne suis pas fou et je mesure bien mes mots. Je disais aux musulmans vivant en Grande-Bretagne, vous pouvez dénoncer la politique étrangère britannique, parler sans concession des mauvaises actions commises au nom de la Grande-Bretagne contre le monde musulman mais il vous est interdit d'attaquer physiquement les habitants de ce pays. Dieu vous l'interdit. J'étais capable de contrôler la jeunesse. J'étais capable de canaliser la colère causée par la guerre en Bosnie, au Cachemire, en Tchétchénie, en Irak ou en Palestine. Dans les manifestations, les discussions ou les conférences, j'avais le contrôle de tout ça. Si j'avais été un jihadiste radical, cela aurait été un désastre pour la Grande-Bretagne mais je ne suis qu'un prédicateur radical. Les prédicateurs radicaux sont un gage de sécurité pour encadrer la jeunesse. Nous ne sommes pas une partie du problème mais une partie de la solution.

A.C. : Les Britanniques devraient vous remercier.

O.B. : Maintenant que j'ai quitté, il n'y a pas plus personne pour contenir la colère des jeunes. Ils n'ont plus leur Omar Bakri, leur prédicateur radical, en qui ils avaient confiance et qui leur servait de référence. Abou Hamza est en prison, Abou Qatada aussi, Omar Bakri est interdit de séjour. Je n'ai pas fait appel contre cette décision. Je n'ai même planifié de retourner en Grande-Bretagne (...)

A.C. : Les Britanniques n'ont peut-être pas envie que vous retourniez en Grande-Bretagne...

O.B. : Bien ! Voyons comment les musulmans modérés vont s'en sortir ! Ils invitaient à ne pas écouter les extrémistes. Il n'y a plus d'extrémistes, ils sont partis. Mais la jeunesse musulmane ne veut pas écouter Tony Blair, même s'il disait " je suis le mollah Tony Blair, je suis cheikh Tony Blair, j'ai lu le Coran plusieurs fois, j'aime l'islam, j'aime les musulmans". Vous ne pouvez pas tromper les jeunes, ils voient en vous, Tony Blair, un non-musulman. Vous n'êtes pas une référence pour eux. D'autre part, le Conseil des Musulmans en Grande-Bretagne, des modérés, s'ils disent obéissez à la reine et n'attaquez pas la police britannique, personne ne les écoutera. Mais si Omar Bakri dit : " N'obéissez pas à la loi du pays, obéissez uniquement à la loi de Dieu. Si l'islam autorise une action, faites-la, s'il l'interdit vous ne pouvez pas le faire ". Et j'ajoute : " L'islam vous interdit d'attaquer les gens parmi lesquels vous vivez ". Vous verrez, ils m'écouteront. Le point de vue radical s'appuie sur le Coran. Il est dit " n'obéissez pas aux infidèles, n'obéissez pas aux hypocrites ". Les modérés disent " Obéissez aux lois du pays ". Mais de quoi parlent-ils ? C'est l'opposé du Coran (...)

A.C. : Alors que faire, selon votre logique ?

O.B. : Je crois que j'étais un gage de stabilité et non pas d'instabilité. Vous voyez, je suis arrivé au Liban, je ne combats personne ici. J'enseigne seulement l'Islam. J'ai trouvé au Liban une liberté d'expression dont je ne jouissais plus en Grande Bretagne. Pouvez-vous croire cela ? Je peux m'exprimer ouvertement, avec force et fierté à la télévision nationale, sur la radio, dans les journaux, en tant qu'expert sur les groupes islamiques et les écoles théologiques. En tant qu'islamiste et non pas en tant que modéré. Je dis la même chose qu'en Grande-Bretagne. Je n'ai pas changé un mot mais ici il n'y a personne pour me citer en déformant mes propos (...)

A.C. : Etes-vous toujours actif dans les milieux étudiants ?

O.B. : J'ai formé un groupe ici que j'ai appelé Majmouaat Iqra' al Iilmiya (21). Je suis allé à l'université du Balamand (22), où je donne des conférences et des cours. J'ai des étudiants qui viennent de tous les campus du Liban. Je fais la même chose qu'en Grande-Bretagne. Cependant mes enfants et ma femme me manquent. Ils sont venus ici trois fois, mais le Liban est instable en raison des divisions religieuses. J'ai sept enfants et cinq petits-enfants. J'avais quatre mille étudiants là-bas, ils étaient tous jeunes, en moyenne de quinze ou seize ans. J'ai formé deux générations en Grande-Bretagne. Je les ai mariées, j'ai fait leurs contrats de mariage, ils voyaient en moi un père, un maître, un grand frère. Quand je suis arrivé au Liban j'ai fondé une école à Beyrouth, une grande école et j'ai appelé mes élèves à me rejoindre. Des Britanniques, des Blancs aux yeux bleus, des convertis. Quand ils sont arrivés, l'ambassade britannique est devenue comme folle. Alors les services de sécurité libanais me l'on reproché, me disant que je ne les en avais pas informé. J'ai répondu : " Je vous avais dit que j'allais donner des cours d'arabe pour des élèves venant de l'étranger ". J'avais en fait déclaré que l'école donnerait des cours d'arabe et non pas une formation sur la charia. J'ai dû laisser partir les élèves. Cela m'a coûté beaucoup d'argent. Alors j'ai essayé de faire quelque chose sur Internet. La sécurité s'y est opposée m'accusant de vouloir communiquer avec mes élèves. Que veulent ils que je fasse ? Danseuse du ventre ?

A.C. : Que pensez vous de la relation de Zawahiri (23) avec les Iraniens ?

O.B. : Je ne pense pas qu'ils soient en relation parce qu'il existe une distance importante entre l'idéologie chiite et celle d'Al-Qaïda.

A.C. : Comment expliquez vous les nombreuses références chiites dans les discours de Zawahiri ?

O.B. :
Ce ne sont pas des références chiites, la sourate qu'il avait citée, disant d'" aidez les opprimés ", pourrait l'être par n'importe qui.

A.C. : Il parle de l'Imam Hussein Ibn Ali (24), ce n'est qu'un exemple.

O.B. : Parce que Zawahiri fait la différence entre les chiites arabes et ceux d'Iran qui sont d'orientation persane. Il croit les chiites arabes influencés par les Iraniens à cause de la révolution iranienne. Pour lui, parmi les chiites arabes, il y a des gens bien.

A.C. : Vous vous souvenez sans doute de cette lettre (25) rendue célèbre par Bush lui-même. Elle était supposée adressée par Zawahiri à Zarqaoui. Vous savez le mot " Inqelab ", en arabe, signifier coup d'Etat. En persan, il veut dire révolution. Or dans, cette fameuse lettre, il signifiait révolution, comme en persan. Autre exemple : en arabe, en français ou en anglais on dit " j'ai quitté un parti ". En persan il y a une expression " jouda choudan " qui se traduirait mot à mot par " devenir séparé ". Toujours dans la lettre, l'expression persane a été traduite mot à mot en arabe. En d'autres termes, l'idiotisme persan a été reproduit. En conclusion, la lettre n'a pas été écrite par un arabophone de naissance mais par un persanophone parlant l'arabe. Zawahiri, un Egyptien, un arabophone de naissance, ne peut donc pas en être l'auteur.

O.B. : Ce que vous dites est possible...

A.C. : Cette lettre est un faux. Ce constat soulève d'autres questions. Pourquoi Zawahiri n'a-t-il jamais dénoncé la supercherie ? Qui a pu écrire cette lettre et animé de quelles intentions ? D'autres détails sont surprenants. Les cassettes qu'il fait diffuser le montre dans des conditions de prise de vue de studio, avec un bon éclairage. Tous ces constats amènent à s'interroger sur le lieu où est Zawahiri et sur ses relations avec certains pays de la région.

O.B. : Je suis ouvert à toutes les hypothèses mais ce que je remarque c'est que Al-Qaïda est toujours libre de ses mouvements mais absent du Liban parce que les Libanais, les sunnites, rejettent les vues d'Al-Qaïda. Et puis, les gens d'Al-Qaïda sont comme des fantômes : ils vous attaquent, mais vous ne pouvez pas les attaquer parce que vous ne savez pas où ils sont. Le contraire des hommes de Fatah Al-Islam (...)

A.C. : Comment expliquez vous que Zawahiri multiplie les discours ? Cinq en un mois, au point que l'on n'y prend plus garde, alors que les apparitions de Ben Laden sont très rares...

O.B. : Ce sont de vieilles cassettes de Ben Laden qui datent de quatre ans, des montages. Si Ben Laden ne se montre pas, c'est qu'il joue à l'énigme Al-Qaïda.

A.C. : Croyez vous que Ben Laden soit toujours en vie ?

O.B. : Sans aucun doute, parce que ses partisans ont un principe qui s'appelle " istishab al asl, istishab al hal " qui dit qu'il y a continuité jusqu'à preuve du contraire. Si Ben Laden avait été tué, cela aurait été un honneur pour eux et une fierté pour ses partisans parce qu'il serait auréolé de la gloire du martyr. Je crois qu'il pense avoir assez chevauché et être venu le temps de céder la place.

A.C. : Il y a une contradiction dans votre discours. D'une part vous parlez favorablement de Ben Laden, de l'autre vous dénoncez le meurtre de civils. Comment pouvez vous conciliez ces deux positions ?

O.B. : C'est vrai. Je vais vous expliquer. Quand on parle de l'Irak, c'est un théâtre de guerre. Il n'y a pas de pacte. Je suis sûr maintenant que vous développez une compréhension islamique. Le point clé de toutes relations entre les musulmans et les non-musulmans repose sur ce qu'on appelle en arabe " Al Aman wal Aahd ", la protection du pacte. En Amérique du nord, même les Peaux-rouges disaient " Nous venons en paix ", ce qui signifie qu'il y a un pacte. Sinon, rien ne garantit la vie des gens et leur propriété. Ou bien les non-musulmans embrassent l'islam, ou bien ils concluent un pacte avec les musulmans. Aussi, quand vous combattez des salafistes, vous dénoncez le pacte conclu avec eux. Vous activez alors les règles islamiques qui disent " votre vie et vos biens ne bénéficient plus de protection " et cela dégénère en un conflit. Je l'ai dit aux responsables de la sécurité libanaise : les gens qui sont en face de vous ont adopté la culture salafiste-jihadiste. Si vous les attaquez dans le seul but de plaire aux Américains, vous jouez avec le feu. C'est comme si vous leur disiez il n'y a plus de pacte entre nous.

A.C. : Bien, mais dans le cas de Ben Laden...

O.B. : Quand je parle de Ben Laden, je parle de régions où il n'y a pas de pacte entre lui et ses adversaires. Ils lui font la guerre et il répond. Quand on répond, des femmes et des enfants vont être pris dans le conflit sans être des cibles. Il y a une grande différence entre viser des femmes et enfants, ce que l'islam interdit, et les tuer sans l'avoir voulu au cours des combats.

A.C. : Evidemment, mais n'étaient-ce pas des non-combattants, des civils, qui étaient dans les tours du " Trade World Centre ", le 11 septembre à New York ?

O.B. : Cette distinction entre civils et militaires n'existe pas en islam. Seul le pacte existe.

A.C. : Ce qui à vos yeux justifie les attaques du 11 septembre quand elles émanent de musulmans venant de l'extérieur des Etats-Unis.

O.B. : Je ne justifie pas, j'explique ce que les partisans de Ben Laden croient.

A.C. : C'est à vous que je pose la question...

O.B. : je crois que le musulman, où qu'il se trouve, n'est pas autorisé à attaquer et tuer des gens innocents, des femmes et des enfants, des civils ou des militaires, parce que le pacte de sécurité l'interdit. Mais les partisans de Ben Laden font leur propre interprétation des textes. Pour eux, en absence d'un pacte, il y a état de guerre. C'est pour cela que Ben Laden n'a pas appelé les musulmans vivant en Occident à tuer les habitants de cette région du monde, en raison de cette notion de pacte. Les opérations ont été conduites par ses hommes venant d'autres pays.

A.C. : Ce sont des subtilités que vous aurez du mal à faire comprendre en Occident.

O.B. : Ben Laden justifie ses attaques par une fatoua particulière, celle qui concerne les Banou Nadhir et les Banou Qouraydhah (26). Deux hommes avaient trahi le pacte conclu entre les musulmans et ces tribus juives. Mohammad ordonna de tuer tous les hommes et prit les femmes et enfants en butin. C'est pour cela que Ben Laden a dit, " vous les Américains si vous votez à nouveau pour Bush, ne blâmez que vous même ". Dans son idée cela revenait à dénoncer la trêve qu'il avait offerte au peuple américain. En votant pour Bush, les Américains se déclaraient solidaires de sa politique. C'est un désastre. Néanmoins, Ben Laden affiche ses propres limites : il interdit de tuer des femmes, des enfants ou des prêtres. Sauf, bien sûr, s'ils sont tués pris dans la mêlée au cours d'une attaque. Il voit alors dans leur disparition des dommages collatéraux.

A.C. : A New York, il a attaqué des cibles sans précaution aucune.

O.B. : Le Pentagone est une cible militaire.

A.C. : Le Pentagone, oui mais pas les Tours jumelles, ni les avions transportant des voyageurs et qui ont servi de projectile.

O.B. : J'aurais préféré que toute l'opération n'ait jamais été menée. Mais, les Américains attaquent partout. Avant le 11 septembre, ce n'était pas très beau. Ceci dit, je pense que tuer des innocents à New York, Madrid, Londres, à Nahr el Bared, en Irak ou en Afghanistan, est totalement interdit en Islam et que nous devons le condamner. Mais quand, nous musulmans, condamnons le massacre d'innocents non-musulmans, nous aimerions entendre la même condamnation à propos de la mort de musulmans innocents, en Palestine, en Irak ou en Afghanistan

A.C. : Vous l'entendrez de moi

O.B. : Parce que vous connaissez la région.

A.C. :
Parce que ce n'est pas juste. Je l'écris aussi. Je suis opposé à la politique des Israéliens et à leur manière de conduire leur guerre. Cela ne veut néanmoins pas dire que j'approuve les combattants du Hamas quand ils tuent des civils.

Omar Bakri : Tuer des civils, je veux dire des innocents, n'est pas autorisé en Islam.

Alain Chevalérias : Je vous remercie pour cette interview.


NOTES

(1)Le droit chafiite est l'une des quatre écoles juridiques de l'islam sunnite, la " tarika Naqchbandi " une voie du soufisme.
(2) La " Jamaa Islamiyya " est l'organisation des Frères musulmans au Liban. Fathi Yagan a pris ses distances mais Fayçal Maoulaoui en est le responsable principal.
(3) Abdel Bari Atwane est le directeur de " Al Qods Al-Arabi ", journal arabe publié à Londres.
(4) Il s'agit d'une notion religieuse concernant le " péché ". Pour le " murji'isme ", de l'arabe " irja " ou " remise à plus tard ", la foi compense les " péchés ", y compris les plus graves. Il s'oppose sur ce point au " kharijisme ", pour lequel la qualité de musulman se perd en commettant une faute grave au regard de l'islam.
(5) Les " salafistes " se veulent imitateurs des " salaf " ou compagnons du prophète Mahomet. Né au XIXème siècle, le salafisme était à l'origine un mouvement moderniste et réformateur. Aujourd'hui, autant les musulmans que les non-musulmans identifient souvent le " salafisme " au " jihadisme " ou idéologie du jihad. On peut néanmoins se demander dans quelle mesure il n'y a pas abus de langage.
(6) Doctrine religieuse pakistanaise très écoutée en Afghanistan.
(7) Le hanafisme est une école juridique de l'islam sunnite.
(8) " Khilafat ", mouvement en faveur de la restauration du califat, en d'autre terme d'une direction politico-religieuse unique pour tous les musulmans.
(9) John Major a été Premier ministre de Grande-Bretagne de 1990 à 1997.
(10) Hassan Tourabi a été président du Parlement soudanais et faisait figure de référence de la mouvance islamiste dans les années 90.(Lire le livre d'interviews d'Hassan Tourabi réalisé par Alain Chevalérias : "Islam avenir du monde?", éditions Lattés)
(11) Abou Qatada est un islamiste arabe de Londres.
(12) Abou Mohammad Al Maqdessi, un Jordanien, a été le chef spirituel d'Abou Moussab Al-Zarqaoui, qui s'est illustré par sa violence en Irak.
(13) Le " Hezb At-Tahrir " a été fondé en Palestine en 1953. C'est un parti islamiste favorable à l'instauration d'un calife pour diriger le monde musulman, à l'islamisation du monde et au démantèlement de l'Etat d'Israël. Il s'est néanmoins scindé en plusieurs mouvances et Omar Bakri n'a été le membre que de l'une de ces mouvances.
(14) Les 19 magnifiques pour désigner les 19 attaquants du 11 septembre 2001.
(15) Par référence aux défis de Moïse s'adressant, selon la Bible, au Pharaon de l'époque. Le Pharaon est devenu, dans le langage islamiste, le synonyme d'oppresseur.
(16) Le " sharwal-kamis " est le vêtement traditionnel du Pakistan et de l'Afghanistan, formé d'une chemise à long pans portés à l'extérieur du pantalon bouffant.
(17) Le califat, d'abord aux mains des Arabes, était tombé dans celles des Ottomans. Avec la Première Guerre mondiale et la défaite de l'empire turc, le califat, ou " Khilafat " s'éteignit.
(18) Soumission en français.
(19) Dans le Coran, le verset 3 de la sourate XXIV dit : " Fustigez la fornicatrice et le fornicateur de cent coups de fouet à chacun d'eux " dans la traduction du cheikh Si Boubakeur Hamza, ancien recteur de la mosquée de Paris (Editions Fayard-Denoël). On entend ici par fornicateur les personnes qui ont des relations sexuelles en dehors du mariage. Il est vrai, la Ghamidiya a été lapidée sur ordre de Mahomet mais à sa demande insistante. C'est le seul cas répertorié de toute la vie de Mahomet. En réalité, la lapidation était une tradition pré-islamique appliquée par les tribus du désert. Il convient aussi de préciser, qu'islamiquement parlant, le Coran, parole de Dieu pour les musulmans, a droit de préséance sur le modèle offert par le prophète, la Sunna.
(20) La Sunna est l'ensemble des comportements, des usages et des dires laissés par le prophète Mahomet (Muhammad). Elle est la seconde source de référence religieuse, après le Coran. L'ijmaa est la troisième référence, par entente consensuelle de la communauté des musulmans.
(21) " Iqra " pour les sciences religieuses.
(22) L'université de Balamand est une université chrétienne orthodoxe.
(23) Ayman Al-Zawahiri est considéré comme le bras droit de Ben Laden.
(24) Hussein Ibn Ali, était le second fils d'Ali et le troisième Imam chiite. Révéré par les chiites, il a été assassiné par les sunnites.
(25) Cette lettre a été rendue publique le 11 octobre 2005 par les Etats-Unis.
(26) S'installant à Médine après sa fuite de La Mecque en 622, Mahomet (Muhammad) avait conclu auparavant un pacte avec les tribus de la région, en particulier les tribus arabes juives. Toutes devaient ensuite être éliminées à la suite de disputes qui éclatèrent avec les musulmans. Les Bani Nadhir étaient accusés d'avoir fait tomber une meule d'un toit pour tuer le prophète. Les Banou Qouraydah avaient cherché à soulever les tribus arabes contre les musulmans. Les premiers furent chassés ne pouvant emporter avec eux que le chargement de leurs chameaux. Les musulmans se partagèrent leurs biens et leurs terres. Les seconds furent tous tués, les femmes et les enfants réduits à l'esclavage et partagés entre les musulmans.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com
Retour Menu
Retour Page d'Accueil